1.2. Traduction rédactionnelle en d’autres langues

Il n’est pas possible de connaître tout l’environnement socioculturel d’un pays donné. Connaître l’environnement culturel d’un marché, c’est en quelque sorte faire le catalogue des particularités, des désirs, des attentes, de comportements des consommateurs des différents pays. Il est vrai que toutes les informations culturelles peuvent être intéressantes pour la construction des messages publicitaires mais le manquement à une des coutumes implique l’échec immédiat de la publicité. Donc il est peut-être préférable de standardiser avec une simple traduction de langue pour l’internationalisation.

En « rédactionnel », nous allons essayer de comprendre un autre côté de standardisation. Ce sous-chapitre focalisera son attention sur la partie du texte de sites Web car il s’agit de la traduction en d’autres langues. Les sites Web dans ce groupe de marketing international sont différenciés par les textes traduits avec les images plastiques identiques. La notion d’équivalence est centrale dans la réflexion de traduction, mais ses acceptations différentes d’une théorie à l’autre. Chez Jakobson, il s’agit d’une équivalence de message plus que de langue 209 . Pour Catford 210 , c’est d’abord une correspondance formelle, c’est-à-dire de nature sémantique et syntaxique. Enfin, Nina et De Ward. parlent d’équivalence « fonctionnelle » ou encore « dynamique » 211 .

En réalité, la définition de cette notion dépend de l’aspect langagier mis en avant (style, lexique ou structure) et sa mise à jour est le reflet d’une interaction entre les différents traits du langage (discursifs, sémantiques et rhétoriques). C’est parce qu’on ne peut trouver aucune différence dans le domaine de l’» image » entres les autres versions de langues.

En ce qui concerne les publicités « normales » comme les annonces-presses, les spots télévisés, etc., ce genre d’analyse est plus ou moins développée, plus ou moins argumentative dans la tendance des recherches dévolues aux images publicitaires. À propos de la relation verbo-iconique, il convient seulement de faire quelques remarques de fond concernant aussi bien la signification que la communication.

D’abord, il apparaît clairement que l’image publicitaire est exposée comme un objet de désir associé au produit à vendre. Le caractère stéréotypé de la représentation renvoie à des valeurs absolues (joie, bonheur, amour, liberté) que le texte publicitaire est censé soutenir. L’effet de redondance impose un point de vue déterminé.

Ensuite, il apparaît que le transfert de l’image d’une langue à une autre ne nuit pas, outre mesure, au message. En revanche, les éléments iconographiques perdent souvent de leur neutralité pour se muer en « image-valeur ». Le procédé métaphorique employé dans la version originale est rarement transmis lors de la traduction. Le texte traduit ne remplit pas la fonction de sélection de la relation d’équivalence entre les différents éléments de l’image.

Ainsi, des correspondances évidentes et originellement valorisantes pour le produit peuvent se transformer, pour le destinataire international, en une simple juxtaposition d’éléments composites. La communication publicitaire se place volontairement à plusieurs niveaux de signification, présentant des images ouvertes aux différentes interprétations. Celles-ci sont utilisées comme une métonymie du monde environnant et ne prennent forme et sens que par rapport à un récepteur particulier.

Enfin, l’isomorphisme du rédactionnel et de l’image publicitaire ne signifie jamais la même chose d’une langue à l’autre. Sans modifier les lignes, l’image transforme de sens. Ce changement est tributaire, avant tout, des récepteurs qui réinterprètent les signes iconiques au rédactionnel et en référence à leurs habitudes culturelles. Il ne s’agit pas tant d’une variation due à la mise en évidence d’une signification latente de l’image originale que d’une projection d’ordre ethnocentrique d’une pensée sur la représentation qui s’offre à elle.

En conséquence, l’étude aux deux niveaux de la publicité permet le repérage de relations et de fonctionnements spécifiques à chaque langue. Outre la mise en évidence d’une correspondance entre la forme de l’énoncé et le contenu du message, le rapprochement des plans linguistiques et iconiques montre l’identité d’organisation des deux dimensions de sens : une structure analogue sous-tend le texte et l’image pour former un message cohérent et efficient. Par ailleurs, l’analyse formelle permet de préciser la question de la signification publicitaire. La variation iconique lors de la traduction ne modifie pas la compréhension du message publicitaire ni ses effets potentiels, car celui-ci a un fondement pragmatique de nature mercantile. C’est seulement au niveau des « valeurs ajoutées » du sens que les différences sont ressenties.

Comment concevoir la possibilité de s’adresser à des consommateurs de langues différentes avec le même message ? De ce point de vue, si la traduction de cette entité hétérogène (la page publicitaire) a quelque incidence sur les significations proposées dans les plusieurs langues, les variations ne seront perceptibles qu’au niveau de la réception. C’est pourquoi, l’étude des contenus des multi-versions de sites Web peut compléter cette analyse des modalités de transfert de l’image de luxe. La thématique en oeuvre dans les messages publicitaires (féminité, luxe, jeunesse, etc.) servira de cadre à cette réflexion. L’objectif sera de montrer que les versions traduites sont le miroir de la société de marques de luxe et en même temps qu’elles sont aussi marquées par des représentations stéréotypées quasi universelles, qui autorisent son transfert d’une culture à l’autre.

L’analyse des traductions publicitaires sur les sites web, en effet, tend à poser le problème de l’équivalence interlinguistique dans sa relation à l’économie et à la culture. Avant de présenter une telle approche, il est important d’examiner la notion d’équivalence selon différents points de vue développés. Donc, il est nécessaire de voir la notion de l’équivalence pour les différentes versions qui sont concernés par le problème de la « traduction ».

Il est vrai qu’il est très difficile pour un traducteur de rencontrer des expressions idiomatiques et de trouver leur équivalent dans une autre langue. C’est pour cela que nous pouvons distinguer cette notion en trois niveaux à la manière de celle proposées par Guidère 212 : équivalence littérale, équivalence de sens, équivalence efficiente.

Notes
209.

Romain. JAKOBSON, « On linguistic Aspects in Translation », On Translation, Havard University Press, 1959, pp.232-239.

210.

J.C. CATFORD, A linguistic Theory of Translation, London, Oxford University Press, 1965.

211.

J. DEWARD et F. NIDA, From One Language into Another : Functional Equivalence in Bible Translation, Thomas Nelson Publishers, 1986. Voir également NIDA, « The nature of dynamic equivalence in translating », in Babel, n°23, pp. 99-103.

212.

Mathieu GUIDERE, Publicité et traduction, Paris, L’Harmattan, 2000, pp.56-63.