1.3.2. Progrès par langues asiatiques

Jetons un coup d’œil les aspects de multi-langues dans nos corpus ci-dessous.

Tableau 23
Marque Langues
Guerlain anglais, français, japonais
Gucci anglais, italien, japonais
Helena Rubinstein anglais, français, japonais
Hermès anglais, français, japonais
Paco Rabanne anglais, français, italien
Cartier anglais, français, japonais, chinois, coréen
Louis Vuitton anglais, français, japonais, chinois, coréen
Chanel anglais, français, allemand, italien, espagnol, japonais, coréen

Nous remarquons immédiatement  que les langues asiatiques sont principales dans ces aspects de multi-versions. Guerlain , Gucci, Helena Rubinstein, Hermès, Cartier, Vuitton et Chanel, ces 7 marques sont particulièrement équipées de la version japonaise même si ces marques sont d’origines variées comme Guerlain, Chanel, Cartier et Hermès (France), Gucci (Italie), Helana Rubinstein (Etats-Unis : appartient au groupe L’Oréal depuis l’an 1988). Nous expliquons facilement ce phénomène par le zèle des Japonais pour les grandes marques. Oui, c’est vrai que les Japonais adorent les grandes marques mondiales. C’est un véritable « culte » des grandes marques. Pour eux, avoir les produits de grandes marques est un travail qui investit de son image luxueuse ou de son image de richesse. C’est pour cela que plusieurs sites de grandes marques préparent la version japonaise.

Donc il est certain que ces consommations influencent énormément le marketing de grandes marques mondiales, il suffit de jeter un coup d’œil sur une recherche pour comprendre cette tendance : « Teikoku Databank, l'institut de recherche japonais, s'est intéressé aux sociétés de mode et cosmétiques étrangères qui dégageaient les plus importants bénéfices imposables au Japon. En tête de liste, le maroquinier Louis Vuitton Japan, qui a réalisé un bénéfice imposable de 32,4 milliards de yens (soit 275,3 millions d'euros) en 2001/2002, en hausse de 26,3% sur un an. Le challenger, Hermès Japon, affiche un bénéfice imposable de 8,9 milliards de yens, en hausse de 77,1% par rapport à l'exercice 2000/2001. Chanel réalise une belle performance, à la sixième position, avec un bénéfice imposable en hausse de 204,8%, à 4,8 milliards de yens. Louis Vuitton continue son ancrage commercial au pays du soleil levant : il a récemment ouvert son plus grand « global store », le 44ème magasin du pays. Le chiffre d'affaires de la marque au Japon s'élève à un milliard de dollars en 2001. Louis Vuitton réalise la moitié de ses ventes en Asie, dont 30% au Japon. »219

Ainsi, les grandes marques ont déjà commencé à étudier la caractéristique japonaise pour ses marketing par exemple : d’après la recherche d’Abc-luxe 220 , on peut compter aujourd'hui un club de 3 000 japonaises, toutes entre 20 et 35 ans, toutes passionnées par les marques, par la France, par le luxe, la mode et la beauté.Continuant son programme d'observatoire du Japon « Tokyozooms », ce site s'attaque aujourd'hui au thème de la Beauté et s'apprête à étudier les comportements de ses internautes, face au marché de la cosmétique, du soin et du parfum. De quoi satisfaire les appétits avides d'informations marketing. S 'adressant à tous ceux que le marché japonais intéresse, à tous ceux qui sont déjà bien installés sur le marché mais qui sont en quête d'un regard nouveau, à tous ceux qui se posent le problème de la distribution de leurs lignes au Japon… Abc-luxe propose d'étudier de façon novatrice le comportement des femmes dans leurs gestes de beauté au quotidien. 

C’est pour cette raison que les marques de luxe inventent de nouveaux produits spécifiquement pour les japonais, qu’ils ouvrent des boutiques et des magasins partout au Japon, qu’ils créent quelques événements pour ces clients japonais, enfin qu’ils préparent les sites Web de version japonaise. Pour aisément offrir une occasion d’y accéder, même si les sites web ne sont pas encore conçus pour la culture japonaise, c’est encore juste une traduction du texte avec les images identiques, et aussi plus loin, ils tentent de directement vendre les produits sur les sites Web comme pour un de notre corpus, Helena Rubinstein et Lancôme.

Voyons la répartition géographique des marchés du luxe en 1998 que Castarede 221 a présente dans son livre Luxe. Les pays asiatiques occupent au total 32% (Japon 16% + Asie-Pacifique 13% + Moyen-Orient 3%) du marché mondial du luxe.

Tableau 24
Un marché de 100 milliards d’euros
Répartition géographique des marchés en 1998
France
Europe
Autres
Japon
Asie-Pacifique
Moyen-Orient
Amérique (hors USA)
USA
24%
24%
2%
16%
13%
3%
4%
14%

Il est également intéressant de remarquer que les autres pays asiatiques sont dans la même tendance que le Japon. Plusieurs grandes marques européennes sont aimées par les asiatiques. Louis Vuitton 222 et Cartier deviennent les chouchous des pays asiatiques comme la Chine et la Corée du sud. Dans ce contexte, il est certain que Louis Vuitton, Cartier et Chanel créent les versions asiatiques sur ses sites Web : Louis Vuitton (anglais, français, japonais, chinois, coréen), Cartier (anglais, français, japonais, chinois, coréen) et Chanel (anglais, français, allemand, italien, espagnol, japonais, coréen).

