2.6.3. La mode des décors en draperie

Le néoclassicisme1663, multipliant les références à l’antique, privilégie les draperies qui apparaissent en guise de décor dans nombre de tableaux que les peintres copient sur les bas-reliefs antiques, les sarcophages en particulier : dès 1769, le peintre Greuze place son Septime-Sévère1664 devant une draperie à longs plis verticaux ; David en multiplie les exemples à partir de 1783 et ce devient un poncif du décor intérieur dès les années 1790. Le principe reste dans ses grandes lignes toujours le même, à cette époque du moins : la draperie est fixée dans sa partie supérieure à deux pitons dont la distance est inférieure à la largeur de la laize, ce qui entraîne des plis arrondis de haut en bas. Désormais, on va draper à l’envi sur les murs, en particulier avec de la mousseline, alors fort à la mode, mais aussi avec des étoffes plus lourdes comme des soies façonnées ou du velours de laine ou de soie. Et très rapidement, le papier peint1665 suit en les imitant : dès sa première année, Nicolas Dollfus & Cie met en collection des draperies (n° 84 et 96), complétées par des cantonnières : bleues, rouges mais aussi « en mousseline lila », annonçant le goût nouveau. Et quelques années plus tard, le décompte du dessinateur Darmancourt en 1800 laisse apparaître des «  franches(sic) pour une drap e 1666 ». En 1801, Madame de Genlis, rentre d’émigration et constate le « mauvais goût » ambiant : 

‘mille bizarreries. On plissoit les étoffes sur les murs au lieu de les étendre, on calculoit sans doute que de cette manière, l’aunage étoit plus considérable, et que cela étoit beaucoup plus magnifique 1667.’

Se méprenant sur la raison d’être des draperies, elle est incapable de comprendre qu’il s’agit de compenser par des formes souples la sécheresse des formes du nouveau mobilier : ces « Niagaras de textile », pour reprendre l’expression de Peter Thornton, vont devenir la règle sur le mur. Percier & Fontaine en font par exemple un large usage tant pour le couple impérial que pour leurs clients privés. La mode gagne aussi l’étranger : la chambre de la reine Louise de Prusse au château de Charlottenbourg, conçue par Carl Friedrich Schinkel en 1810, en est l’exemple le plus célèbre1668. Remarquons que dès la chambre à coucher de Madame Récamier, en 18021669, les draperies descendent de la cimaise au sol ; le bas de lambris fait place à de lourdes franges, ce qui transforme totalement la structure de la pièce. Un tel schéma se retrouve dans toutes les pièces de ce type réalisées en textile1670.

Notes
1663.

Dans une abondante bibliographie, on privilégiera comme introduction au phénomène néoclassique l’ouvrage d’Irwin 1997. Praz a multiplié les études de décors intérieurs néoclassiques rassemblées dans Praz 1989. Thornton 1984 consacre les pages 138-157 à une introduction à l’intérieur néoclassique.

1664.

L’empereur Septime-Sévère reproche à Caracalla, son fils, d’avoir voulu l’assassiner (Musée du Louvre)

1665.

Les draperies en papier peint n’ont fait l’objet d’aucune étude systématique : voir cependant Lynn 1980, p. 258-260, Nylander 1986 p. 115-117, Jacqué 1987, p. 19-22.

1666.

MPP Z 108, 10 nivôse 8.

1667.

Genlis (Stéphanie-Félicité de) Mémoires, tome V, p. 105.

1668.

Il a été reconstitué à l’identique, cf. Streidt 1999, p. 407..

1669.

Actuellement reconstituée au Louvre.

1670.

Voir par exemple Thornton 1984 n° 241, 252, 253, 320, 323, 325, 340.