2. La partie utopique

La valorisation utopique est très liée à la valorisation des valeurs de base. Elle est sûrement opposée à la valorisation pratique. Semprini définit le terme d’utopie comme suivant : « ce terme ne devrait pas fourvoyer en suggérant une valorisation emportée vers les idéaux les plus nobles et les plus beaux pour l’avenir de l’humanité, même si cela fait évidemment partie de ce type de valorisation. (...) Une utopie, avant d’être un projet spécifique, est surtout un projet, c’est-à-dire une tension vers quelque chose qui n’est pas encore là au moment où la tension utopique prend forme » 262 . Pour notre étude, il suffit de considérer le sens d’utopique comme une opposition à la pratique. Sa propriété essentielle repose sur sa temporalité prospective et son absence.

Si nous empruntons les mots de Semprini 263 , la valorisation utopique a tendance à être « futur-oriented » en comparaison avec le « product-oriented » de la valorisation pratique. Pourtant, cela ne signifie pas qu’il y a dédain des produits. C’est-à-dire que dans la valorisation utopique, le produit n’existe pas tout seul, il est toujours vecteur de transcendance et de dépassement. Donc nous pouvons dire que cette valorisation est suffisamment éloignée des caractéristiques fonctionnelles des produits. Au cas où ces caractéristiques joueraient un rôle instrumental par rapport à son projet, ils deviendraient objet d’attention. Nous pouvons définir l’utopie comme un projet qui provoque l’évolution et la transformation des individus. La valorisation utopique s’explique donc par son rôle subjectif et contextuel.

Tableau 34
Tableau 34

Dans le mapping de valeurs, l’Utopique permet de penser quelque chose qui n’est pas présent mais qui existe. C’est-à-dire que, d’après Semprini, « cette valorisation implique une tension vers ce qui ne sera jamais, mais ne cessera jamais de devoir être » 264 . Comme les autres parties du mapping, la localisation et la signification des valeurs utopiques se modifient au fur et à mesure que l’on s’approche du pôle critique ou du pôle ludique. D’une part, il s’agit de l’aspect visionnaire qui emmène, c’est la projection vers un univers futur qui se compose comme une sorte de direction schématique pour l’action. La propriété de l’utopie est ici d’être de type collectif et social. Dans ce cas, c’est le devoir qui la fait fonctionner pour un objectif à poursuivre.

D’autre part, au fur et à mesure que l’on aborde le pôle ludique, la valorisation utopique se transforme en des individualismes et des volontarismes. Alors que l’utopie- critique suit le résultat d’un travail volontaire et d’un effort pour qu’elle se réalise. D’après ses attributs, le futur devient plus incertain et plus dépendant de la manipulation personnelle. La notion de futur change d’ailleurs de signification. Semprini explique ce phénomène comme suit : « elle perd ses racines historiques et linéaires et tend à se situer dans un temps atemporel dans une dimension purement mentale ». En effet, deux dimensions sont essentielles pour la détermination des objectifs utopiques : l’innovation et la recherche du bonheur. La valorisation de l’innovation et du changement signifie la recherche de nouvelles formes de vie et de nouveaux scénarios possibles. Dans ce cas, la recherche du bonheur est très liée à cette valorisation du changement tel que le côté individualiste.

Notes
262.

Andrea SEMPRINI, Ibid.,p. 82.

263.

Andrea SEMPRINI, Ibid., p. 82.

264.

Andrea SEMPRINI, Ibid., p. 89.