3 - Les missions laïques.

Les missionnaires catholiques, si efficaces fussent-ils, ne parvenaient pas à couvrir tout le terrain. Au début du vingtième siècle, d'autres vinrent les seconder dans leur tâche 498 . L'époque n'étant plus à la gloire universelle du catholicisme, ces nouveaux missionnaires venaient d'autres confessions, ou étaient tout simplement laïques, en conformité avec l'esprit anticlérical du temps.

L'enseignement laïque était peu développé à cause de la prolifération des établissements d'inspiration religieuse. Dans un pays où le confessionnalisme jouait un rôle important depuis les Ottomans, une structure laïque éprouvait de la difficulté à trouver sa place. Il suffit de voir comment le système politique était empreint de ce confessionnalisme. On comprend comment l’ enseignement qui touche si intimement à la formation des esprits, pouvait susciter de la méfiance s'il était dispensé par des laïques 499 .

Parmi ces établissements laïques, on comptait des écoles ouvertes par des personnes individuelles 500 ou par la Mission laïque 501 .

L'Alliance française était un fleuron non négligeable de la diffusion de la culture française. Elle fournissait un support logistique de qualité très utile que les établissements de taille modeste ne pouvaient s'offrir 502 .

Il fallait non seulement propager la langue et la culture françaises dans les écoles, mais aussi, si l'on souhaitait que les élèves maintiennent un contact avec celles-ci, leur en fournir les moyens. C'est à ce suivi que l'Alliance française s'employait 503 en tentant de construire un environnement culturel français.

A côté de ces institutions françaises laïques, l’Alliance israélite universelle propageait avec une grande efficacité la langue et la culture françaises 504 dans tout le monde arabe 505 .

Le dispositif français tendait donc un filet aux mailles serrées sur tout le Liban 506 .

Notes
498.

« Loin de se faire concurrence entre elles, (les missions laïques et religieuses) exercent les unes sur les autres une action réciproque d'émulation et de modération, qui tournera au bénéfice commun. » (Pernot, Maurice. Rapport sur un voyage d’étude à Constantinople. p.279)

499.

«Quant à l'enseignement laïque, par suite des circonstances et notamment de l'importance des différentes Eglises, il est demeuré jusqu'ici assez rudimentaire, non pas que des efforts dignes d'encouragement n'aient pas été tentés; mais il n'a pas encore été possible de lutter contre les écoles entretenues par les divers clergés.» (Samné, Dr George. La Syrie. p. 204.)

500.

«Lorsque les Carmes abandonnèrent notre protectorat pour réclamer la protection de l'Italie et substituèrent l'italien au français dans leur école de garçons, la femme de l'Agent consulaire de France ouvrit elle-même une école où elle enseigna pendant un an [...] assistée du directeur de la Banque Ottomane.» (Pernot, Maurice. Rapport sur un voyage d'étude à Constantinople. p. 219.)

501.

«  Réservons une place à part à la Mission laïque qui a obtenu à Beyrouth , un fort beau résultat avec ses deux collèges. [...] L'Alliance française, qui propage l'influence française par des salles de lecture, des conférences, des dons de fournitures scolaires, etc., comptait en 1912, en Syrie , 225 adhérents. » (Samné, Dr George. La Syrie. p.204.)

502.

Voir Huvelin, Paul. Allocution inaugurale in Congrès français de la Syrie. p. 10.

503.

«Au siège de l'Alliance (à Beyrouth ), trois salles de lecture sont ouvertes tous les jours de 8h. à midi et de 2h. à 7h.1/2 du soir. Les jeunes gens de la ville les fréquentent volontiers (de 10 à 15 visiteurs par jour). Ils y trouvent les principaux journaux de Paris, les grandes revues, en tout 35 publications françaises, et une bibliothèque contenant 1.350 ouvrages français. Au cours de chaque hiver, l'Alliance organise une dizaine de conférences gratuites. La section de Beyrouth distribue annuellement 7.450 Fr. de subventions aux écoles de Syrie , secourant plus particulièrement celles de nos écoles qui ont à lutter contre les influences américaine, anglaise ou russe.» (Pernot, Maurice. Rapport sur un voyage d'étude à Constantinople. p 189.)

504.

Samné, Dr George. La Syrie. p. 202-203.

505.

Voir Meiss, Honel «Les oeuvres scolaires de l'Alliance Israélite en Syrie.» in Congrès français de la Syrie .p. 97-99.

506.

Vers 1914, il y avait environ cinq cents écoles françaises fréquentées par environ cinquante mille garçons et filles.Voir Hitti, Philip K. Lebanon in History. p. 448.