5.2. Cacharel : Valeur contemporaine

Le marque Cacharel aussi déplace son positionnement, mais entre Euphorie et Projet. Cacharel garde sa source d’identité dans le quadrant de l’Euphorie et se situe actuellement dans celui du Projet. En fait, jusqu’à l’an 2002, ce qui a poussé les parfums Cacharel à développer un site moderne, ce n’est justement pas la notoriété de la marque, qui n’est plus à faire, mais bien son image. Certes, l’Internet est aujourd’hui encore un vecteur de modernité pouvant aisément contaminer favorablement la marque qui s’y présente. Mais c’est avant tout l’émotion qui a manifestement motivé Cacharel à s’investir sur le Net. A priori, sa présence publicitaire dans les magazines ne lui permettait pas de disposer pleinement des conditions nécessaires pour soigner son image et l’entretenir dans un environnement pleinement contemporain. Tout n’est que construction et valorisation de l’image d’une marque de parfums renommée. Naturellement, le site n’oubliait pas les marques-produits de Cacharel : Anaïs Anaïs, Gloria, Noa, Némo.

Il s’agissait des expositions des publicités de chaque produit sous la forme accentuée multi-sensoriellement (visuellement et aussi auditivement). Les images mouvantes se déroulent avec les musiques publicitaires à la télévision et quelquefois, sont accompagnés par la voix de son narrateur comme nous l’avons déjà analysé dans la partie précédente sous le thème de « Marketing sonore ». Par contre, nous ne pouvons presque pas y trouver de texte qui explique des produits et la marque. Le site ne montre que des images publicitaires qui sont déjà connues par d’autres médias publicitaires. Mais, ce n’est pas justement une reprise des autres médias. La marque utilise par ailleurs son site pour tisser un lien direct avec des acheteurs, qu’elle ne connaît pas forcément. C’est pour appliquer la logique d’euphorisation aux relations. Elle propose des goodies vraiment esthétiques comme fond d’écran, la veille d’écran et la carte postale virtuelle. Il s’agit d’une marque qui trouve sa légitimité dans la capacité de façonner des émotions et communiquer avec des clients. Donc, nous disons sans hésitation que l’identité de cette marque s’installait parfaitement dans la culture de l’Euphorie.

Mais, la situation a actuellement (l’an 2003) changé car la marque a commencé à concevoir son site Web qui inclut les produits de mode. De cette optique, les valeurs fondatrices de la marque sont fortement ancrées dans la culture du site Web. L’apparition du fondatrice se décline aux exigences de l’individu et obsessions personnelles. Car nous le rencontrons comme une figure emblématique de créateur. « Fondée en 1962 à Nîmes par un jeune homme de 30 ans nommé Jean Bousquet, l'entreprise, aujourd'hui connue à travers le monde, porte le nom d'un oiseau spécifique à la Camargue où elle fut créée, le Cacharel. Dès les débuts de Cacharel, la démarche de Jean Bousquet fut celle d'un précurseur en ce sens qu'elle a su pleinement potentialiser et conjuguer la création de produits iconiques à très forte valeur de mode, avec une communication de marque tout à fait inédite convoquant l'ensemble des médias émergeants de l'époque dans une logique publicitaire globale et massive. Jean Bousquet fut l'un des premiers à considérer et à développer globalement l'image d'une marque, posant, avec le talent de la photographe Sarah Moon, les jalons d'une identité visuelle marquante et innovante. Parallèlement, il a su capitaliser sur des produits aujourd'hui emblématiques de la marque. Ainsi la chemise pour femme, le crépon et le Liberty, en devenant des "must-have", participèrent à l'élaboration des codes fondateurs du prêt-à-porter en même temps qu'à l'établissement de leur propre légende en tant que best-sellers ».

Ce discours est d’ailleurs emblématique de la culture du Projet : une nouvelle vision de l’individu, mais sans implications de type collectif, des décors totalement modernisés et la valorisation systématique de la créativité et de l’expressivité. En fait, les styles de mode de Cacharel représentent une révolution culturelle pour les jeunes générations. On trouve d’ailleurs ici la figure des stylistes qui n’hésite pas à l’épreuve pour poursuivre le but du fondateur. « Clements Ribeiro (Suzanne Clements - Inacio Ribeiro) est un duo phare du renouveau de la mode britannique. Éclectique et novateur, son style consiste en un joyeux télescopage de couleurs, d'imprimés et de textures. La filiation est évidente. En effet, qui mieux que ce tandem attaché à moderniser les archétypes féminins, pouvait inscrire dans notre époque la mode légère et accessible de Cacharel ?

Les Clements Ribeiro explorent ainsi le patrimoine de la marque pour imposer, sur la scène de mode internationale, un style régénéré, plus expressif, plus contemporain dans le droit fil de l'énergie créative qui propulsa Cacharel à ses débuts.»

En même temps, Cacharel sait aussi s’adresser aux valeurs de l’Euphorie dans ce site d’Internet actuel. Concernant la partie des parfums, le côté gai et joyeux s’exprime. Il s’agit plutôt d’une animation publicitaire : le graphisme haut en couleur se change au fur à mesure, notre héroïne (dans cercle bleu) avance dans la rue. Au début de l’image, l’arrière plan était gris ; l’arbre semblait mort sans fleurs ; les gens en vêtements noirs dans la rue étaient stressants et plutôt mécontents (la femme âgée avait du mal à marcher, le motocycliste est vêtu de noir et conduit mal, un garçon debout portait un costume noir avec un sac carré), les bâtiments étaient gris et ses fenêtres étaient fermées… Mais après l’apparition de notre fille d’Anaïs Anaïs, tout est changé : l’arrière plan devient blanc ; l’arbre s’épanouit ; les gens semblent être à l’aise et plutôt gais (la femme âgée n’a même plus de difficulté à sauter ; le motocycliste porte des vêtements en couleur et sa moto marche bien ; un garçon en vêtements sportifs court légèrement), les bâtiments sont repeints en multi-couleurs et les gens apparaissent à l’intérieur de la vitrine… Cette animation vise à montrer l’effet du parfum, c’est vraiment sympathique ! Il s’agit de la représentation d’un monde sans souci et toujours heureux, dont toutes des dimensions fortement présentes dans la culture de ce quadrant. Enfin, de ce même point de vue, le site actuel n’oublie pas de présenter des goodies comme le site précédent.

Cacharel que nous venons de présenter montre la possibilité de faire évoluer et déplacer un positionnement sous la condition que nous nous sommes servis exclusivement de la communication sur le site Web. De plus, nous l’avons analysé d’un point de vue conceptuel plus superficiel à travers la mise en forme du site Web. Nous ne savons pas comment cette communication est vraiment reçue par les clients-internautes, ni d’ailleurs si elle est cohérente avec les autres dimensions constitutives de l’identité de la marque. Quoi qu’il en soit, c’est à travers notre outil d’analyse que nous consacrons une place du quadrant de Projet à Cacharel.

Difficile de définir le positionnement sur la base de la seule communication. Donc nous voudrions que l’exemple de Charles Jourdan et Cacharel nous permette d’aborder la question des positionnements qui essaient de toucher plusieurs quadrants.