1.3.1. Recul par langue française

Cacharel, Charles Jourdan, Dior, J.-P. Gaultier, Givenchy, Kenzo, ces 6 marques présentent les deux versions de langues : anglais et français. Il n’est pas très étonnant qu’ils ne nous offrent pas uniquement la version anglaise parce que les marques de ces sites sont pour la plupart d’origine française. D’ailleurs, le « made in » permet à certains pays de se faire reconnaître dans le monde entier comme spécialistes d’une activité commerciale ou industrielle. La France est connue, par exemple, pour ses paysages, son agroalimentaire de luxe (vins, liqueurs, champagne, fromages…), ses parfums et sa mode. Oui, apparemment, le cas de Kenzo est un peu spécial puisqu’il est de marque japonaise. Mais, si on pense de manière un peu plus approfondie, on parvient à se rendre compte de ce phénomène parce qu’au Japon, comme dans les autres pays asiatiques, on considère le français comme une langue universelle ou officielle dans le domaine des produits de luxe.

Jusqu’à une période récente, le français 217 dominait dans la publicité pour les produits de luxe. Deux raisons expliquent ce constat : d’une part, une grande partie du luxe mondial provenait de ce pays ; d’autre part, le français est en nette diminution. Quantitativement cela peut s’expliquer par le fait que l’internalisation de la publicité a conduit à supprimer un grand nombre de mentions écrites. Qualitativement, le français n’est plus la seule langue du luxe parce que des créateurs et des marques d’autres pays ont émergé. Parmi ceux-ci figurent la Grande-Bretagne et les Etats-Unis, ce qui contribue à renforcer la place de l’anglais. L’autre pays est l’Italie qui fait la promotion de ses marques de luxe et de la mode encore un peu en français, mais de plus en plus en italien et en anglais. L’emploi du français renvoie à la tradition qui constitue encore une valeur en soi pour certaines maisons ; l’usage de l’italien manifeste la place désormais occupée par nos voisins dans ce secteur ; enfin l’usage de l’anglais témoigne des mêmes préoccupations que les français : favoriser l’internationalisation du luxe et de sa publicité.

Il ressort de toutes les constatations que les annonces tentent de s’internationaliser le plus facilement possible. Elles adoptent deux stratégies : soit aucune autre mention que la marque n’y figure – la marque sa valorise alors par elle-même -, soit les rares éléments scripturaux sont de plus en plus rédigées dans une des trois langues du luxe : l’anglais, le français, et l’italien.

De l’autre côté, « l’anglais est une langue universelle », cette définition n’est pas récente du tout, donc on n’a plus besoin de le prouver. En ce qui concerne le français, il est nécessaire d’appeler l’image concernant la France stéréotypée en Asie parce qu’il semblerait que le français est une langue pour les gens de « high class ». C’est-à-dire que « parler français » est peut-être restreint à une certaine classe sociale : les personnes riches ou intellectuelles.

Voyons un extrait du magazine « Echo » d’octobre 1997 pour mieux comprendre comment les asiatiques imaginent la France même si l’image des Français s’est figée dans quelques clichés : « Plus de 90 % des décideurs japonais associent spontanément la France aux industries de la mode, aux parfums, à l’art et l’artisanat. (...). Quant aux marques françaises les plus célèbres, Chanel et Louis Vuitton, elles dominent très largement le classement devant Air France ». Nous ne savons pas exactement ce qui est vrai ou pas, mais ce qui est inquiétant est le stéréotype gravé dans notre pensée.

Enfin nous pouvons dire que les deux versions qui sont créées par Cacharel, Charles Jourdan, Dior, J.-P. Gaultier, Givenchy, Kenzo, sont tout à fait identiques au niveau de l’image. Concernant le texte, il n’y a pas d’adaptation de contenu pays par pays. C’est-à-dire que les sites Web n’ont pas été créés spécifiquement pour chaque langue. Mais bien évidemment il y a une traduction entre l’anglais et le français. Pour le texte, il s’agit de traduction littérale et parfois de sens mais pas du tout de traduction efficiente pour les deux versions différentes parce que le texte français est traduit mot à mot par le texte anglais, par exemple, voyons les noms des menus principaux :

Tableau 22
Tableau 22

Concernant la traduction littérale, nous définissons ce concept par des mots qui peuvent se trouver dans un dictionnaire bilingue Herrap’s Dictionnary 218 . Par exemple, le menu Mieux vous connaître est traduit par Getting to know you better. Cette phrase peut être un véritable exemple de la traduction littérale parce que si on est au niveau de l’équivalence en sens, elle peut être interprétée comme « Relation clientèle » de Louis Vuitton, « Enregistrez-vous » de Lancôme, « Lancaster et vous » de Lancaster, « Mon profil » de Helena Rubinstein, etc., par son contenu de texte. Malgré cela, le site est très fidèle aux mots originaux sans approximation ni imprécision. Nous pouvons constater la même tendance dans les exemples, Guerlain parfumeur (Guerlain parfumer), Tout le maquillage Guerlain (All Guerlain make up), Nos boutiques parisiennes (Our Guerlain boutiques in Paris).

Quant à la traduction du sens, elle se caractérise par la traduction interprétative qui est celle du sens pris dans son contexte. En d’autre terme elle est fondée sur les significations de la langue et sur les facteurs situationnels. Si nous trouvons des exemples sur le site Helena Rubinstein, d’abord, nous remarquons le choix du mot « Beauty care » qui correspond au mot français « la beauté » et « le soin ». Pour le sens littéral, le mot « soin » dans la phrase de « Issima, la magie de soin » devrait être traduit par un simple mot « care » et pour le mot « beauté » dans la phrase de « La beauté en institut », le mot « beauty » pouvait être choisi. Mais, le traducteur de cette marque a préféré le terme « beauty care » pour les deux cas. C’est une idée qui provient de la considération du contexte. De la même façon, la phrase « Votre espace Guerlain est traduit par « Your Guerlain» au lieu de « Your space Guerlain » qui est traduit mot à mot.

Notes
217.

Marie-Claude VETTRAINO-SOULARD, « L’internalisation de la mode», in Communication et Langages, n°118, décembre 1998, p.75-76.

218.

  Isabelle Elkaim et al., Herrap’s Dictionnary, Herrap’s, 2001.