Dans les kuttâbs, les écoles musulmanes traditionnelles, on dispensait un enseignement similaire à celui de toutes les kuttâbs du monde musulman 416 , enseignement qui servait à la fois l’état et l’Islam. 417
On y relevait les mêmes travers que partout ailleurs, l'un des principaux étant l'utilisation envahissante de la mémorisation au détriment de la réflexion 418 , anomalie d’ailleurs commune à toutes les écoles indigènes, même parmi les chrétiens scolarisés à l'occidentale. 419 (Ce défaut fut souvent dénoncé par les pédagogues européens.) La langue enseignée était évidemment l'arabe, langue de la révélation divine.
Cet enseignement s'adressait presque exclusivement aux garçons. Jusqu'à une date récente, toute instruction était refusée aux filles, comme l’explique Gregory Wortabet :
‘ EDUCATION is thought to be too good for her; the cultivation of her mind is thought not only to be vain, but dangerous to the welfare of society. What wants she of education? « Surely » , they argue, « she can sweep the house, cook the food, collect fuel, wait on her lord, and feed her children without it! » And indeed, it is considered that when she has done this, she has accomplished the design of the Creator in her creation. [...] Denied the blessings of education - excluded from the knowledge of God and the hopes of heaven - she is, in short, treated as a soulless being. (GMW.vol.1. 264-265). 420 ’Ces écoles coraniques n'offraient qu'un enseignement succinct et limité. De plus, la communauté musulmane était repliée sur elle-même, craignant qu'une scolarisation extérieure ne fût synonyme de prosélytisme. L'influence étrangère eut néanmoins un effet stimulant puisque de nombreuses écoles musulmanes virent le jour pour lutter ou rivaliser avec les écoles étrangères. 421
Des sociétés de bienfaisance musulmanes (Makassed) tâchèrent de créer des écoles, pour faire face à la concurrence chrétienne et défendre les valeurs arabes et islamiques contre l'influence étrangère. 422 On y prodiguait les enseignements traditionnels en y ajoutant les matières modernes, sciences et langues. 423 Le problème de recrutement des enseignants était épineux parce que les commanditaires imposaient des critères moraux extrêmement stricts 424 . Cependant, les Makassédiens durent avoir recours à des chrétiens et à des étrangers. 425
«Autour du cheikh de la mosquée, se formaient plusieurs groupes d'élèves qui, par l'enseignement du CORAN et du HADITH ( « le discours du Prophète » ) accédaient aux éléments de la lecture et de l'écriture. Les cheikhs leur donnaient aussi des leçons sur l'histoire des Arabes et de l'Islam, sur le temps de Mohammed et le gouvernement des quatre premiers Califes.» (Abou, Sélim. cité in Whebe, Nakhlé et Amine, Adnan. Système d'enseignement et division sociale au Liban .p.14.)
Voir Tibawi, A.L. American Interests in Syria.
Arène, Benoit. «Fonctionnement de l'Ecole (de Droit) de Beyrouth pendant l'année 1913-1914.» in Congrès français de la Syrie .p,29-33 et 30.
«Schools of all communities shared the same basic characteristics : limited curriculum, too much dependence on learning by rote, scarcity of textbooks, and paucity of qualified teachers.»(Tibawi, A.L. American Interests in Syria.p. 67.)
Dans sa relation de voyage au Liban, Nerval rapporte le refus d'une jeune fille musulmane de vouloir apprendre quoi que ce soit, considérant tout cela comme dégradant ou impur. A l'inverse, les femmes druzes acceptaient l'éducation, même si elle était proposée par des chrétiens étrangers : « Dans sa nation, les femmes d'une certaine aisance peuvent s'instruire et même s'occuper des arts, ce qui, chez les musulmans, est regardé comme la marque d'une condition inférieure. » (Nerval, Gérard de. Voyage en Orient.p. 344.) La jeune musulmane s'était récriée à la proposition de l'étude des arts. «Pourquoi. [...] ne veux-tu pas non plus apprendre à écrire? On te montrerait ensuite à chanter et à danser; ce n'est plus là le travail d'une servante.- Non, mais c'est toute la science d'une ALMEE, d'une baladine, et j'aime mieux rester ce que je suis. » (Nerval, Gérard de. ibid.p. 341.)
«Orders have been issued forbidding Mohammedan children from attending (foreign) Christian schools, and what is more, efforts have been made to establish Mohammedan schools for girls as well as for boys, not in towns only, but also in villages.» (The English missionary in Nazareth 1884, cité in Tibawi, A.L. A Modern History of Syria including Lebanon and Palestine. p. 181-182.)
«Les makassédiens voulurent élargir leur action, et géographiquement et socialement, en élevant le niveau d'enseignement, pour retirer les enfants musulmans des écoles missionnaires, religieuses et étrangères... « où l'on diffuse la propagande empoisonnée et pourrie, la propagande athée, les préceptes contraires à l'Islam. »« (Wehbe, Nakhlé et El Amine, Adnan. Système d'enseignement et division sociale au Liban .)
«The curriculum of these schools was still essentially Arabic and Islamic in spirit and content, but it now included the teaching of science and foreign languages, as in the native Christian schools and the foreign schools.» (Tibawi, A.L. A Modern History of Syria including Lebanon and Palestine.p. 195.)
Voir Al Ayoubi, A. Jouhaina. La Makassed, Société islamique de bienfaisance à Beyrouth. cité in Wehbe, Nakhlé et El Amine, Adnan. Système d'enseignement et division sociale au Liban.p. 17
Voir Wehbe, Nakhlé et El Amine, Adnan. Système d'enseignement et division sociale au Liban.p. 18.