2.2. Les aspects de l’adaptation pour chaque pays

Il est aussi vrai qu’il n’est pas possible de connaître tout l’environnement socioculturel d’un pays donné ; il convient d’en appréhender l’essentiel, principalement en relation avec le produit concerné et la clientèle ciblée. Connaître l’environnement culturel d’un marché, c’est en quelque sorte faire le catalogue des particularités, des désirs, des attentes, des comportements des consommateurs des différents pays. Par exemple, les Japonaises et Coréennes sont très sensibles aux argumentations techniques, à l’explication de la qualité des produits et aux services proposés.

Toutes les informations sont intéressantes pour la construction des messages publicitaires et le manquement à l’un de ces comportements ou à l’une de ces coutumes implique l’échec immédiat de la campagne de publicité. En effet, Edward T. Hall 229 a définit la proxémie comme la science des distances sociales qui sont l’une des structures cachées des différentes cultures. Hall distingue deux grands types de société : les sociétés monochroniques et les sociétés polychroniques.

Les conséquences de cette approche peuvent être particulièrement développées en matière des sites Web des marques de luxe internationales, tant pour la création et la structure du message que pour le média-planning. Les différences socioculturelles apparaissent dès qu’un symbole n’a pas la même représentativité entre les pays de marché source et le marché ciblé. Cette modification de la représentativité se traduit par une appréciation différente des images et des comportements.

De ce point de vue, le site de Lancôme semble profiter au maximum des opportunités qu’offre le réseau Internet. Il nous offre non seulement une version pour chaque langue mais aussi une variété de contenus et de promotions selon les pays. Les données sont adaptées aux spécificités locales de chaque pays dans lequel se trouve un institut Lancôme. La dimension de l’adaptation de chaque version tels que des éléments du marketing international comporte la promotion des ventes et les relations publiques

La promotion des ventes recouvre des activités marketing, autres que la vente personnelle qui stimule les achats des consommateurs et l’efficacité des revendeurs. La promotion des ventes correspond à des efforts de vente non périodiques, sortant de l’ordinaire : l’objectif principal est de créer du trafic autour du produit grâce, entre autres, à une parfaite correspondance avec les attentes du marché. La promotion internationale a été, dans un premier temps, vue dans une seule optique : la possibilité de profiter d’expériences réussies dans un pays donné et de les tester sur d’autres marchés. Mais, maintenant, nous nous appuyons le fait que la promotion des ventes est aussi porteuse d’image et donc ce qui est important est de respecter l’image et le positionnement des marques et des produits internationaux. En conséquence, la définition d’une politique de promotion des ventes devient directement dépendante de la stratégie internationale de communication adoptée par la marque.

Quant aux relations publiques, elles sont une technique de communication utilisant des relais d’information pour toucher les cibles finales. Très complémentaires des actions de site Web publicitaire, les relations publiques ont pour relais d’information privilégié les médias. Comme nous l’avons vu dans la partie précédente, ce genre de contenu des messages est trop lié aux problèmes de gestion d’image de marque et de produit pour que les relations publiques ne soient pas totalement dépendantes de la stratégie internationale adoptée. La politique de diffusion est nationale, mais le message doit être pensé en cohérence avec l’international.

Dans les multi-versions de site, Lancôme montre bien la connaissance de la culture de chaque pays. Certes, il est vrai qu’il y a beaucoup de tronc commun dans ces multi-versions ; les organisations des contenus principaux sont identiques (soin visage, maquillage, parfums, soins corps, l’univers de Lancôme), les mannequins sont les mêmes (un choix parmi Inès Sastre, Uma Thurman, Mena Suvari, Devon Aoki, Elisabeth Zagger selon le produit)... Dans ce contexte, nous remarquons aussi l’internationalisation des mannequins, car ces modèles viennent de différentes origines : Sastre (France), Thurman (Etas-Unis) ; Suvari (Angleterre), Aoki(Japon) et Zagger (Etas-Unis d’origine latino-américaine). Donc l’on peut choisir le modèle pour chaque pays même si, actuellement, le choix de mannequin dépend du produit ou du thème de la publicité. Malgré cela, son essai est très brillant parmi les 20 sites de notre corpus.

