3.4.8. La vulgarisation de la dorure

Au XVIIIe siècle, l’usage de l’or restait exceptionnel : on le trouve par exemple dans les spectaculaires n° 600 de Réveillon1972. Il s’agit alors d’or en feuille, posé à la façon des relieurs sur un mordant à base d’huile de lin et de litharge. Le Normand décrit encore le procédé1973. Au contraire, le XIXe siècle, surtout dans sa seconde partie, fait un large appel à l’or : celui-ci, bien sûr, est synonyme de somptuosité, mais on ne saurait oublier son importance en matière de luminosité ; accrochant la lumière, il accentue les effets de troisième dimension, ce qui explique son usage fréquent dans les décors jouant la carte du relief1974. Soucieux de somptuosité comme de luminosité, les manufacturiers font large usage d’or et d’argent, mais il s’agit alors bien davantage de dorure et d’argenture. Exner1975 décrit par exemple les nombreuses variantes de « bronzes » dont dispose le marché dans diverses nuances : ce sont des alliages à proportions variées de cuivre et de zinc, voire d’étain pour l’or blanc1976.

Ces produits se vendent et s’appliquent en feuille, ce qui suppose une opération longue et minutieuse, proche des techniques utilisées en reliure . C’est le cas en particulier pour la pratique de la frappe, souvent utilisée en particulier pour le velours :

‘On se sert du balancier. On place une mince feuille d’or vrai ou de laiton (or d’Allemagne) suivant la qualité du produit que l’on fabrique, entre une feuille saupoudrée de résine et une platine chauffée où est tracé le dessin à reproduire. La chaleur fait fondre la résine, et par la force de pression que produit le balancier, l’or adhère aux parties du dessin qui doivent le recevoir.’

Figuier décrit les autres procédés destinés aux « papiers plus ordinaires » :

‘1° en faisant adhérer par la pression d’un rouleau la feuille d’or posée sur le papier, préalablement recouvert d’un mordant reproduisant le dessin,
2° en répandant sur le papier déposé dans le tambour1977 après avoir reçu le vernis adhésif, de la poudre d’or.’

Ce tambour est décrit ainsi par Havard1978 qui en donne une illustration :

‘une caisse armée de rouleaux intérieurs, dans laquelle le papier peint , destiné à être doré, est introduit après avoir reçu le mordant. Un système de moulin, mis en mouvement par le passeur, fait franchir au papier ainsi préparé la longueur du tambour, pendant que la poudre d’or faux projeté sur lui s’attache aux parties qui ont été préalablement mordancées.’

Quel que soit le procédé retenu, il fait appel à une importante manutention qui rend le produit fini coûteux : même le tambour, reproduit par Havard, suppose deux ouvriers, un pour maintenir le papier mordancé et un second pour faire tourner les rouleaux.

L’argent s’emploie tout comme l’or : à une différence près, alors que l’or est inaltérable, l’argent s’oxyde et noircit rapidement. Pour l’éviter, on le « vernit » avec un mélange de colle et de blanc d’œuf1979.

La recherche de brillance a poussé à utiliser, à défaut de dorure ou d’argenture, différents cristaux : de la coquille d’œuf, de l’albâtre et de la nacre réduites en poudre1980 faisant appel à des différents procédés de fabrication et d’impression. Le Deutsches Tapetenmuseum de Kassel conserve ainsi une collection de papiers décorés de nacre de la manufacture Karl Herting d’Einbeck (Basse-Saxe), créés dans les années 1860-701981.

Mais la formule la plus fréquemment employée est le mica qui est déjà décrit par Exner : il connaît un immense développement dans la production des papiers peints Arts & Crafts puis Art nouveau1982 où il remplace le satinage ; même William Morris y fait appel à partir de 1886-71983.

Notes
1972.

Jacqué 1995, cat. IIIB5, p. 159.

1973.

Le Normand 1832, p. 219.

1974.

Voir Jacqué 2000. Voir aussi les reproductions du Décor chasse et pêche (1839, réimpression du Second Empire) dans Jacqué 1987, planche 36.

1975.

P. 212.

1976.

Les fournisseurs sont installés à Nuremberg et Fürth à cause de la tradition ancienne des « Brokatpapier ». A Paris, l’entreprise la plus renommée, aux dires d’Exner, est Brunet & Cie, 4 boulevard du Prince Eugène.

1977.

Ce tambour est décrit et reproduit dans Havard 1887, vol. II, col. 171-172.

1978.

Havard 1887, t. 2, 171.

1979.

Schmidt 1856, p. 116.

1980.

Exner 1869, p. 318-322.

1981.

Thümmler 1998, p. 143-144.

1982.

De nombreux exemples dans Bieri-Jacqué 1989.

1983.

Catalogue William Morris 1996, p. 204.