Nous ne rappellerons pas ici la traditionnelle et séculaire rivalité entre la France et l'Angleterre. Contentons-nous de mentionner qu'à la fin du dix-huitième siècle les deux pays s'affrontaient pour affirmer leur suprématie économique et politique. Le contrôle de l'Inde en était l’un des enjeux. Dès 1600, la Compagnie anglaise des Indes était apparue pour commercer avec l'Occident. Elle fut la base de l'Empire anglais des Indes. Si l'on évoqua très tôt un état déguisé en marchand, ceci montre assez que le commerce servait des ambitions plus politiques. La France n'était probablement pas dupe qui, en 1664, créa la Compagnie des Indes orientales pour contrecarrer l'influence britannique, même si elle affirmait qu'elle ne recherchait aucune domination dans l'Inde. La lutte d'influence entre les deux nations s'intensifia de telle sorte qu'à la fin du dix-huitième siècle, Bonaparte conduisit une prestigieuse campagne d'Orient dont le but ultime était l'anéantissement de la prépondérance économique anglaise en Inde. Sur la route des Indes, l'Egypte était la première étape. Ce fut aussi la dernière, puisque Nelson détruisit la flotte française dans la rade d'Aboukir. L'Egypte était en effet un point stratégique sur la route des Indes, et qui s'en assurait la maîtrise se voyait prendre une sérieuse avance sur son rival.
Si l'expédition française en Egypte ne dura que trois ans, tels n'étaient pas les plans de Bonaparte à l'origine. Il avait l'intention de s'installer dans le pays plus longuement. C'est la raison pour laquelle il s'était adjoint une suite de savants dans tous les domaines de connaissance. 58
Si, postérieurement, a été souligné le rôle civilisateur de la France, un certain nombre d'auteurs ont noté que cette mission scientifique dont s'était entouré Bonaparte avait d'abord un intérêt franco-français. 59 L’Institut d' Egypte fondé par Bonaparte en 1798 avait en effet pour but une recherche qui s'inscrivait dans un vaste mouvement intellectuel français. Sont but premier concernait le progrès de la propagation des Lumières en Egypte 60 , même si le soutien logistique de l'armée était un point non négligeable. 61
Mais l'expansion de la culture française était une finalité tout aussi importante de cette entreprise. 62 La France était parcourue par les idées des philosophes qui avaient conduit à la Révolution et cherchait à les propager . 63 Elle se voulait le flambeau des idées nouvelles :
‘ La France en allant délivrer l'Egypte du joug des Mamelouks, allait aussi la délivrer d'un autre fléau, l'ignorance, lui reporter la lumière et la civilisation que l'Europe avait reçues jadis de l'Orient. 64 ’L'Egypte, qui s'éveillait de plusieurs siècles d'obscurantisme, se prit d'engouement pour toutes ces nouveautés qui lui ouvraient un horizon jusqu'alors limité puisqu'elle était repliée sur elle-même. Du film de Youssef Chahine, Adieu Bonaparte, on se souvient du personnage de l'adolescent qui regarde avec émerveillement l'apparition de toutes ces machines et suit avec admiration et avidité les expériences scientifiques et techniques des Français ; il trouve la mort à cause de la technologie européenne qu'il maîtrise encore assez mal. A cet effet, à côté des voix enthousiastes de ceux que les idées apportées par la France séduisaient, d'autres s'élevaient pour mettre en garde contre les dangers d'une infiltration française trop massive et trop brutale des structures égyptiennes. Ainsi al-Jabarti voyait-il l’occupation française comme un renversement de l’ordre naturel et il mettait ses contemporains en garde contre son pouvoir corrupteur et destructeur. 65
Les idées pro-françaises de Mehemet Ali aidèrent la France à s'enraciner plus profondément. En fin politique, il s'appuyait sur la France pour contrebalancer la puissance de la Grande-Bretagne. Mais sa profonde admiration pour la France l'amena à introduire un système copié sur celui des Français. Il avait vite compris que leur efficacité venait en partie de leur système éducatif. Aussi voulut-il rapidement créer des écoles militaires qui lui permettraient d'asseoir davantage son autorité :
‘ The modern Europeanized system [was) originally introduced into the country about one hundred years ago by Muhammed Ali Pasha. [...] He [...] created a whole system of primary, secondary, technical and high schools patterned on the French model. He is generally credited with having Europeanized Egypt [...] His famous grandson Khedive Ismâ'il said : « Mon pays n'est plus en Afrique, nous faisons partie de l'Europe. » 66 ’Dans un premier temps, c'est le système bureaucratique centralisé de la France qui fut installé en Egypte 67 , ce qui fut abondamment critiqué par les Anglais au nom de leur supériorité et de leur propre efficacité. Il faut remarquer que s'ils ravalaient les Egyptiens à un niveau très bas, les Anglais n'éprouvaient guère plus de considération pour les Français et ils justifiaient ainsi l'attrait qu'exerçaient leurs voisins occidentaux sur ce peuple semi-civilisé, comme le montrent ces lignes de Cromer :
‘ [French civilization] is more attractive than the civilization of England and Germany, and, morover, it is more easy of imitation. Compare […] the theoretical perfection of French administrative system, their elaborate detail and the provision which is apparently made to meet every possible contingency which may arise [...... and ...] the Englishman 's practical systems which lay down rules as to a few main points, and leave a mass of detail [...]to see that the Englishman desires to elaborate a system which will suit the facts with which he has to deal, whereas the main objection to applying French administrative procedures to Egypt is that the facts have but too often to conform to the ready made system. » 68 ’On commence à percevoir ici les différences fondamentales qui opposèrent la France et l'Angleterre sur le territoire égyptien.
