Conclusion de la Partie II

Parmi les contraintes liées à une présence et une activité en ligne du luxe, les éléments suivants sont à considérer:

  1. L’e-commerce implique une réorganisation de l’entreprise et de ses processus, tant en interne qu’avec ses différents partenaires. Une présence sur l’Internet nécessite également de nouvellescompétences (nouvelles technologies, nouveaux moyens de communication, veille et protection de la marque)
  2. Le contenu du site et éventuellement son apparence devraient être adaptés en fonction du visiteur et de ses intérêts afin d’éviter le sentiment d’immobilité et de manque de dynamisme (news, events, forums de discussion et ambiance sonore).
  3. L’internationalisation d’une marque et de son site peut nécessiter l’adaptation du contenu du site en fonction des pays visés.

C’est comme cela que dans cette partie, nous avons longuement décrit les trois marketings spécifiques sur les sites Web : marketing interactif, marketing sonore et marketing international. Ces trois spécificités de marketing sont fondées sur le concept de la révolution de marketing du luxe à travers la création de leur site Web. En fait, le marketing et le luxe ne s’entendaient pas très bien, pour le luxe le marketing n’est rien d’autre que la rationalisation des pratiques commerciales. Mais aujourd’hui, beaucoup de maisons de luxe ont du mal à refuser la tendance de démocratisation du luxe.

Dans ce contexte, nous remarquons donc que les sites d’Internet des marques de luxe fonctionnent selon les mêmes principes que ceux des marques de grande consommation. Comme ces dernières, les sites Web sont organisés autour de l’interactivité avec clients à la fois active et imaginaire. Le contenu selon cet imaginaire de leur site d’Internet est différent, comme on l’a vu, mais il est vrai que son existence n’est pas forcément réservée au luxe.

Rappelons une fois de plus que certaines marques de très grande consommation possèdent, elle aussi, des imaginaires extrêmement puissants et anciens. Pensons à celui de Malboro : combien d’histoires n’a-t-il pas fallu raconter, depuis des années 1940, pour convaincre des millions de fumeurs : ils ingéraient ni plus ni moins que le grand mythe américain. Pour les marques de luxe, la mécanique est exactement la même, la seule différence est le contenu.

D’après Bernard Dubois 241 , « les produits de grande consommation ne font guère rêver par eux-mêmes, ils ont besoin d’un bel emballage publicitaire pour se vendre. Dans le luxe, à l’univers,  il suffit de rappeler l’existence du produit, sans nécessairement le mettre en scène ». La communication du luxe, en effet elle se contente souvent de montrer les produits, et ce serait justifié  parce que les produits eux-mêmes sont déjà symboliques et baignés de sens. Mais, comme le dit Bernard Arnault 242 , actuellement « montrer une photo du produit et le nom de la marque n’est pas suffisant, il faut que la publicité exprime l’univers de la marque. Les campagnes Dior le démontrent : enlevez le nom, vous reconnaissez quand même que c’est Dior ». Autrement dit dans le luxe, les produits n’existent jamais par « eux-mêmes », et l’absence de mise en scène déclare qu’il n’a besoin de rien d’autre que de son nom pour justifier son existence. Donc, dans la communication du luxe, c’est la cohabitation fréquente d’un nom riche et d’une image « pauvre » : photographie plate, vilain décor, mauvaise visibilité du produit (dans le prêt-à-porter surtout). C’est, par exemple, se contenter de photographier un produit sur fond blanc, et d’ajouter un nom en pensant que cela suffira. Cette attente ne marche pas pour tout le monde surtout les jeunes clients internationaux sensibles qui plongent dans des images sensorielles attirantes et la culture interactive rapide de l’Internet.

Notre étude a donc reposé sur l’analyse des marketings spécifiques du site Web qui peut répondre à cette tendance du cybermarketing. Pour notre recherche, le cybermarketing recouvre les méthodologies, outils et techniques liés aux activités marketing sur le site. En fait, certaines marques ont bâti des systèmes d’information marketing permettant d’intégrer les données commerciales relatives à la connaissance des clients. Cependant, aujourd’hui les marques de luxe vont plus loin en construisant les systèmes d’informations qui seront capables de leur donner des avantages décisifs dans la société informationnelle du XXIème siècle.

Dans le premier chapitre, nous avons essayé de nous rapprocher du concept du marketing interactif. En fait, toutes les marques s'inscrivent dans une « interactionalisation » qui crée les liens proches avec des clients-internautes. Cette interactivité est basée sur des nouveaux services des sites Web : la vente en ligne, le e-commerce ou les diverses façons de marchandising interactif pour fidéliser leur client comme sous les formes de la documentation clientèle, la personnalisation, la communauté virtuelle, les goodies. Donc l’atout majeur de ce nouveau marketing est la possibilité d’établir un dialogue suivi entre la marque et le client.

Il est vrai que les marques de luxe ne semblent pas passionnées à diffuser des produits grâce à des sites Web. Donc la plupart des parties des sites restent informative, palliant de fait le risque de perdre leur identité énonciative liée à l’inaccessibilité et la rareté. Malgré cela, les sites Web des marques de luxe préparent plusieurs modalités de la communication interactive chacun à leur propre façon.

