3.4.7. Les progrès du gaufrage

Dans ce domaine, les brevets comme les fabrications se multiplient en France et en Belgique dans les années 1850-601947, soit dans des entreprises spécialisées comme Seegers & Josse à Paris à partir de 1855 ou de Vandelaër, Hendrickx & Jamar depuis la même date à Bruxelles1948, soit dans des entreprises généralistes comme Jules Desfossé ou Jean Zuber & Cie qui acquiert pour 5000 francs tout comprisun balancier de Steinmetz à Paris en 18641949. Le principe en est toujours le même : donner un léger volume à un papier, un papier doublé (comme chez Vandelaër), ou le plus souvent un carton1950. Mais ce volume peut être en creux (on parle alors de frappe : le procédé est le plus souvent utilisé avec de la dorure) ou en relief (gaufrage à proprement parler). Dans ce dessein, le papier peint, préalablement imprimé1951 et doré si nécessaire, est passé dans une presse à balancier à chaud entre une plaque de métal gravée en creux et sa contrepartie malléable (carton, plomb, sciure) en relief. Le travail n’a pas lieu en continu, la plaque ayant environ 0,50 sur 0,50 m, mais le papier est progressivement estampé, ce qui rend la manipulation longue, exige un repérage précis, et rend donc le produit, coûteux.

C’est la manufacture Balin de Paris1952 qui porte ce produit à la perfection à partir de son premier brevet en 1866 ; sa fabrication va se maintenir jusqu’au suicide de son chef, Paul Balin en 1898. Ce dernier n’use que de procédés manuels (impression, gaufrage à la presse à froid) pour obtenir un produit de grand luxe, fabriqué en petite série et vendu à la coupe à grand prix1953.

Balin a déposé sept brevets de 1866 à 1881, sans compter les certificats d’addition, de façon à couvrir tous les aspects possibles du gaufrage et de l’étendre aux domaines connexes au papier peint. De nombreux procès à l’encontre de ses confrères aux approches de l’expiration de son brevet de 1866 ont entraîné une abondante littérature1954. Par ailleurs le critique Charles Blanc dans sa Grammaire des arts décoratifs 1955 multiplie les allusions à la production de Balin mais sans le citer explicitement.

Les procédés de Balin font appel à des manutentions complexes ; prenons quelques exemples. :

Balin aboutit à un produit fabriqué en petites séries à un prix exorbitant : 25 à 37,50 francs le rouleau1962, à un moment où l’on trouve des rouleaux de papier peint à moins d’un franc. Il existe certes un marché pour ce produit de grand luxe1963. Mais les Britanniques, jusque-là moins inventifs dans ce domaine1964 que les continentaux, mettent de leur côté au point après 1870 des procédés pour fabriquer des papiers peints ayant l’apparence du gaufrage moins coûteux, très résistants tout en donnant à leur papier peint un relief important1965. La firme Scott Morton & Tynecastle Company en fabrique à compter de 1874, avec une toile contrecollée de papier. Mais c’est surtout la mise au point des Lincrusta qui renouvelle complètement ce type de produit à partir de 1877 : les motifs en relief ne sont plus obtenus par gaufrage mais à partir d’huile de lin solidifiée par mélange avec de la pulpe de papier déposée sur un support de papier1966. Ce produit, toujours fabriqué à l’heure actuelle, rencontre un immense succès à cause de sa solidité et de sa durée de conservation : des usines l’élaborent sous brevet dans tout l’Occident. Les Britanniques en lanceront diverses variantes, en particulier Cameoid (1888) et surtout Anaglypta1967 la même année1968.

Il existait au Japon depuis 1684 une tradition de papier gaufré imitant le cuir, en particulier les modèles importés de Hollande, connue sous le nom de « Kinkarakawa »1969. Cette technique est mise à profit par les Anglais qui montent en 1883 la firme Rottman, Strome & C°, devenue Rottman & C° en 1890, pour réaliser des motifs occidentaux faisant appel à ce savoir-faire. Les rouleaux se présentent en grande largeur (0,964 m) et sont faits de feuilles de papier minces superposées, imprimées puis gaufrées1970. Ils ont été utilisés aussi bien à Buckingham Palace qu’au palais de Het Loo aux Pays-Bas1971.

Notes
1947.

Voir l’historique dans Laboulaye 1879.

1948.

Mais aussi Frémont, Armengaud, Dulud à Paris… Pour la Belgique, voir Bruxelles 1997, p. 67-69. Anvers a aussi été un centre de production de cartons-cuirs. La manufacture Herting à Einbeck (Basse-Saxe) se fait une spécialité d’or frappé (Exner 1869, p. 47, Olligs 1970 III, p. 63.

1949.

Cette acquisition devenait possible avec la production de gaz dans l’entreprise, non reliée à un réseau de gaz de ville, puisque le gaufrage se faisait à chaud (Inventaire 1867).

1950.

Les manufacturiers emploient volontiers l’expression « carton-cuir ».

1951.

Dans l’impression dite « à la congrève », on peut imprimer et gaufrer en même temps, mais en n’utilisant que des encres typographiques (brevet Knepper & G. Bauërkeller), cf. Laboulaye 1879, p. 7-10.

1952.

Les archives de l’entreprise sont entre les mains de la famille des repreneurs, la famille Hans, et ne sont malheureusement pas consultables. La seule étude est Jacqué 1992c.

1953.

Un rapprochement s’impose avec Mariano Fortuny qui est au textile ce que Balin est au papier, cf. Osma 1994..

1954.

Voir Jacqué 1992 et les archives du MPP, Z 186. D’après les inventaires, ces procès ont coûté une fortune, de l’ordre d’une vingtaine de mille francs par an.

1955.

Blanc 1881.

1956.

Balin n° 5243 PB (catalogue Claesen).

1957.

Balin n° 5218 PB (catalogue Claesen)

1958.

Balin n° 5230, 5237 et 5248-50 (catalogue Claesen).

1959.

Blanc 1881, p. 73.

1960.

Cf les brevets Chenavard de 1797 et Jacquemart & Bénard de 1800, voir supra.

1961.

Blanc 1881, p. 71.

1962.

Thümmler 1998, p. 142.

1963.

Ces papiers se retrouvent dans les somptueuses country-houses anglaises ou dans les demeures des magnats américains à Newport.

1964.

Même s’il y a eu multitude de brevets qui ne semblent pas avoir abouti à fabrication : cf. Sugden & Edmondson, p. 133-135.

1965.

Sugden & Edmonson 1925, p. 181, Nylander 1993, p. 67 et 69.

1966.

Mais aussi de textile.

1967.

Anaglypta est une imitation de Lincrusta à bas prix.

1968.

Sugden & Edmondson 1925 consacrent un large chapitre bien documenté sur cette question, p. 245-256.

1969.

Scholten 1989 (résumé en anglais p. 100-103)

1970.

Cette fabrication se poursuit à l’heure actuelle sous diverses raisons sociales, voir Scholten, p. 102.

1971.

Idem.