Cependant, la France avait conscience que l'attrait de la nouveauté s'émousserait vite et que son enracinement dans le pays ne pouvait s'appuyer que sur des alliances fugaces, inspirées par un intérêt opportuniste ponctuel. Très vite, elle comprit l'influence capitale de l'enseignement pour transmettre une culture étrangère et l'implanter de façon durable dans un pays conquis, mettant ainsi en application le proverbe arabe :
‘ Je deviens l'esclave de celui qui m'a appris une lettre. 69 ’C'est à cette tâche que les Français s'attelèrent :
‘ To conquer this people and alter their souls, we must teach anew the process of thinking to those brains that have been desicated by the sun, we must stimulate by love those hearts that have known but greediness from foreigners, we must force benumbed Egypt to raise her head above the deserts and seas constituting her boundaries. This is a patient and unselfish task requiring time, much time, great effort and great affectionCe texte lyrique vantant l'action française en Egypte souligne chez les Français le désir de partager leurs connaissances et leur culture, même s'il n'est pas pur de toute hypocrisie. On retrouve cette même idée énoncée par Michelet :
‘ Ce n'était pas une conquête ordinaire, ouverte à la cupidité, mais l'espoir fantastique, sublime, d'une résurrection. 71 ’Un siècle plus tard, on la retrouve encore sous la plume de Gilles Perrault dans sa biographie d'Henri Curiel :
‘ Ces Français avaient fait mieux que conquérir l'Egypte , ils la réinventaient, qu'on relise Nasser, peu suspect de francomanie, qui écrit que notre équipée militaro-culturelle : « ce fut le début de la renaissance » . [...] Les aventuriers français avaient foré une fissure par laquelle allait s'infiltrer, irrésistible, l'air de la modernité. [...] Ils viennent et repartent sans jamais s'incruster, mais chacune de leurs entreprises réveille le passé, améliore le présent, invente l'avenir. 72 ’C'est cette résurrection de l'Egypte millénaire, exhumée de ses sables, rendue à son prestigieux passé pharaonique pré-islamique qui devrait être le ciment de cette «affection» qui lierait désormais les deux pays :
‘ L'égyptologie née en France devient pour les deux nations une véritable communion. Ici la science est indissociable de l'affectivité, elle réside dans l'écoute de l'autre. 73 ’L'Egypte moderne ainsi suscitée 74 deviendrait une nouvelle vitrine de la France et de ses idées progressistes.
La France jouait sur l'affectivité du peuple égyptien pour se l'attacher plus profondément. C'est du fond de leur coeur plein d'amour que les Français s'adressaient aux Egyptiens dévalorisés par les autres puissances occidentales. La France sut très vite qu'elle ne pourrait compter sur sa force militaire. Alors elle utilisa avec succès ce qu'un Cromer ou un Sladen jugeaient comme des défauts. Elle tira parti de son appartenance à la civilisation méditerranéenne et de la communauté de sentiments que cette origine commune crée entre les peuples du pourtour méditerranéen 75 , ce que ne manqua pas de souligner, en le dénigrant, Lord Cromer :
‘ Compare the undemonstrative, shy Englishman, with his social exclusiveness and insular habits, with the vivacious and cosmopolitan Frenchman, who does not know what the word shyness means, and who in ten minutes is apparently on terms of intimate friendship with any casual acquaintance he may chance to make. 76 ’Ces marques d'amitié ne furent pas vaines puisque la suite a montré que les Egyptiens tournèrent leurs regards vers la France comme leur patrie intellectuelle. 77 Maurice Barrès put constater lors de ses voyages au Levant que ce n'était pas seulement une victoire pour les Français mais aussi une adoption réelle de cette langue comme langue-mère... 78
Si, par la suite, la France parvint à répandre si efficacement son enseignement, elle le doit en partie au travail des congrégations chrétiennes déjà solidement implantées en Egypte. 79 Ainsi Gaston Wiet note que la rivalité entre la France et la Grande-Bretagne aurait tourné au désavantage de la première sans le travail des missionnaires sur le terrain. 80 Plusieurs auteurs contemporains soulignent ce rôle capital des congrégations religieuses, qui s'adaptaient mieux à la mentalité des Orientaux que les laïcs. 81 Si la France a pu s'appuyer sur ces écoles religieuses c'est parce qu'elle était reconnue comme la protectrice des chrétiens catholiques en Orient. 82
Si les congrégations religieuses ont servi de canal pour la transmission de la langue et de la culture françaises, tel n'était pas, à l'origine leur dessein. Leur but premier était le prosélytisme religieux. L'Occident chrétien n'avait jamais totalement renoncé à convertir l'Orient musulman. On ne lançait certes plus de croisades guerrières, mais on en conduisait d'autres plus pacifiques, grâce à ces religieux qui allaient s'installer dans tous les pays. Les écoles catholiques tendaient à la conversion des Orientaux en général et à celle des coptes en particulier. 83
En fait, ces écoles congréganistes apparurent dès le milieu du dix-septième siècle, avec les Grecs qui ouvrirent une école en 1645, suivis par les Anglais, les Français et les Américains. 84 Mais le prosélytisme culturel prit assez rapidement le pas sur la mission religieuse. 85 Chaque congrégation en vint rapidement à promouvoir la culture du pays qui la finançait, 86 comme le note assez crûment Gilles Perrault : ainsi les Jésuites fabriquèrent-ils des Français à tour de bras pour rivaliser avec la production anglaise. 87
En 1840, le premier collège français apparut à Alexandrie sous la direction des Lazaristes, qui furent presque immédiatement suivis par les Frères des Ecoles chrétiennes, puis par les Jésuites. 88 Nous verrons plus tard l'arrivée des missionnaires américains et leur implantation dans la vallée du Nil, car elle fut différente, en particulier en ce qui concerne l'enseignement linguistique.
Les congrégations françaises transmettaient leurs connaissances dans leur langue d'origine :
‘ L'instruction chez les congréganistes, est généralement donnée en français.[…] Dans les écoles laïques des différentes nationalités, dans la langue de la nation à laquelle l'école appartient. Cependant, dans toutes ces écoles, l'enseignement du français est admis comme une nécessité absolue, pour ainsi dire, tandis que l'arabe est négligé dans la plupart d'entre elles. 89 ’Cette prépondérance de la langue française dans presque toutes les écoles étrangères tendit à affirmer l'ascendant culturel de la France en Egypte. D'ailleurs, les statistiques font apparaître que les écoles françaises (religieuses ou laïques) étaient sensiblement plus nombreuses que celles des autres pays ; leur niveau de fréquentation était également supérieur. 90 Comme le but religieux avait tendance à passer à l'arrière-plan, ces écoles furent fréquentées par des musulmans dont les parents étaient soucieux de voir leurs enfants recevoir une éducation européenne moderne. 91 Cet œcuménisme joua un rôle important dans l'intégration des diverses composantes nationales au peuple égyptien :
‘ Ce sont les écoles étrangères qui, les premières, pratiquèrent une politique d'intégration en regroupant dans leurs locaux et sous leur bannière nationale des élèves de nationalités et de religions diverses [...]. Les collèges des Frères des Ecoles Chrétiennes et des Pères Jésuites offraient un remarquable échantillonnage d'indigènes et d'étrangers [...] Les écoles françaises furent donc un facteur d'intégration entre les autochtones et les populations étrangères établies en Egypte . » 92 ’Cette confrontation entre des gens d'origines géographiques et religieuses différentes a dû modifier les habitudes égyptiennes. Ainsi l'éducation prodiguée aux filles n'a-t-elle pas pu laisser intactes des structures sociales dans lesquelles le rôle de la femme était extrêmement limité. 93 Très vite, des gens tels que al-Jabarti s’offusquèrent de cette libération de la femme dont ils pensaient qu’elle était contraire à la morale musulmane.