Tableau 25
Europe
(12 versions)
France(français), Danemark(danois), Allemagne(allemand), Espagne(espagnol), Irlande(anglais), Italie(italien), Pays-bas(hollandais), Portugal(portugais), Finlande (finnois), Suède (suédois), Turque (turques), Royaume-Uni (anglais).
Asie
(5 versions)
Corée(coréen), Japon(japonais), Singapour(anglais), Taiwan(chinois), Thaïlande (thaï)
Amérique du nord
(3 versions)
Etat Unis(anglais), Canada(anglais, français)
Amérique du sud
(2 versions)
Mexique(espagnol), Argentine(espagnol)
(l’évaluation le mois mai 2003)

A priori, rien n’autorise l’association de la traduction à l’image publicitaire. La première porte sur les signes linguistiques, la seconde relève du système iconique. L’une communique, l’autre signifie. Et pourtant, tout dans la communication publicitaire incite à penser cette relation comme centrale. D’abord, en raison de la nature même du message qui associe dès le stade de conception texte et image. Ensuite, en raison de la complémentarité évidente qui existe entre les signes iconiques et les signes linguistiques. Enfin, en raison des modifications de formes et de sens qui effectuent l’iconographie lors du transfert publicitaire d’une langue à l’autre.

Il est illusoire de penser, en effet, que la traduction du texte publicitaire n’a aucune influence sur l’image qui l’accompagne. De même qu’il est illusoire de croire que l’image est transférable telle quelle d’un pays à l’autre et d’une culture à l’autre. Non seulement les images publicitaires sont fréquemment retouchées lors du passage d’une langue à l’autre, mais aussi le rapport texte/image s’en trouve souvent métamorphosé. Changer un élément, même anodin, de l’iconographie originale peut avoir du sens textuel à la transformation radicale du message dans son ensemble.

Il convient de distinguer ici les modifications générées par le transfert du texte, c’est-à-dire par sa traduction dans une langue étrangère, et les retouches décidées préalablement à toute réduction, mais qui peuvent orienter le sens du texte. L’examen approfondi des éléments de l’image publicitaire (objet, personnage, cadre) permet de mettre en évidence les différents aspects du transfert iconographique de la publicité.

Le site Web publicitaire est le lieu d’un échange sémiologique complexe. La communication verbale (l’écrit) est déterminée par une série de conventions formelles et scripturaires qui subissent un traitement variable lors de la traduction. Mais le message publicitaire ne se réduit pas à une verbalisation ; il renvoie également, dans sa structure, à une communication non-verbale dont l’image est le reflet 230 .

Dans de telles conditions, il est aisé de comprendre que toute modification de l’image entraîne un changement de signification. Non seulement le type d’image peut varier selon la langue visée, mais aussi la portée des éléments représentés est susceptible d’évoluer d’une version à l’autre. Les formes de cette évolution sont multiples et variées : une image représentative et objectale peut devenir impressive et environnementale par l’adjonction d’un paysage, aussi rudimentaire soit-il. Il n’existe pas de publicité sans objet. Même si celui-ci n’apparaît pas sur l’image, il sous-tend nécessairement le message. Le transfert de la publicité d’un marché à l’autre peut se traduire par une variation de présentation. C’est la raison pour laquelle notre analyse s’adresse aux 5 aspects d’adaptation : selon l’environnement géographique, dans les différentes versions en même langue, par les personnages, à travers les constituants plastiques et par la rédaction de sens du texte.

Notes
229.

Edward T. HALL, La dimension cachée, Paris, Seuil, coll. « Points », 1978.

230.

Voir à ce sujet, Jean CORRAZE, Les communications non-verbales, Paris, PUF, 1992.