1.2.3. Equivalence efficiente en traduction

Les partisans de la littéralité en traduction invoquent le dogme de la fidélité et le souci d’exactitude. Les tenants de l’interprétation s’appuient sur la prééminence du sens et sur l’importance de l’intention communicative. Les uns considèrent le texte comme totem et sacralisent l’opération traduisant ; les autres prennent des libertés qui peuvent pervertir l’énoncé sous prétexte de traduire le « vouloir-dire ». Mais les deux partis concentrent leurs efforts sur le contenu ; tous les deux visent à transmettre l’idée ou l’information du texte, quelle que soit la nature de la démarche adoptée. L’équivalence recherchée est celle de la substance textuelle : substance du contenu certes, mais aussi substance de l’expression.

Il existe pourtant un autre type d’équivalence tourné non plus vers l’objet, mais vers la finalité. Sans renier les acquis interprétatifs, il apparaît que la communication publicitaire interlinguistique cherche à instaurer une équivalence qui peut être qualifiée d’effective ou plus précisément d’efficiente. Non pas que les équivalences jusqu’ici envisagées soient erronées ou superflues, mais elles ne permettent que partiellement de rendre compte de la spécificité des discours illocutoires en général et du langage publicitaire en particulier. Il serait abusif, en effet, de dire que ces équivalences sont inopérantes dans les domaines publicitaires, mais il est indéniable qu’elles ne correspondent pas à la visée fondamentale de ce type de communication. Ni l’équivalence littérale, ni l’équivalence de sens ne permettent de donner toute sa dimension au pragmatisme des messages publicitaires.

L’équivalence efficiente est celle qui permet de produire le même effet que l’original. Opposée à l’équivalence littérale qui est le fruit d’une astreinte de fidélité au texte, elle jouit d’une liberté sans égale mais avec une obligation de résultat. Elle est effective en ce sens qu’elle se traduit par des actes réels d’achat. Avec l’équivalence efficiente, les mots acquièrent un pouvoir tangible. Les données équivalentes ne sont plus considérées et jugées prioritairement par rapport à l’original, mais par rapport à leurs valeurs intrinsèques dans le système de communication qui les emploie. Le traducteur n’est plus obnubilé par l’émission ; il évalue le terme trouvé davantage en référence à la réception. En cas d’hésitation entre plusieurs termes, c’est celui qui aura le plus d’effet qui sera retenu.

Mais l’effet produit doit être celui auquel on s’attend. Car un même énoncé peut produire divers effets, de même que des énoncés différents peuvent aboutir au même résultat. La problématique centrale dans ce type d’équivalence concerne les modalités de contrôle de la praxis langagière : d’abord, son codage – ou son identification – au niveau des structures langagières originales ; ensuite, l’instauration de correspondances interlinguistiques et communicationnelles simples et stabilisées ; enfin, la mise en place de procédés fiables de vérification de l’efficience traductionnelle.

Ainsi envisagée, l’équivalence ne peut être jugée en comparaison à des critères d’exactitude et de fidélité à l’original, ni même en référence au sens et à l’intention. Elle doit être prise dans son contexte de communication en relation aux paramètres exogènes et endogènes qui lui sont spécifiques. Ceux-ci font que la qualité d’une traduction est le résultat non d’une proximité textuelle de plusieurs versions, mais d’une communauté de moyens et de fins où, assurément, la fin justifie les moyens.