La haute société égyptienne, soucieuse de copier les Européens 94 envoya rapidement ses enfants dans ces établissements étrangers et en particulier français. L’aristocratie puis la bourgeoisie quelques années plus tard confièrent leurs filles aux écoles françaises, sans doute plus dans un souci d’avancement social que par réel intérêt académique. 95
N’hésitant pas devant des contradictions de façade, l'aristocratie s'éduquait dans les écoles françaises alors qu'en même temps, elle fréquentait le très britannique Sporting Club : deux aristocraties (anglaise et égyptienne) ayant en apparence les mêmes goûts sociaux, face à un peuple républicain, régicide, qui savait néanmoins offrir un avenir à ces enfants issus de sultans et de rois.
Toute carrière, d’ailleurs, n'était pas bonne à suivre. Dans la trilogie de Naguib Mahfouz, le fils cadet choisit l'enseignement contre l'avis de son père qui en éprouve honte et dépit 96 . Parmi les professions fort prisées, on trouvait celles qui touchaient au droit :
‘ N'est-ce pas [la faculté de droit] qui forma les grands de ce monde, les ministres? 97 ’La jeune France du Code Napoléon s'inséra donc dans un créneau prometteur d'avenir. La faculté de droit dispensait son enseignement en français : la majeure partie de ses professeurs étaient français. Son influence sur la loi égyptienne fut indéniable. 98 L'école de Droit joua un rôle essentiel dans la propagation et le maintien de la culture française en Egypte. 99
Cette suprématie était contestée par la Grande-Bretagne qui n'était pas compétitive dans ce domaine, comme le fait remarquer Cromer :
‘ The only European language now used in the School of Law is French [...] The demand from all parts of the country for trained native teachers in English is far in excess of the supply annually afforded by the three existing training colleges. 100 ’Ainsi, outre des écoles religieuses, un certain nombre de structures laïques sont-elles mises en place parallèlement. Ainsi, à la fin du dix-neuvième siècle , on trouvait des écoles missionnaires (françaises mais aussi anglaises, allemandes puis américaines), des écoles libres gratuites et universelles et les écoles des minorités (Grecs, Juifs ou Arméniens entretenaient des écoles pour les enfants de leur communauté). Toutes s’appliquaient à enseigner langues et cultures européennes et produisaient des jeunes occidentalisés. 101 Dans la plupart des établissements de confession juive, la langue d'enseignement était le français. 102 Dans un rapport de l'Alliance israélite universelle, S. Benedict note ce fait pour le moins surprenant. La Talmud Tora des Aschkenazim, écrit-il, est une école allemande et on n'enseigne pas un mot d'allemand, depuis trois mois ils apprennent un peu de français. 103
Ceux parmi les Egyptiens qui ne s'inscrivaient pas aux écoles françaises pouvaient prétendre à l'enseignement supérieur français grâce aux Missions égyptiennes en France et dans d'autres pays étrangers. A l'origine, seuls les membres des classes aisées pouvaient envoyer leurs enfants poursuivre des études hors d'Egypte. Mais avec Mehemet Ali, dont les intentions étaient en partie utilitaires, un nouveau mouvement vit le jour. Il voulait former un corps d'enseignants loyaux qui reviendrait moins cher au trésor national que les instructeurs européens qualifiés, d'autant plus coûteux qu’à l'origine, ils avaient besoin d’ interprètes pour transmettre leur enseignement. Cependant, un nombre croissant de jeunes Egyptiens put aller approfondir ses connaissances dans des instituts supérieurs européens. Cette pépinière d'hommes instruits, dévoués au progrès 104 choisis pour leurs compétences et surtout pour les avantages qu'ils procureraient à leur retour à leur pays natal, avait aussi pour mission de représenter celui-ci. Ils en étaient, en quelque sorte, les ambassadeurs. C'est ainsi que l'on trouve des règlements concernant:l'obéissance due par les élèves à leurs maîtres français, leur respect touchant les biens de l'école, l'obligation de conserver pendant leur séjour en France, leur fez et leurs vêtements nationaux et [...] la conduite qu'ils doivent tenir pour représenter dignement et honorablement leur pays. 105 C'est ainsi qu'on assistera également à la création d'une école égyptienne en France. 106
Ces missions scolaires en Europe étaient un nouvel outil de propagation de l'image de la France. 107 Que ces missions aient eu un rôle important dans la transmission de l'idéologie française apparaît clairement lorsque des étudiants furent dirigés vers d’ autres pays que la France, lors de l'occupation britannique. Les Français considérèrent que ce fut pour enlever à la France tout ce qui lui restait d'influence en Egypte . 108 En fait, ces étudiants envoyés en mission en France, étaient des : importateurs de CIVILISATION.. 109
Dès 1835, sous l'impulsion de Mehemet Ali, une école de traduction fut établie. Parmi ses élèves se trouvait Rifa’a at-Tahtawi à qui furent confiées de nombreuses traductions scientifiques. 110 Le rôle capital de la traduction avait été souligné par Antoine Clot Bey, fondateur de l'Ecole de Médecine en 1827 qui considérait que l’enseignement de la médecine et celui de la langue française étaient, dans un premier temps, indissociables. 111
Il faudrait avoir recours aux traductions et en augmenter le nombre. En treize ans, plus de deux mille livres furent traduits. Cet effort de traduction permettrait un échange culturel, comme le souhaitait Yacoub Artin Pacha, sous-secrétaire d'état au Ministère de l'Instruction Publique :
