Conclusion

En conclusion, le papier peint est, sans l’ombre d’un doute, un décor d’illusion. L’imitation est une des sources d’inspiration majeure du papier peint, en cela parfaitement adapté à l’évolution de la société du XIXe siècle, dès sa première moitié. Mais il faut attendre les années 1880 pour voir théoriser la question, au moins dans le domaine qui nous concerne. A défaut de l’affirmation de Charles Blanc, déjà citée, on peut rappeler, presque contemporaine, l’assertion de Havard dans l’article papier peint de son Dictionnaire :

‘Pour les sortes d’un prix élevé, on a généralement recours à certains raffinements qui achèvent de faire du papier peint un vrai trompe-l’œil. On peut dire qu’il n’est pas de subterfuges intelligents, pas de procédés subtils, pas de ressources ingénieuses auxquels les fabricants n’aient eu recours dans ces dernières années1768.’

Nous avons du mal à accepter d’un point de vue aussi positif cette manière de faire : toute la modernité1769, depuis les Réformistes anglais, a condamné d’avance une telle opinion. Mais il importe de voir le papier peint, non pas sous cet angle, mais clairement comme le témoin privilégié des goûts des contemporains. Comme l’écrit Odile Nouvel-Kammerer, « c’est dans ce contexte que les fabricants ont su développer une extraordinaire capacité de créativité technique (…) Car enfin le papier brut est sans couleur, mat, plane, fragile, les fabricants en ont fait un art coloré, brillant, estampé, support de matériaux nobles. C’est parce que la clientèle leur demandait d’imiter qu’ils ont créé un art mural noble1770 ». Ajoutons : noble, qu’il s’agisse de draperies somptueuses ou de paysages.

Le papier peint nous permet de lire l’histoire du décor intérieur en se départissant de nos conceptions déterministes et rationalistes de l’Histoire1771 et d’accepter sa réalité, fût-elle à nos yeux laide, en tout cas non conforme au goût actuellement dominant1772.

Notes
1768.

Tome IV, col. 87.

1769.

De ce point de vue, l’ouvrage de Siegfried Giedion Mechanization takes command (La mécanisation au pouvoir) de 1948 demeure la bible de cette modernité.

1770.

Nouvel-Kammerer 1992, p. 106.

1771.

Et de l’histoire des arts décoratifs, omniprésente dans l’historiographie anglaise.

1772.

Voir à ce propos, par exemple, l’introduction de l’architecture au XIXe siècle de Claude Mignot, Paris 1983, p. 7-12, qui pose, à propos de l’architecture historiciste, une problématique semblable.