4.2. Dior : Vraie vitrine virtuelle

Le deuxième exemple de la marque de l’Information est nominé par une « marque totale », Dior. Le site de Dior est certainement le plus explicite dans ses informations. Il concentre son attention exclusivement sur les produits et leurs qualités intrinsèques, observables et vérifiables : la présentation de tous les défilés pour les produits de mode et d’accessoires et les informations détaillées sur l’adéquation correcte de la forme à la fonction pour les produits de beauté et de parfum. Dior organise son site par la valorisation de la « vitrine virtuelle» de tout ce qui est basique et nécessaire concernant des informations utiles sur les produits.

En fait, le concept du lifting de la marque est important pour cette marque. Pourquoi ? Nous pouvons trouver cette raison à l’aide de Anne Bontour et Stéphane Marchand à la suite : « Dior est l’une des marques qui a su le mieux préserver ses fondamentaux. Pourtant la Maison de Haute-Couture qui fut inaugurée le 16 décembre 1946, avait pu l’être parce que Christian Dior avait accepté le soutien financier de Marcel Boussac, industriel du textile hexagonal. On aurait alors injustement pu croire qu’un tel lien industriel aurait favorisé une érosion de l’image luxueuse de Dior. Il n’en fut rien, bien au contraire. Très rapidement (1948) la société des parfums Christian Dior voir le jour. Et aujourd’hui la marque est l’un des fleurons du luxe français qui a su le mieux rajeunir son image au fil du temps, sans pour autant perdre son identité. Du côté de la haute-couture de jeunes stylistes de talent tels que John Galliano et Hedi Slimane n’y sont pas étrangers. Du côté parfum, une nouvelle communication a fait le reste. » 302

Ecoutons aussi l’analyse de Stéphane Marchand « Dior s’endort sur des lauriers qui prennent doucement la poussière. Elle est trop lisse, trop classique, comme engoncée dans une torpeur qui glace l’image majestueuse que les clientes du monde entier continuent à s’en faire. (…) La marque a besoin d’une rupture assez radicale. Il lui faut échapper à une contradiction qui pourrait se révéler mortelle. Métaphore du désir et du sublime, Dior est, par essence, destinée à régner et ne peut se permettre de vivoter. (…) Donc, au milieu des années 90, l’image de la marque ressemble à un miroir brisé. Chaque segment de marché renvoie une définition particulière de Dior dont la somme finit par semer la confusion parmi le public. Les panels de clientèle émettent des signaux contradictoires. Ils trouvent Dior « mythique », « magique », « absolu », sans doute parce qu’ils sont marqués par l’association Dior/Dieu/or. A l’intérieur de la maison, l’orgueil est toujours là, mais la peur de vieillir est palpable, tout comme la crainte d’être progressivement supplanté par les marques américaines et italiennes, moins créatives mais qui communiquent sans arrêt avec leurs clients et savent déclencher chez la femme ce fameux « désir d’appropriation » qui obsède les directeurs du marketing. » 303

Il s’agit de rajeunir son style et son image. La marque décide de s’adjoindre les talents d’un créateur issu d’une marque connue pour son style débridé et non conventionnel. Souhaitant conjuguer modernité et tradition, elle choisit de maintenir conjointement dans la direction artistique le créateur historique de la marque, garant de l’histoire, et le nouveau styliste destiné à impulser le renouveau de la marque. En l’absence d’un choix de positionnement clair, le dialogue entre ces deux personnalités s’avère difficile. Ces deux facteurs sont dépendants de la communication réalisée par la marque. Souvent les publicités dans ce projet sont portées à assimiler modernité et ancrage stylistique dans des représentations tirées du futur.

Le site trouve sa légitimité dans la capacité de la marque qui peut justifier ses performances et objectiver ses qualités. Les informations apparaissent à travers la performance des défilés et des vitrines virtuelles de chaque saison. Nous pouvons être au courant des produits de cette marque grâce à ce site Web, bien que nous n’ayons pas assisté aux défilés réels. Le site Web est très avantageux pour les étudiants de mode du monde entier qui ne peuvent pas avoir l’occasion d’y assister et aussi pour les gens normaux qui s’intéressent aux créations de Dior. Par ailleurs, ce défilé virtuel permet d’avoir le temps pour observer précisément tous les styles que les spectateurs du vrai défilé n’ont même pas eu. C’est une vraie offre des informations.