‘ Par suite de ce rapprochement commun vers les idées de l'Occident, il se serait établi entre ces contrées des relations littéraires qui auraient nécessité la constitution d'un corps de traducteurs trouvant honneur et profit à traduire, pour les offrir à ces nombreuses populations, les oeuvres scientifiques et même les oeuvres littéraires les plus remarquables produites dans les centres de la civilisation actuelle en Europe. Cette initiation au grand mouvement scientifique et littéraire de l'époque, commencée d'abord dans des traductions, aurait eu pour résultat certain un mouvement intellectuel original d'où seraient sorties à leur tour des oeuvres en arabe dignes d'être portées à la connaissance de l'Europe par les mêmes traducteurs. 112 ’On remarque à nouveau le rôle fécondateur de l'Occident, qui est censé susciter une culture arabe dont on doute qu'elle puisse exister par elle-même. Nous verrons plus tard les inquiétudes qu'une telle attitude éveilla chez les nationalistes et les mesures extrêmes qu'ils prirent pour y remédier. Toujours est-il que, dès la fin du dix-neuvième siècle, l'influence n'était plus uniquement scientifique. Yacoub Artin mentionne la littérature parmi les sources auxquelles il fallait puiser en Europe. Un grand nombre d'auteurs français furent en effet traduits. 113
Cette influence littéraire venait de l'environnement culturel créé autour des écoles proprement dites. Diffuser un enseignement fondé sur une langue étrangère ne sert à rien s'il n'est étayé par un support apte à lutter, ou du moins à rivaliser, avec une culture linguistique dominante autre. Il ne suffit pas de dire et de proclamer par des affiches dans chaque salle de classe, comme au collège Saint Marc d'Alexandrie, Au collège, on parle français, si cette langue doit rester morte en dehors des heures de cours. Pour éviter cela, et pour asseoir davantage leur langue et leur culture, les Français établirent un réseau culturel commençant aux portes du lycée. 114 Toutes sortes d'exercices étaient proposés pour développer et améliorer l'usage de la langue française. Ainsi des activités théâtrales étaient-elles proposées aux écoliers, ce qui était pour eux un moyen récréatif de progresser dans l'apprentissage de la langue. 115 Ce contexte culturel appuyé est souligné encore lorsqu'il est question d'écrivains d'expression française :
‘ Elèves, en grande partie, d'écoles françaises, ils avaient à leur disposition des journaux et des revues en français, entendirent des conférences en français, participèrent à un courant d'échange où ils apportèrent leur message. 116 ’Les Egyptiens disposèrent également d'une presse de langue française dès 1798, avec Le Courrier d'Egypte. De nombreux journaux et revues, qui eurent une durée de vie plus ou moins longue, se sont succédés jusqu'à nos jours. Citons La Décade égyptienne fondée en 1798 également, qui traitait de questions scientifiques et littéraires, Le Nil en 1866, journal d'information et d'économie, La Revue d'Egypte dont le but était de créer une intellectualité égyptienne mais de langue française 117 . De cette abondante presse française, il ne subsiste que deux titres, Le Progrès égyptien et Le Journal d'Egypte.
Le goût littéraire et son exercice furent donnés dans les écoles. 118 Par exemple, au collège des Frères d'Alexandrie, on publiait une revue Le Lotus. 119 Mais c'est probablement dans les salons littéraires que ce goût se répandit le plus. Parmi les salons les plus populaires, au Caire et à Alexandrie, on peut citer ceux de May Ziade, Henri Thuile, Grégoire Sarhissian, Alec Scouffi, la princesse Nazhy, Mme Amy Kher, Mme Out el Kouloub, Mme Marie Cavadia, où se développèrent de nombreuses idées progressistes. 120 Accompagnant ces rencontres foisonnantes de théories plus ou moins avancées, de nombreuses associations littéraires et artistiques virent le jour. L'Union artistique française fondée en 1898 à Alexandrie donnait des pièces en français. Dans la même ville, Les Amis de l'art, dès 1920, organisèrent des causeries et des expositions. Au Caire Les Amis de la culture française en Egypte se manifestèrent en 1926, alors qu'en 1929 se créa l'Association des écrivains d'Egypte d'expression française. Art et Liberté introduisit le surréalisme en Egypte. En 1944, encore, des Amitiés françaises virent le jour au Caire. C'est toujours vers la France, même lorsque l'influence britannique se fit plus vivement sentir, que l'Egypte se tourna pour ses humanités. 121
Les étrangers résidant en Egypte éprouvaient le même attrait que les Egyptiens pour la langue et la culture française si bien répandues par les Français et leurs soutiens politiques dans le pays 122 à tel point que quand deux personnes de nationalités différentes parlent ensemble, vous pouvez parier avec certitude qu'elles le font en français. 123
Le français jouissait d'un avantage certain sur les autres langues et, entre autres, l'anglais. Certes le phénomène d'antériorité n'est pas négligeable. Les Français furent les premiers à débarquer en nombre sur le terrain :
‘ The first impress of civilisation given to Egypt was through the medium of the French language. [...] The French thus obtained a start which they have never lost. The government and the people of France (...) were aware that, if the youth of Egypt learnt the French language, they would, as a necessary consequence, be saturated with French habits of thought, and they hoped that sympathy with France and French political aims would ensue. For half a century prior to the British occupation [...] no effort was spared to propagate a knowledge of French in Egypt. 124 ’De nos jours on parlerait de l'impact médiatique de la campagne d'Egypte. Et certes, force nous est d’avouer que les Français ont su jouer de l'aura créée par le débarquement de leur avant-garde scientifique. 125
Mais la France a surtout profité de son éviction rapide de la scène égyptienne. En trois ans, toute force militaire fut éliminée, ce qui lui laissa paradoxalement le champ libre dans le domaine de l'instruction. On accepte aide et assistance d'un pays ami, on les recherche même. On les rejette lorsqu'elles viennent d'un vainqueur occupant le territoire. C'est une des causes de la force de la France face à la Grande-Bretagne 126 :
A l'inverse de ce qui s'est passé en Algérie, la langue française n'a jamais été imposée en Egypte par un conquérant. Elle a été davantage le résultat d'un choix conscient qui s'est fait au cours de la seconde moitié du dix-neuvième siècle. 127
Le français a même profité de l'occupation anglaise puisque le prestige du français a connu un regain après 1882 128 en devenant la langue de la résistance à l'occupation. Le refus de collaborer avec l'occupant britannique conduisit un certain nombre d'Egyptiens à renforcer leur usage du français.