Le questionnement en ligne propose une nouvelle forme de rapport avec des clients-internautes offrant à la consultation un nombre de données colossal et actualisé sans pour autant perdre la trace de leur passé... Le site Web est une communication qui ne donne pas de sens en dehors de mises en relation avec des clients-internautes au sein d'un parcours de consultation singulier.

Pourtant remarquons la diversité des formes du marketing interactif, reflet des diverses influences qui participent à l'émergence de cette nouvelle figure de la communication du luxe. Il s'agit de l'hypertexte, forme spécifique de la communication multi-sensorielle, forme signifiante de la nouvelle médiation proposée par les ambiance sonores du site d’Internet. L'hypertexte contribue à structurer, à organiser les sites Web de luxe. La musique s’utilise souvent sous les liens hypertextes pour reconstruire une image à partir de menus de plus en plus détaillés.

Donc, dans cette optique, le deuxième chapitre repose sur les aspects du marketing sonore de marques de luxe. Les fonctions de sonorisation sont significatives de la politique créative du site Web. Les liens entre image et son se manifestent sous la volonté des marques de luxe pour garder la maîtrise de leurs images valorisées et de tenir les clients-internautes captifs en proposant une ambiance musicale.

Parce que la sonorisation véhicule un discours sur le monde, du fait de ce qu'elle autorise et par ce qu'on peut dire et exprimer sur l'accès instantané à un savoir universel, son usage entretient une dimension idéologique tels que la fonction affective, connotative, interactive et socioculturelle. Ce genre d’image idéologique correspond d'ailleurs de façon historique dans la sémiotique visuelle parce que cette approche fonctionnaliste du phénomène permet de comprendre les rôles de chaque intervention sonore des sites de marques du luxe. Enfin toutes les interventions musicales visent à produire une ambiance agréable de shopping en concevant leurs images symboliques et imaginaires.

Quant au dernière chapitre, nous avons analysé une certaine forme de marketing international des marques de luxe sur le site Web. En choisissant d'activer les multi-versions de langues, le site d’Internet s'oriente dans l'espace international ; le choix des langues présente la politique internationale des marques de luxe. Le terme d’internationalisation s’adresse ici à la traduction rédactionnelle ou l’adaptation à la culture différente. L’internationalisation des marques de luxe à travers leur muli-version de site Web est visiblement réservé au niveau de la traduction littérale. Car cette tendance est encore limitée par les intentions de l’universalisation et standardisation de leur image, par les contraintes du dispositif et les limites de la technologie.

Ce qui importe avant tout c'est communiquer avec des consommateurs de langues et de cultures différentes. Les messages sur les sites Web, quel que soit leur degré d’universalité, doivent être traduits et plutôt interprété dans la langue du consommateur local. Car il n’existe pas encore de langue « passe-partout » aux clients de tous les pays, laquelle permettrait une communication sans traduction et interprétation. De ce point de vue, la culture se situe au centre des débats au départ comme à l’arrivée, elle concerne la qualité de la traduction et l’adéquation du message au récepteur. Dans ce contexte, ce qui est remarquable est la création des versions asiatiques parce que ce phénomène se liée à la répartition géographique des marchés mondiaux du luxe qui est de plus en plus occupée par les pays asiatiques. Cette recherche permet de comprendre l’aspect actuel de système d’interprétation selon les différentes langues et aussi montrer la nouvelle direction internationale plus développée sur nos écrans.

Il est vrai que ces trois cybermarketings spécifiques du luxe reposent sur la relation qui existe entre la marque et le client. Donc l’atout majeur de ce nouveau commerce est la possibilité d’établir des relations particulières avec chaque client. Internet peut établir un dialogue suivi entre le fournisseur et le client. L’interactivité de l’outil permet en effet une communication bidirectionnelle, suivie et personnalisée avec le client. De ce point de vue, les sites Web du luxe sont programmés pour réagir à tel ou tel comportement du client-internaute. Ces programmations de marketing jouent le rôle d’inciter à la démocratisation de la marque de luxe, car le caractère multimédia du Web autorise une grande richesse dans la communication entre la marque de luxe et ses visiteurs. Par ailleurs la globalité d’Internet fait du Web un support particulièrement adapté à la promotion de produits ou de services à l’échelle internationale du luxe.

Donc, nous pouvons définir le site Web de marque de luxe comme un espace de marketing mix car le site d’Internetest l’ensemble des variables des formes de marketing dont la marque dispose pour influencer son marché cible. En effet ce genre de cybermarketing des marques de luxe est un champ d’activité encore en pleine évolution. Les marques doivent y être ouvertes, afin de saisir les opportunités commerciales offertes par le site Web en intégrant les nouvelles possibilités des outils disponibles de leur marketing-mix.

Notes
241.

Bernard DUBOIS, L’Art du marketing, Paris,Village Mondial, 1999.

242.

Cité par Anne BONTOUR et Jean-Marc LEHU, Lifting de marque, Paris, Editions d’Organisation, 2002, p.157.