Comme nous avons décrit au début de ce chapitre, il est vrai que des rubriques dans un « Spécial luxe 2002» de la presse française CB News sont entièrement consacrées aux sujets asiatiques pour comprendre la tendance du marché de luxe. Les Chinois aiment les griffes internationales et n’hésitent pas à afficher des signes extérieurs de richesse, cela fait partie de leur culture. Citons une interview avec une chinoise dans une des rubriques : « A Canton ou à Shanghai, on achète une marque même si pour cela on doit mourir de faim, pour ne pas perdre la face ? (…) J’achète parce que le produit me plaît bien sûr, mais surtout parce qu’il s’agit d’une marque internationale et renommée, pour que mes amis et ma famille le remarquent, c’est le symbole de ma réussite sociale »223.

Phillippe Guettat 224 , directeur général de Pernod Ricard en Chine, explique que l’adhésion à l’OMC des chinois contribue à l’expansion de ses produits grâce à l’abaissement des droits de douane et à la lutte du gouvernement contre les contrefaçons, mais c’est aussi à lui d’être proactifs, d’éduquer le consommateur et de créer un imaginaire autour de ses marques, avec des moyens classiques comme la télévision mais aussi avec hors-médias. Par exemple, Martell Cordon Bleu, consommée à Shanghai avant la révolution communiste de 1949, est devenu le symbole du cognac de qualité et une bouteille de L’Or de Martell, un spiritueux rare et exceptionnel, s’achète l’équivalent de 7000 yuans, soit l’équivalent de 1200 euros, pour remercier d’une faveur avec un cadeau hors du commun et donner « de la face » et du statut.

Nous pouvons comprendre cette tendance à travers une étude sur cette consommation de produits de luxe en Chine, commandée par le Comité Colbert en 1997. Cette étude nous enseigne que, dans ce pays, la notion de luxe est étroitement liée à l’univers du travail. « Consommer des produits de luxe est un acte de reconnaissance sociale et d’intégration dans un groupe restreint de privilégiés. Le produit de luxe est véritablement un outil de réussite sociale. Offert ou acheté, l’objet de luxe venu de l’étranger est cher, repérable et synonyme de distinction. Il offre, en outre, les garanties de notoriété, de rareté et de nouveauté. L’offrir équivaut à assimiler les qualités du produit à celles de son destinataire et à lui signifier, de manière parfaitement visible par les autres, la confiance qu’on lui porte, la reconnaissance de son statut, à la fois social et professionnel. Ce langage des signes rassure, prédispose à l’entente et incite à la négociation »225.

Voyons un des exemples, la page d’accueil de Cartier qui vise les clients de pays asiatiques. Il propose 5 versions de langues : français, anglais, japonais, chinois et coréen. Ses icônes d’entrée vers chaque version sont conçus par les lettres traduites en 5 langues l’équivalent du mot français « Bienvenue ». Il est intéressant de comparer avec la préparation de 5 versions de Louis Vuitton parce que Vuitton indique les icônes d’entrée avec une forme de la langue. Dans tous les deux cas, seuls les visiteurs qui connaissaient déjà cette langue, comprennent ce qu’il signifie.

Par ailleurs, il ne faut pas oublier le cas de Chanel qui crée plusieurs versions de langues comme Lancôme - que nous allons voir plus tard - c’est-à-dire que les versions européennes comme le français, l’allemand, l’espagnol, l’italien et l’anglais, et aussi une version anglaise pour les Etats-Unis même s’il est tout à fait identique pour les anglaises et en plus les versions de langues asiatiques comme le coréen et le japonais. En somme, Chanel présente 7 versions de langues différentes. Mais en réalité, en différenciant le cas de Lancôme, ils ont des versions de traduction littérale ou, de traduction de sens pour les pays asiatiques par mot à mot. Dans ce cas, on n’aurait pas besoin de connaître et de comprendre la culture de chaque pays. Malheureusement, les grandes marques de luxe ne parviennent pas encore à ressentir la vraie nécessité de connaissance culturelle pour la création du site.

Notes
219.

http://abc-luxe.iriscreations.net/actu_presse/archive_actualite

220.

http://abc-luxe.iriscreations.net/entreprise_articles

221.

Jean CASTAREDE, Le luxe, Paris, PUF, 2003, p.116.

222.

En 2002, Louis Vuitton réalise presque la moitié de ses ventes en Asie, dont 30% au Japon ( http://abc-luxe.iriscreations.net/actu_presse/archive_actualite ).

223.

Cf. l’article de Hélène KERHERVE, dans la rubrique « Chine : Le grand bond en avant» de CB News (CB News Lux), n°728, décembre 2002, p.60.

224.

Voir l’article de Hélène KERHERVE, Ibid., p.62.

225.

Etude de l’Asiatique Européenne du commerce pour le Comité Colbert : «  La Chine », Archive de Comité Colbert, Service de presse, 1998.