‘ La francophilie est en Egypte manière d'affirmer son anglophobie et cela jusqu'au paradoxe. [...] [Bonaparte] l'homme qui avait fait froidement canonner le Caire canonisé dans les villages égyptiens comme martyr des anglais - quel tour de passe-passe. 129 ’La France, consciente de son infériorité militaire, usa de sa langue et de sa culture comme armes diplomatiques :
‘ [La] diffusion de notre langue dans les diverses classes de la population égyptienne par un corps enseignant obscur, mais français, combattra plus sûrement la politique d'intrusion anglaise que la diplomatie et la force des armes. 130 ’Un tel tableau semble idyllique : cette rencontre amicale et enrichissante entre deux cultures semblerait être un modèle du genre. Il est vrai, que, d'une certaine manière, elle fut exemplaire. Il ne faut cependant pas manquer d’en dénoncer les excès qui ont probablement été une des causes de sa perte. A vouloir trop étendre sa culture, la France n'a pas toujours su adapter son enseignement au public des écoles. C'est ainsi que de nombreux rapports font état de telles anomalies :
‘ The secular studies were apparently not entirely suited to the intellectual development or the future needs of the pupils. For example , Egyptian geography and history were not studied, though pupils learned French history and the division of France into administrative districts, together with a variety of names and dates... 131 ’Ce genre de méthode n'était pas vraiment un progrès par rapport à celui qui était employé depuis des siècles à al Azhar où l'on mettait l’accent sur la mémorisation plutôt que sur la compréhension. 132 La tentation idéologique l’avait emporté sur les bonnes intentions. L'identité culturelle égyptienne ainsi atteinte n'aurait d'autre recours qu'un rejet brutal de cette empreinte étrangère qui la niait. Nous verrons plus tard comment les nationalistes de la seconde moitié du vingtième siècle ont inversé ce processus de déségyptianisation culturelle et linguistique. Jean-Jacques Luthi se fait paradoxalement l'écho de cette ingérence française lorsqu'il écrit :
‘ On ne voit pas pourquoi l'Egypte refuserait un héritage francophone issu de son propre territoire et qui pendant plus d'un siècle a été l'unique véhicule de la pensée égyptienne à l'étranger. 133On comprend les craintes éprouvées par les Egyptiens pour la conservation de leur identité face à une telle appropriation abusive. 135 La France n'a pas senti le vent tourner, aveuglée par sa supériorité culturelle et par sa certitude d'être aimée par les peuples du Proche-Orient :
‘ Pendant de longues années, beaucoup de Français [...] ont tenu pour un fait acquis la vaste diffusion de leur langue depuis des décennies dans le Proche-Orient. L'esprit français, croyait-on, était trop enraciné chez les orientaux instruits pour qu'on s'inquiétât de le voir péricliter. La langue française semblait bien protégée par de nombreuses institutions tant en Egypte qu'au Liban . On tenait les Orientaux d'expression française pour les tributaires d'un esprit inamovible et l'on refusait d'admettre qu'une langue européenne et un autre esprit pussent supplanter cette influence séculaire. Et les Français de passage recevaient comme un témoignage de vassalité culturelle, l'hommage de la considération et l'hospitalité généreuse qu'on leur offrait en Egypte. 136 ’57 Tignor, Robert L. Modernization and British Colonial Rule in Egypt 1882-1914. p. 11-12.
«Napoleon arrived with his army and his corps of savants. Since he planned a permanent occupation, he brought with him engineers, doctors, archaeologists, and other scientists to advise on ways of perpetuating French rule, to aid in exploiting Egytp's resources for the needs of his expedition, and to help pass on the high French culture to the local inhabitants.»( Szyliowicz, Joseph S.Education and Modernization in the Middle East .p.99-100.)
«Their [= the French] research work was for the benefit of European learning and not for the enlightenment of the Egyptian people. Moreover the members of the « Institut d'Egypte « were Frenchmen, there was no provision for the membership of Egyptians, nor were Arabic studies organized except for the advantage of the French themselves.” (Heyworth-Dunne, J. An Introduction to the History of Education in Modern Egypt.p. 96.) Voir également Louca, Anouar « Les contacts culturels de l'Egypte avec l'Occident. ». L'Egypte d'aujourd'hui : permanence et changements 1805-1976.). p. 109.
Quelques savants de l'expédition française - Mémoires sur l'Egypte , (Collection des mémoires écrits par les savants français de l'expédition d'Egypte) Paris, An X. cité in Ibrahim Salama, Bibliographie analytique et critique touchant la question de l'enseignement en Egypte depuis la période des mamelûks jusqu'à nos jours.
«Pourvoir aux besoins des militaires, équiper l'armée et consolider l'occupation, telle était la tâche principale des savants.» (Louca, Anouar.» Les contacts culturels de l'Egypte avec l'Occident. »L'Egypte d'aujourd'hui : permanence et changements 1805-1976.). p.110.)
«Il s'agissait [...] d'aider à introduire les lumières de la civilisation en Egypte et de seconder l'action de l'armée.» de Regny. Mémoire sur l'Ancien Institut d'Egypte, (bulletin de l'Institut égyptien, collection des années 1866 à 1896, n° 10, 66.69, cité in Ibrahim Salama. Bibliographie analytique et critique touchant la question de l'enseignement en Egypte depuis la période des mamelûks jusqu'à nos jours.
«Frequent proclamations involving the symbols and values of the French Revolution, specifically such concepts as republic, liberty and equality, were promulgated and (...) the laboratories and libraries of the French scientists were visited by many interested Egyptians.» (Szyliowicz, Joseph S. Education and Modernization in the Middle East.p. 100.)
Jomard, cité in Louca, Anouar. « Les contacts culturels de l'Egypte avec l'Occident. » L'Egypte d'aujourd'hui : permanence et changements 1805-1976.). p.109.
«Al Jabarti, the great contemporary chronicler who admired many of the French innovations, fully realized the inherent threat posed by French culture to Egyptian society and described the French occupation as « the beginning of a reversal of the natural order and the corruption or destruction of all things. »« (Szyliowicz, Joseph S.Education and Modernization in the Middle East . p. 100.)
