1. Luxe et marketing

D’après Castarede, le mot « marketing » désigne « l’ensemble des moyens et des techniques destinées à faire en sorte que les produits qui sont mis sur le marché soient accessibles à ceux qui désirent les acquérir : c’est l’ensemble des mécanismes de facilitation de l’adaptation de l’offre à la demande » 53 . Apparemment, le marketing indique surtout des réflexions préparant l’acte de vente et essentiellement les études de marché, autrement dit la commercialisation sur quatre facteurs : le prix, la distribution, la communication et le produit, ce que l’on appelle le marketing mix.

Le marketing du luxe repose sur une diffusion de l’Information fondée sur le culte du nom et de la marque qui se reconnaît à ses signes et à ses codes. Cette diffusion des signes constitue l’originalité de la politique du « marketing » des maisons de luxe. D’après Castarede, la spécificité du marketing du luxe relève de la primauté essentielle du produit. « Sans produit mythique, de qualité supérieure, rare, entouré d’une autre mystérieuse, il n’y a pas de marketing de luxe » 54 . C’est-à-dire qu’en cas d’appui sur un nom ou une marque peut se construire la cohérence avec le produit. La marque est aussi importante que le produit en matière de luxe. C’est en quelque sorte une caution indispensable. En ce qui concerne la relation entre le produit et la marque, nous trouvons une remarque intéressant selon les époques : « les années 80 était plutôt celles de la marque, les années 1990 celle du produit » 55 .

En fait, nous pouvons dire que tous les univers du luxe actuel se déclinent comme une stratégie de diversification. Cette complexification conduit à mettre en place des stratégies cohérente vis-à-vis de l’ensemble. Les stratégies marketing sont donc différentes suivant les types de luxe. D’après Danielle Allères 56 , le marché du luxe accessible s’appuie sur un marketing « intuitif », le luxe intermédiaire, sur un marketing « élaboré », enfin le luxe accessible sur un marketing « scientifique ».

Tableau 7: Luxe et stratégies-marketing
Tableau 7: Luxe et stratégies-marketing

Ces stratégies appliquées au luxe accessible ressemblent à celles des produits de grande consommation dans le tableau de Castarede 57 .

Tableau 8
  Luxe Grande consommation
Besoins
dans la pyramide de Maslow
- appartenance
- accomplissement
- considération
- physiologique
- sécurité
Produit Objet
Métier
Utilité et commodité
Packaging
Prix Elevé Le plus faible pour augmenter la quantité
Distribution Selective
Duty free
Grands magasins
Export
GMS
Grands magasins
Magasins de proximité
Communication Sélective et ciblé
TV parfois
Mécénat
Rédactionnelle
Grand public
TV
Publicité
Stratégie Elimination des concurrents par la différence Elimination des concurrents par les coûts et la publicité
Résultat Maxi marge Maxi volume

Danielle Allères 58 définit les dernières années du luxe par l’apparition d’une double complication :

  • La banalisation accrue de certaines marques ou produits, par suite de leurs compositions, du mode de distribution choisi ou de leur campagne de communication.
  • Des résurgences de luxe inaccessible. Par exemple, la création de flacons de parfums prestigieux, précieux, en séries limitées et numérotées.

Par cet écart, elle a conclu que l’avenir des marques de luxe dépend d’un savant dosage entre des univers difficilement compatibles. C’est pour cela que les marques de luxe participent au processus de diversification et de distinction des consommateurs. Il s’agit de la segmentation du marché ou plutôt de la fragmentation de la clientèle.Cette diversification est non seulement une tentation noble de la marque et aussi une nécessité du marketing.

En ce qui concerne la diversification des consommateurs, nous pensons étudier essentiellement les aspects de marketing pour les jeunes consommateurs. Véhiculé au début du siècle par les gens d’âge mûr dont le statut social et les ressources financières en permettaient l’accès, le luxe d’aujourd’hui est devenu l’apanage de la jeunesse. Il est vrai que la nouvelle génération internationale des 18-24 ans crée la mode, lance les courants et développe largement le luxe « marketing ».

Saphia Richou et son collègue estiment que « les 18-24 ans ont un poids important dans l’avenir de la consommation et représentation une cible stratégique pour le marché du luxe. Excessivement informatisés, les 18-24 ans sont attirés par les produits du multimédia et sont sensibles à la nouveauté comme au design. Moins fidèles aux marques que leurs aînés, ils acceptent uniquement d’en payer le prix si les produits griffés leur apportent le plaisir de la représentation et du symbole, le signe de reconnaissance à leur groupe. Sujets à l’achat d’impulsion lié à la nouveauté et à l’esthétique, ils investissent dans les produits ludiques, les loisirs, les vacances et les sorties » 59 . D’après Richou, les jeunes consommateurs de luxe peuvent se définir par des nouvelles exigences en quatre mots : sécurité, plaisir, innovation et sens.

Par exemple, d’un côté, Calvin Klein, Donna Karen et Ralphe Lauren, ces couturiers américains ont développé dans toute l’Europe leurs mégastores à coup de campagnes publicitaires. D’un autre côté, ils adoptèrent, comme Gucci, Prada et Jil Sander, la même politique de développement. La jeunesse dorée internationale imposait à l’univers du luxe ses héros du stade, des écrans et des podiums. L’invasion des mêmes baskets, des mêmes survêtements, des mêmes sacs à dos, des mêmes marques, des mêmes destinations de vacances, des mêmes loisirs, du même style, du tout à l’identique se répandit. 60 C’est d’autant plus vrai que les Calvin Klein, Armani ou Ralph Lauren, qui ont joué à fond la carte du sportwear, sont tombés dans la consommation de masse 61 .

De l’autre côté, une tendance à la création des marques ou des produits de « demi-luxe » est apparue. Par exemple, Georgio Armani est concurrencé par Emporio Armani, moins cher mais tout de même élégant, puis par Mani, plus orienté sport. Les grandes marques de luxe exploitent leur image et leur notoriété pour dépasser les frontières de leur domaine de compétence initial. Après le succès des bougies parfumées agissant sur notre humeur, les lancements de parfums « actifs » ne se comptent plus (Coloressence de Dior...). Ils sont énergisants ou relaxants (Aroma Tonic et Aroma Calme de Lancôme).

Nous nous sommes enfin rendu compte que la communication elle-même a des caractéristiques bien particulières. Donc nous traiterons de ce sujet dans le prochain chapitre « Supports publicitaires du luxe ».

Notes
53.

Jean CASTAREDE, Le Luxe, Paris, PUF, 1992, p.75.

54.

Jean CASTAREDE, Ibid., p.76.

55.

Jean CASTAREDE, Ibid., p.77.

56.

Danielle ALLERES, Luxe : stratégies-marketing, Paris, Economica, 1997, p.171.

57.

Jean CASTAREDE, Op.cit., p.82

58.

Danielle ALLIERES, Luxe : un management spécifique, Paris, Economica, 1995, p. 67.

59.

Saphia RICHOU et Michel LOMBARD, Le luxe dans tous ses états, Paris, Economica, 1999, p.130.

60.

Nicolas RIOU, Pub Fiction, Paris, Edition d’Organisation, 2002, p.111.

61.

L’article de Marie LEJEUNE-PIAT, dans la rubrique « Les nouveaux challengers » de CB News, n°684, 17 décembre 2001, p.18.