3.6.4. Que coûte un décor ?

Quelle pouvait être la clientèle de ces décors ? Le prix nous en donne une idée à défaut d’exemplaires encore conservés en place²¹⁵². Nous possédons des prix-courants : celui de Délicourt & Cie de 1847, celui de Jean Zuber & Cie de 1890²¹⁵³ ; certaines lithographies portent par ailleurs des mentions manuscrites. Enfin, nous disposons de la facture du décor posé en 1839 dans le salon de compagnie de la Maison d’Alt à Fribourg (Suisse), ill° 44. 1a).

Mais les décors étant formés d’éléments qui se combinent de façon complexe, chaque cas est différent : ici, il n’est pas nécessaire de poser une corniche, là, le lambris est déjà présent. La nature modulable du décor entraîne des prix différents et, à la différence d’un panoramique, les manufacturiers ne proposent pas un ensemble mais des éléments destinés, une fois combinés entre eux, à former un ensemble. Il faut aussi tenir compte du prix de la pose, plus ou moins aisée selon la pièce.

Nous avons retenu ici comme principe un calcul fondé sur 16 m linéaires (soit la dimension habituelle d’un panoramique) en faisant appel à tous les éléments proposés par le fabricant dans leur version la plus coûteuse (“tout doré 2 ors et velouté 2 laines” chez Délicourt, par exemple) ; le prix peut être rabattu d’un tiers dans les versions les plus simples.

• Soit le cas du Décor Les sciences, décor arabesque colorié, style Louis XIV, créé par Délicourt vers 1850. La lithographie le présente comme très élaboré, avec un fort effet de trompe-l’œil. Il faut compter 500 francs.
• Le Décor des 4 saisons traité dans les tons de la peinture décorative par Balin frères en 1867, revendu par la suite à J. Zuber & Cie : sa volonté d’imiter la peinture fait appel à un nombre de planches élevé et exige une impression très soignée. On arrive à 450 francs.
• Le Décor Louis XVI de J. Zuber & Cie (1862), plus simple, un lambris et un simple encadrement autour de panneaux unis, ne coûte que 175 francs.
• Le Décor historique, style Renaissance de Délicourt posé à Fribourg (Suisse) dans un salon de 8 m sur 6 est revenu à 300 francs (soit 20% de moins que celui du prix-courant).

Deux points de comparaison : en 1824, le panoramique de 25 lés Les Jardins français acheté à Meerenschwand (Aargau) en Suisse coûtait 126 francs²¹⁵⁴ ; et à Fribourg, dans le salon de la Maison d’Alt, les 3 miroirs encadrés sur la cheminée et entre les fenêtres sont revenus à 1270 francs. Le décor est donc onéreux en tant que papier peint, plus cher en particulier que le panoramique, mais comparé à d’autres fournitures de l’intérieur, il ne l’est pas : une même tenture en soierie ou une boiserie serait infiniment plus coûteux. Par ailleurs, le décor permet de créer une décoration d’intérieur à la dernière mode et de grande allure, parfaitement adaptée au monde du paraître et qui, devenue obsolète, peut être remplacée à moindre coût.