Galt, Russell. The Effects of Centralization on Education in Modern Egypt. p. 17-18. Voir aussi: Delanoue, G. «Les Musulmans.»L'Egypte d'aujourd'hui : Permanence et changements, 1805-1976. p.35 : « Mohamed Ali, qui voulait fonder un état puissant doté d'une armée, d'une administration et d'une industrie modernes, c'est-à-dire imitant les modèles européens, comprit sans peine[...] qu'il lui fallait, pour se procurer les agents de la transformation qu'il projetait, créer de toutes pièces un système scolaire à l'européenne. »
«Egypt has copied the French system of administrative centralization and has carried it to excess.» (Galt, Russell.The Effects of Centralization on Education in Modern Egypt. p. 4.)
Earl of Cromer, Modern Egypt, vol. 2. p. 236-7-8.
cité in Berkemeijer, Francis s.j. Les motivatios à l'origine d'une école de langue française dans le cadre du contact culturel et de la dynamique sociale de la société égyptienne . p.36.
Jullien, Leopold. « Semailles françaises. » Le Magazine Egyptien, (Le Caire - 15 mai 1926) cité in Galt, Russell. The Effects of Centralization on Education in Modern Egypt .p. 38.
cité in Louca, Anouar. « Les contacts culturels de l'Egypte avec l'Occident. » L'Egypte d'aujourd'hui : permanence et changements 1805-1976.).p. 109.
Perrault, Gilles. Un homme à part. p.32-33.
Louca, Anouar. « Les contacts culturels de l'Egypte avec l'Occident. » L'Egypte d'aujourd'hui : permanence et changements 1805-1976).p. 117-118.
« La France a ressuscité l'ancienne Egypte ; on peut dire qu'elle a suscité l'Egypte moderne.» (Lecarpentier, G. L'Egypte moderne. p.161
voir Louca, Anouar. « Les contacts culturels de l'Egypte avec l'Occident. » L'Egypte d'aujourd'hui : permanence et changements 1805-1976). p.122-124 .Voir aussi : Al Balagh cité in D'Ouakil, Basile G. French Literature of the Levant, ( Address at the Annual Convention of the Modern Language Association - Cincinnati January 1936). p. 15: « The lack of assimilation of British culture in Egypt is not one of choice, but rather a natural inclination of the Egyptian people toward the most advanced Latin culture. This culture might well be called a Mediterranean culture in which Egypt has not only participated, but also shared in great proportion. Egypt, it is true, has its own culture, but if it is mainly derived from the French, it is because of the geographic position of the country as well as the excellence of the culture which we admire so much, which we have made our own. »
Earl of Cromer. Modern Egypt .vol.2. p.237.
Plauchut, Edmond. L'Egypte et l'occupation anglaise.p .239.
cité in Luthi, Jean Jacques. Le Français en Egypte . p.17.
Pour une énumération des congrégations, voir Sachot, Octave. Mission en Egypte (1868), cité in Salama, Ibrahim. Bibliographie analytique et critique touchant la question de l'enseignement en Egypte depuis la période des mamelûks jusqu'à nos jours.
80 (Wiet, Gaston. «Le rôle de la France en Egypte.» Bulletin de la Société des Amis de
l'Université de Lyon (1913) cité in Salama, Ibrahim. Bibliographie analytique et critique touchant la question de l'enseignement en Egypte depuis la période des mamelûks jusqu'à nos jours.) « …si celle-ci [=la France] n'avait déjà vu son système et ses idées profondément enracinés dans le sol égyptien, grâce à l'activité des Missions Egyptiennes en France et à celle des missions des congrégations chrétiennes qui avaient l'enseignement du français à la base de leurs programmes.»
voir Bordat, Gaston. L'influence française en Orient et les écoles laïques. (1907), cité in Salama, Ibrahim. Bibliographie analytique et critique touchant la question de l'enseignement en Egypte depuis la période des mamelûks jusqu'à nos jours.
Berkemeijer, Francis s.j. Les motivations à l'origine d'une école de langue française dans le cadre du contact culturel et de la dynamique sociale de la société égyptienne. p.3. « Cette politique de protection sera toujours considérée par la France comme un facteur important au service de son influence au Moyen Orient. »
‘The original aim of this type of education was purely religious. During this period the Papacy was bent on propagating its influence in the Orient in general, and in particular on bringing the Orthodox Coptic minority in Egypt under its sphere of influence. Likewise, the Protestant religious missionaries exerted enormous energy in attempting to convert the Copts into Protestants. In order that these aims might materialize, free schools to attract needy Copts were established.’ (Boktor, Amir. The Development and Expansion of Education in the United Arab Republic. p. 73).
voir Boktor, Amir. ibid. p.72-73
voir Boktor, Amir. ibid. p.74. Voir aussi: ‘Contemporaneous with the [...]development [of education in Egypt ] were the rise of the missionary activity in the West and the expansion of Catholic and Protestant missionary activity in the Middle East. Thus the modern system of education was introduced to the Arab world [...] by the missionaries.» (Qubain, Fahim I. Education and Science in the Arab World. p.1.)
«Les Jésuites, comme les Frères des Ecoles Chrétiennes, contribuèrent [...] à répandre la culture française en Egypte . Mais si le but religieux avait été le premier, il s'estompe devant les objectifs culturels sans doute plus impérieux et plus immédiats : participer à la promotion intellectuelle de l'Egypte.» (Luthi, Jean Jacques. Introduction à la littérature d'expression française en Egypte, 1798-1945. p. 469.)
Perrault, Gilles. Un homme à part. p. 35.
88Pour la création d’écoles françaises, voir Edouard Dor Bey, L'instruction publique en Egypte.
Yacoub Artin Pacha. L'instruction publique en Egypte . p.106.
«More schools emphasizing French language and literature have been established than has been the case with any other foreign nation, and at present the French schools of Egypt have a higher attendance than any of the other foreign institutions. The schools have been established and maintained by lay, as well as religious groups.»( Matthews, Roderic D. and Akrawi, Matta. Education in Arab countries of the Near East . p. 116.) Voir aussi Boktor, Amir. The Development and Expansion of Education in the United Arab Republic.