De l’autre côté de ce même contexte, nous remarquons aussi la valorisation de la recherche technologique, la validation de la parole de l’expert et la performance certifiée par des instruments de mesure. Cette valorisation vise à montrer le fonctionnement du monde pour mieux en faire émerger la structure comme une fonction de légitimation et une fonction de production de vérité. Son discours se déroule comme une source autonome de vérité et d’objectivité. De ce point de vue, l’espace de la recherche technologique de Dior s’appelle « Dior Science ». Le terme « Science » inclut les valeurs professionnelles et aussi le concept « l’innovation ». Citons quelques phrases pour la légitimation scientifique de Dior :

Il s’agit de discours vraiment scientifique et plutôt académique : des experts de chaque discipline scientifique ont participé à cette conception technologique.

Pour cette marque, la description de l’histoire de la marque n’est pas très importante par rapport aux autres marques légendaires. Sa temporalité repose sur le temps chronologique, un temps daté et segmenté selon des logiques externes à la marque. Il s’agit de l’indicateur de travail selon les dates importantes et les instants précis. La culture de ce segment s’intéresse à la maîtrise du temps techniquement et scientifiquement. Elle ne suit pas l’ordre subjectif ou mental. Le discours et l’image sont ponctués selon une logique du moment approprié. Par exemple, la chronologie de la marque est distinguée par quatorze étapes : 1946, 1947, 1955, 1957, 1961, 1967, 1968, 1970, 1989, 1996, 1997, 1999, 2000 et 2001. Les discours sont suffisamment courts et simples. Il n’y a pas d’intention d’ajouter l’identité ou la valeur de la marque :

Les images accompagnées sont aussi simples. Il s’agit d’une photo qui peut être adaptable au discours, par exemple, les photos de boutiques, les photos de personnages, etc. Dedans, il n’y a ni dramatisation ni hyperbole. Les textes et les images sont très directs concernant les informations indiquées. La source de légitimité de la marque repose sur la valorisation de la sobriété et de la simplicité. En effet, la culture de ce site associe le concept de fonctionnalité à celui de nécessité.

La représentation de la femme, dans ce site Web, met en scène une femme pratique et informée, soucieuse de sa beauté et de son corps, et activement engagée dans la recherche des meilleures solutions à ses problèmes. Il s’agit par ailleurs d’une femme exigeante et compétente, qui adhère intensément à l’univers des produits de luxe pour les réponses concrètes que ces derniers peuvent lui apporter. Voyons le menu principal pour le maquillage de « Quelle est votre Dior attitude ? » :

 Festive, Naturelle, Estivale, Glamour, Urbaine

Par exemple, cliquons l’icône de Festive : « Sensuelle et un peu déraisonnable je me livre à la douce folie de la fête. Ouvrez mon sac et découvrez mon secret de beauté ». Suivons l’indication, appuyons sur l’image du sac : le sac est agrandi et puis les produits de maquillages sont superposés sur le sac. Les produits s’appellent « la trousse festive » qui est l’indispensable pour faire la fête et passer la longue nuit blanche.

Au cas où on toucherait une des images des produits, les informations détaillées apparaissent à droite de l’écran : Poudre Diorlight, Fond de teint antifatigue lissant. Oubliez la fatigue de notre journée de travail et préparez-vous à la « Fièvre du samedi soir ». Ce fond de teint revitalisant élimine les traits tirés et les marques de fatigue (…). Ce genre de proposition s’adresse à toutes les femmes qui peut caractériser différemment. Il s’agit d’informatisations pratiques du site Web pour chaque femme.

Enfin dans ce site, la relation semble refléter le système d’acteurs. Le culte utilitariste et fonctionnaliste propose un type de relation fondé sur la collaboration. La relation informative repose sur l’entraide et la solidarité pratique. C’est donc le site qui nous propose de nous inscrire au Cercle Dior : Le Cercle Dior vous donne rendez-vous pour des conseils d’experts, inscrivez-vous. Il s’agit de relations qui dépassent rarement le cercle des connaissances personnelles. Donc ses discours se déroulent d’une façon systématique et codifiée : Entrez dans l’univers Dior, découvrez les secrets de beauté et trouvez les réponses aux questions que vous vous posez. Grâce à l'e-lettre du Cercle Dior vous associe à ses événements et vous fait découvrir en avant-première ses nouveaux produits, conçus pour vous. Un privilège réservé à tout ceux qui, comme vous, font confiance à Dior pour accompagner leur désir. La marque veut avoir des relations authentiques, elle s’attache surtout à avoir des relations pratiques et informatives adaptables à chaque client.

Ce sont les raisons pour lesquelles nous positionnons la marque Dior dans le terrain de quadrant de l’Information.

Notes
302.

Anne BONTOUR et Jean-Marc LEHU, Lifting de marque, Paris, Editions d’Organisation, 2002, p. 176.

303.

Stéphane MARCHAND, Les guerres du luxe, Paris, Fayard, 2001, p. 151-155.