CHAPITRE III :
Supports publicitaires du luxe

Il est significatif de maintenant rappeler Péninou avant d’entrer en notre recherche sur les supports publicitaires de luxe. D’après lui, l’intervention du publicitaire de la marque se manifeste par les trois actes fondamentaux : nommer, qualifier, exalter : « conférer une identité au travers d’un nom, asseoir une personnalité au travers d’une gamme d’attributs, assurer une promotion au travers d’une célébration du nom et du caractère. » 98 Par ailleurs, il est vrai que «l’ on se refère, implicitement et explicitement, à des images, des évocations, des jugements de provenance publicitaire. La publicité est un instrument de catégorisation du réel, un sélecteur, elle catégorise, à sa manière, le monde. Mais c’est plus que cela : le passage de l’économie de production à l’économie commercial de marché, ce n’est pas, seulement, le passage de l’innommé au nommé. C’est aussi le passage du réalisme de la matière (le nom commun) au symbolisme de la personne (le nom propre). Toute anthropomorphique que la publicité tient à l’égard des objets dans le circuit de la personne, parce que la marque est, elle-même, traitée comme analogie de la personne . La personne ou son assimilé peut, seule, recevoir la consécration du Nom Propre : le conférer à la chose-objet, au lieu de se contenter du simple nom commun c’est faire subir à la chose-objet une promotion fantasque, la matière étant ce qui, par excellence, à le plus de mal à entrer dans le cycle de la nomination.»99

En fait, comme pour les autres secteurs de production, de nombreux supports relevant aussi bien des grands médias que du hors média peuvent assurer la promotion du luxe. En fait, en terme de « communication du luxe », on dirait que le luxe est tout ce qui est plus intuitif, comme faisant appel à la création, d’où sa spécificité à la fois dans les pratiques d’organisation, et dans la communication. A cet égard, il n’est pas étrange que nous rappelions les principales caractéristiques de la publicité du luxe, à savoir sa finesse et sa subtilité, ce qui n’exclut ni l’innovation, ni l’audace, ni l’originalité. Il s’agit de la publicité audacieuse ou plutôt provocatrice. Leur environnement est forcément esthétique car, c’est encore le meilleur moyen de séduire, mais il intègre aussi une certaine dose de magie. Toutes les maisons n’ont pas le même discours : si leur but commun est que le consommateur potentiel s’identifie à l’image présentée, certaines privilégient les images « choc », c’est-à-dire aux connotations érotiques comme Sisley, Gucci, etc. Par contre, d’autres préfèrent jouer avec les traditions et des valeurs implicites comme Hermès, Cartier, etc.

Depuis l’étude réalisée par Danielle Allères en 1990 100 , la diversification des supports caractérise aussi la communication du luxe. La communication publicitaire, malgré tout, joue encore un rôle important dans la construction d’une identité de marque de luxe, et le packaging du produit, l’ambiance du magasin, la mise en scène de la vitrine, etc., peuvent aussi occuper une place assez importante dans la diffusion des valeurs de la marque. Mais il ne peut évidemment pas être question de traiter du hors média pour notre étude. L’utilisation de plusieurs supports permet de renforcer le discours, tout en le nuançant et en l’enrichissant des apports spécifiques que chaque technique peut fournir. Les marques ont donc recours à tous les types de médias, la politique de communication est alors très abondante (rédactionnel, publicités dans la presse, la télévision, au cinéma). Parmi les grands médias qui ont été choisis, les trois supports suivants peuvent être considérés comme relevant du « supports publicitaires de luxe » : il s’agit des affiches, des annonces-presse et Internet.

Il est vrai que Internet n’est pas un média, à strictement parler. On a pu dire que c’est le média des médias. C’est une plate-forme technologique qui accueille des médias classiques (radio et télévision) et qui permet de créer des formes multiples et nouvelles de communication qui s’inventent, se transforment et se structurent peu à peu. Internet est très polyvalent. Il peut être utilisé pour faire de la publicité produit, de la notoriété de marque, de la communication corporate, de la communication financière, du marketing direct, de la promotion des ventes, etc.

En fait, la publicité sur Internet relève de principes nouveaux. La publicité « classique » est fondée sur la répétition d’un message à l’identique. Internet fonctionne sur l’adaptation et l’évolutivité des messages. Il ne se situe pas en opposition avec les médias traditionnels, mais joue de la complémentarité avec ceux-ci. La plupart des publicités ne citent pas aujourd’hui les coordonnées du site Web de la marque, comme une invitation à en savoir plus. Des créations sont conçues simultanément sur plusieurs médias.

Il est donc très significatif de voir l’aspect du grand support publicitaire classique de luxe, les annonces imprimées, avant d’entrer dans l’analyse profonde de notre corpus, le 4e support publicitaire, dans les prochaines parties, parce que ces supports sont très liés, ou plutôt un peu plus profonds en raison de stratégie de marketing. En ce qui concerne la télévision, même si les spots diffusés sont de plus en plus fréquents, les publicités de produits de luxe y sont encore relativement rares, si on les compare avec les magazines féminins et l’affichage dans la rue où on les rencontre beaucoup plus fréquemment.

Notes
98.

Georges PENINOU, « Le oui, le nom et le caractère », Communication n°17, Paris, Seuil, 1971, p.67.

99.

Georges PENINOU, Ibid., p.69.

100.

Danielle ALLERES, Luxe : Stratégies-marketing, Paris, Economica, 1990, p. 59.