«La tolérance religieuse est universellement répandue en Egypte , tant dans les écoles des missions étrangères que dans celles du gouvernement.»(Dor,Edouard. L'instruction publique en Egypte. p. 274.)
Luthi, Jean Jacques. Le Français en Egypte. p. 13-15.
«Les congrégations féminines catholiques [...] dès leur arrivée en Egypte , ont travaillé pour l'éducation de la femme sans tenir compte des considérations confessionnelles.» (Guérin,Victor .Mission scientifique et littéraire en Egypte, 1858, cité in Salama, Ibrahim. Bibliographie analytique et critique touchant la question de l'enseignement en Egypte depuis la période des mamelûks jusqu'à nos jours.)
‘…. the attempts by the upper class to imitate and assimilate Western ways…’ ( Szyliowicz, Joseph S.Education and Modernization in the Middle East p.112)
« L'aristocratie, plus éclairée, fut la première à bénéficier de la formation étrangère. Encouragée par l'exemple, la bourgeoisie emboîta le pas avec plusieurs années de retard. Et depuis, il était toujours de bon ton qu'une jeune fille connaisse le français. Une telle formation d'esprit se répercutait nécessairement sur le milieu familial « social». » (Luthi, Jean Jacques. Introduction à la littérature d’expression française en Egypte. p.60. ) Voir aussi, Boktor, Amir. The Development and Expansion of Education in the United Arab Republic. p.73. et voir aussi, Perrault, Gilles. Un homme à part. (Nombreux exemples d'itinéraires scolaires de jeunes bourgeois.)
Mahfouz , Naguib. Le palais du désir. Chapitre 3 p. 66 et suivantes - Notons que cet épisode se déroule sous l'occupation britannique pendant laquelle la culture n'était pas bien cotée face à l'efficacité pragmatique.
Mahfouz, Naguib. ibid.p. 69.
« The School of Law [...] was dominated by French influence. Instruction was given in French, many of the teachers were French and Egyptian law was patterned after the code Napoleon. » (Tignor, Robert . Modernization and British Colonial Rule in Egypt 1882-1914. p. 335.)
«On ne sait guère en France les services qu'elle [= l'Ecole Française de Droit du Caire] rend à notre légitime influence en Orient. Sa vie laborieuse et féconde s'écoule inaperçue pour le grand public.» (Faure, Fernand. Revue politique et parlementaire .(cité in Lecarpentier, G. L’Egypte moderne.p.151.)
Report by Her Majesty's Agent and Consul General on the Finances, Administration and Condition of Egypt and the Soudan in 1898. (Egypt n° 3, 1899). p. 43.
« Various types of foreign schools [were] established in Egypt during this period. The first type was the missionary school, supported and operated by French Catholic and, later, British, German and American orders.Here a European education was available, though accompanied by a conservative educational philosophy and an emphasis upon religious teaching. The second type of foreign school were the « écoles libres gratuites et universelles » nondenominational institutions sponsored by Frenchmen living in Egypt, open to Egyptian and foreign students alike. A third type was the minority school, organized and run by the local Greek, Jewish or Armenian community. Particulary important in terms of demonstrable effects were the Jewish institutions which systematically attempted, after 1840, to provide quality training in European language and culture. They produced highly Westernized graduates who entered the professions, business and government service and achieved great success in their vocations. » (Szyliowicz, Joseph S. Education and Modernization in the Middle East. p.111.)
« They studied Hebrew, Arabic, French and Italian, the language of instruction usually being French » .(Landau,Jacob M. Jews in nineteenth century Egypt . p. 80.)Voir aussi p. 73, 81, 155, 206, 288, 316.
Benedict, S. A.I.U, France V.F. 10 (21) 25 mars 1897, cité in Landau, Jacob M. ibid. p.260.
Mismer, Ch. Souvenir du monde musulman (Paris, 1892), cité in Salama, Ibrahim. Bibliographie analytique et critique touchant la question de l'enseignement en Egypte depuis la période des mamelûks jusqu'à nos jours.
Règlement concernant la mission de l'école égyptienne en France, 1857, cité in Ibrahim Salama, ibid. p.105.
«An Egyptian school with French teachers was established in Paris for the education of young Egyptian.» (Galt, Russell .The Effects of Centralization on Education in Modern Egypt. p. 37.)
«La mission scolaire égyptienne en Europe est l'institution qui [...] contribue le plus à rendre la France populaire en Egypte . »(Plauchut, Edmond. L’Egypte et l’occupation anglaise. p. 239.)
Mismer, Ch.. Souvenir du monde musulman (Paris, 1892) cité in Salama, Ibrahim. Bibliographie analytique et critique touchant la question de l'enseignement en Egypte depuis la période des mamelûks jusqu'à nos jours. p. 167.
109 Louca, Anouar.« Les contacts culturels de l'Egypte avec l'Occident. » in L'Egypte d'aujourd'hui : permanence et changements 1805-1976). p.117.Auguste Comte parla de ces étudiants égyptiens comme de « (l') avant-garde de l'Orient. » (cité in Louca Anouar. ibid. p. 117.)
« On doit citer parmi les élèves les plus distingués de l'école égyptienne le Cheikh Rifa'a destiné à remplir l'emploi de traducteur, nécessaire pour faire jouir l'Egypte de nos ouvrages scientifiques, et la faire participer un jour aux avantages de nos institutions [...] C'est également lui qui a été chargé de mettre en arabe un almanach que nous avons rédigé pour l'an 1244, ouvrage qui pourrait exercer de l'influence sur la civilisation de l'Egypte et de la Syrie s'il était publié exactement chaque année. » ( Jomard, Ecole égyptienne de Paris paru dans Journal asiatique II 1828, cité in Salama, Ibrahim. Bibliographie analytique et critique touchant la question de l'enseignement en Egypte depuis la période des mamelûks jusqu'à nos jours. p. 120-121.) Sur Rifa'a at - Tahtawi, voir Louca,Anouar.« Les contacts culturels de l'Egypte avec l'Occident. » L'Egypte d'aujourd'hui : permanence et changements 1805-1976).p. 113-117, et Delanoue, G. «Le nationalisme égyptien en Egypte» l'Egypte d'aujourd'hui.p.113.
« L'enseignement médical irait de front avec celui de la langue française. » (Luthi, Jean Jacques. Egypte , qu'as-tu fait de ton français? p.19.)
