Chapitre II :
Marketing sonore des sites Web de marques de luxe

Que ferions-nous sans le luxe apporté par la vue, l’ouïe, le toucher, le goût et l’odorat, ces sens qui véhiculent nos sensations, nous font ressentir le monde et profiter de ses bienfaits ? « La vue nous initie à l’esthétisme de formes et aux nuances délicates des couleurs.(...) Les sons de la nature nous lient avec l’ensemble du cosmos. Le chant des oiseaux au petit matin, le clapotis des vagues au bord de l’eau, la mélodie d’une musique douce ou le chuchotement d’une voix appellent de nouvelles émotions. » 163 A écouter, on redécouvre intuitivement qu’entendre a pour sens la survie, que la musique et ses signes sont des langages. Le luxe exalte nos sens, réveille notre sensibilité et engendre la vie.

Actuellement, l’ensemble des stimuli d’ambiance des sites Web tels que le son, les couleurs, peut être considéré comme l’outil de marketing le plus connu du marketing direct traditionnel : le point de vente. Il semble que son propos ne passe pas l’étude des comportements de shopping c’est-à-dire que cela relève du behaviourisme suranné, par l’acceptation implicite d’un modèle « stimulus /réponse » dans le cadre de la psychologie environnementale.

Donner une personnalité au site Web des marques de luxe, une personnalité quasi-sensitive, bouscule le schéma traditionnel de l’achat en magasin. Car toutes les activités du consommateur, physiques, perceptives, et même mentales, liées au traitement de l’information, sont modifiées sous l’effet des stimuli de l’environnement tels que les dimensions visuelles et auditives. Donc ce qui est important, surtout dans les sites de luxe, c’est la construction d’une ambiance agréable comme celle d’un magasin.

Les marques de luxe construisent un univers autour de leur nom. Leur environnement du site Web est forcément esthétique car c’est encore le meilleur moyen de séduire, mais il intègre aussi une certaine dose de magie. Toutes les marques n’ont pas le même discours : si leur but commun est que le consommateur potentiels’identifie à l’image présentée, certaines privilégient les images avec les sonorités.

La culture médiatique, bien que plus récente, issue de toutes les formes de communication visant à promouvoir le luxe auprès des acheteurs potentiels, ne repose sur aucune éducation mais se fonde sur sa capacité à inciter les consommateurs au mimétisme grâce à l’utilisation de l’image et du son.

Le commerce a toujours été synonyme de divertissement pour l’individu. Ainsi, les magasins proposent-ils depuis fort longtemps la possibilité de se distraire gratuitement. Sous l’ambiance musicale agréable, on se promène, on découvre des nouveautés, on profite des odeurs de chaque produit, on peut les toucher, les goûter, etc. Le site Web permet aussi de nous promener et de découvrir des nouveautés et des informations utiles en entendant la musique comme dans une forme de magasin virtuel.

Donc les marques de luxe prennent soin de concevoir une mise en page artistique, mêlant intelligemment les valeurs visuelles et valeurs auditives pour produire une ambiance agréable de shopping. Car le site Web représente l’image de la marque.

Aujourd’hui, le consommateur est toujours à la recherche de ce divertissement au travers de son acte d’achat. Donc ce qui est important, surtout sur les sites de luxe, est la construction de l’ambiance agréable des sites comme celle d’un magasin. La marque prend soin de concevoir une mise en page artistique, mêlant intelligemment les valeurs visuelles, les valeurs discursives et valeurs auditives pour une agréable ambiance de shopping sur le site.

Certes, sur les sites en tant que magasin virtuel, il se posera la question de la sonorisation du site dès lors que le haut débit sera accessible à tout le monde et que quelques problèmes techniques auront été réglés 164 . La sonorisation n’évite pas la confrontation à des contraintes de taille. Si la vitesse d’ouverture de sites est très lente, les internautes peuvent être impatients et donc abandonner leur tentative sur Internet. Malgré ces contraintes techniques, aujourd’hui, les marques partagent l’espace du site Web entre le sonore et le visuel.

Par ailleurs, d’après Corbin 165 , dans la société occidentale, ceci peut s’expliquer par une aversion très répandue pour le silence. En effet, le silence renvoie l’homme à sa propre mort et entraîne un sentiment d’angoisse. A ce propos, il existe plusieurs cas d’entreprises qui ont dû rajouter des bruits dans leurs bureaux afin de diminuer l’angoisse créée par la mise en place d’un double vitrage trop performant ou d’un climatiseur particulièrement silencieux.

Le silence apparaît également synonyme de l’absence ; lorsqu’il n’y a personne dans le magasin, c’est silencieux. La musique d’ambiance aurait donc une fonction humanisante pour le commerce. Caractérisé par l’absence de son, le silence met en évidence la cessation, le deuil, la mort. Par exemple, la minute de silence est un rituel pour rendre hommage et qui évoque le deuil... Même si le silence est une forme de communication particulière, celle-ci reste inacceptable car elle n’est pas directement explicite. Cela peut également dénoter en effet une influence négative de l’absence de musique sur le comportement des clients en magasin virtuel. Ainsi il apparaît que s’il n’y a pas de musique, les clients passent moins de temps dans le site, sont de moinsbonne humeur.

Si nous devions énoncer les valeurs auditives des sites Web, nous pourrions rappeler la ponctuation sonore ou musicale, les sons réels, l’indicatif de marque, le signal sonore ou musical, la chanson publicitaire ou bien encore la musique d’accompagnement.

Il est vrai que certains sites ont déjà travaillé sur la dimension sonore. Par exemple, parmi 20 sites, les deux sites de Kenzo et Louis Vuitton utilisent des musiques différentes qui sont adaptées aux images ou aux discours en rapport avec le thème de chaque page de l’écran.

D’autre part, Cacharel, Cartier, Charles Jourdan, Dior, Guerlain, Helana Rubinstein, Hermès, Lancaster, Paco Rabanne, Sisley, Versace, ces onze sites sont ponctués de sons, présents à la page d’accueil (la première page) ou sur certaines pages concernant les nouveautés ou les spécialités...

En revanche, Bally, Burberry, Chanel, Givenchy, Gucci, Jean Paul Gaultier, Lancôme,ces 7 sites n’utilisent aucun son. Nous pouvons supposer qu’ils vont bientôt élargir leurs intérêts dans le domaine de la musique parce que les autres sites, ceux du premier groupe comme Guerlain et Charles Jourdan sont seulement sonorisés depuis quelques mois.

C’est pourquoi même si les sites de marques de luxe expriment l’importance des variétés visuelles et des discours détaillés sur leurs contenus, ils ne peuvent pas refuser la tendance de ce genre de marché et font des efforts pour rendre l’ambiance agréable et plus attirante.

Notes
163.

Saphia RICHOU et Michel LOMBARD, Le luxe dans tous ses états, Paris, Economica, 1999, p. 70.

164.

J.P. GALAN, « The potential impact of music in the web-user: theoretical framework, research avenue and obstacles », The 6th International Research Seminar in Service Management Proceedings, La Londe Les Maures, 6/9 juin 2000, pp.277-299.

165.

Alain CORBIN, Le Miasme et la jonquille, Paris, Editions Flammarion, 1982.