Artin Pacha, Yacoub. Considérations sur l'instruction publique en Egypte . p . 110.
«La littérature française a présidé à la renaissance des lettres arabes au Proche Orient. Des maîtres de la pensée et de l'art français tels que Molière, Voltaire, Lamartine, Maupassant et Zola ont été traduits, commentés, imités même. Mais qui pouvait mieux que les résidents français ou étrangers apporter à l'Egypte un message littéraire continu, adapté aux besoins du temps et du lieu? » (Luthi, Jean Jacques. Introduction à la littérature d'expression française. p.261.)
«Ne se limitant pas au travail strictement pédagogique, les lycées du Caire et d'Alexandrie possédaient chacun une grande salle des fêtes où se tenaient toutes sortes de manifestations culturelles : conférences, théâtre, présentation d'écrivains de passage.» (Luthi, Jean Jacques. Introduction à la littérature d'expression française. p.67.)
« Le théâtre arabe en Egypte est aussi d'émanation française (...). Les écoles françaises dès leur origine, firent du théâtre un élément de leur pédagogie. » (Luthi, Jean Jacques. Egypte, qu'as-tu fait de ton français? p.47.)
Viatte, Auguste. Préface de Luthi, Jean Jacques. Le français en Egypte .p. 7.
Luthi, Jean Jacques. Le français en Egypte . p.17.
«La multiplication des établissements scolaires étrangers favorise le goût de la littérature française en organisant des concours de poésie, en montant des pièces de théâtre ou en lançant de petits périodiques.» (Luthi, Jean Jacques. Egypte qu'as-tu fait de ton français? p.18.)
«« Le Lotus » encourage la diffusion de la langue française. » (Luthi, Jean Jacques. Introduction à la littérature d'expression française en Egypte . p.45.)
« As in France during the Enlightenment, so in Egypt was the salon the breeding ground of the nationalist movement.» (Tignor, Robert L.Modernization and British Colonial Rule in Egypt 1882-1914. p. 262.)
«Generally speaking [...] Egyptian students went to France for law, the humanities, and social sciences and to Britain for pure and applied sciences. [...] As a result despite British hegemony in Egypt for more than seventy years, Egyptian intellectual and cultural development has been predominantly influenced by French legal, social, and political thought.» (Qubain, Fahim I. Education and Sciences in the Arab World. p.188.)
«Grecs et Arméniens, fascinés par le français, l'apprenaient et se faisaient gloire de le manier avec élégance ainsi qu'en témoignent nombre de leurs ressortissants, écrivains et journalistes, qui se sont taillé un nom dans la littérature d'expression française en Egypte.»(Luthi, Jean Jacques. Egypte qu'as-tu fait de ton français?p.103.)
Lecarpentier, G. L’Egypte moderne. p. 163.
Earl of Cromer.Modern Egypt. vol. 2. p. 235-236.
«The [French] occupation left a permanent mark upon the country. Bonaparte himself profoundly impressed the Egyptians and his ideals captured their imagination.» (Elgood, P.L. The Transit of Egypt (1928) cité in Galt, Russell.The Effects of Centralization on Education in Modern Egypt. p. 37.) A nouveau, nous renvoyons au film de Youssef Chahine, Adieu Bonaparte.
« Le français [...] avait l'avantage de l'antériorité, de la diffusion et du prestige mais surtout de n'être pas la langue de l'occupant. » (Luthi, Jean Jacques. Egypte , qu'as-tu fait de ton français. p.101.)
Luthi, Jean Jacques Egypte qu'as-tu fait de ton français? p.150.
Luthi, Jean Jacques. Introduction à la littérature d'expression française en Egypte. p.12.
Perrault, Gilles. Un homme à part. p. 59.
Plauchut, Edmond. L’Egypte et l’occupation anglaise. p.240.
Landau, Jacob M. Jews in Nineteenth-century Egypt . p. 79. Dans un rapport concernant des écoles de confession juive, S. Benedict rapporte plusieurs fois des faits similaires : « Lorsque je suis arrivé à l'école, le directeur était en train d'interroger les élèves sur les sous-préfectures de la France et les enfants savent à peine le français [...] les élèves récitent par coeur des morceaux de poésie de Victor Hugo auxquels ils ne comprennent pas un mot, savent à peine les 4 opérations, pas d'histoire, ne savent même pas la géographie de l'Egypte . Que voulez-vous! Ils apprennent les sous-préfectures de la France! ils apprennent l'histoire sainte dans le Duruy, ne comprennent pas un mot d'hébreu. Ils ne savent le lire qu'en le chantonnant. »( S. Benedict, 25 mars 1897, AIU, France V.F. 10 (21), cité in Landau, Jacob M. ibid. p. 260.) .Voir aussi rapport de S. Benedict, avril 1903, AIU France III f 8 (3) cité in Landau, Jacob M. p.305. Cet impérialisme culturel est dénoncé dans cet autre exemple :» Bien sûr, l'éducation est française. Il n'est de choix possible qu'entre l'enseignement religieux , bonnes soeurs et jésuites, et le lycée de la Mission laïque française. Dans l'un et l'autre cas, la qualité est exceptionnelle [...] L'impérialisme culturel est total. on offre bien le choix entre deux baccalauréats, l'un arabe, l'autre français, mais l'immense majorité des élèves choisit le second. L'étude du latin est préférée à celle de l'arabe. Les élèves ânonnent sans complexes « nos ancêtres les gaulois » et l'histoire de l'Egypte n'est étudiée qu » en classe de sixième [...] et pour la seule période pharaonique. [On] connaît sur le bout des doigts la liste des chef-lieux de département français. » ( Perrault, Gilles. Un homme à part. p.55.)
« memorization rather than assimilation of subject matter » . (Galt, Russell .The Effects of Centralization on Education in Modern Egypt. p.32.)
Luthi, Jean Jacques. Egypte , qu'as-tu fait de ton français? p .3.
Luthi, Jean Jacques. Le français en Egypte . p.31.
voir Luthi, Jean Jacques.ibid. p.30.
Luthi, Jean Jacques. Introduction à la littérature d'expression française en Egypte . p. 87. Voir aussi: ‘la folle cécité du colon français, toujours convaincu d'être éperdument aimé du colonisé.’( Perrault, Gilles.Un homme à part. p.56)