d - » England for ever » .

Américains et Anglais se partagent l'admiration des Orientaux que nous considérons. Les Anglais étaient au Proche-Orient depuis plus longtemps que les Américains et avaient une image plus concrète. Le terme ingliz était souvent synonyme de protection, comme nous l'avons vu, protection s'étendant à une certaine catégorie de privilégiés. Gregory M. Wortabet relate comment un Européen fut sauvé de la lapidation parce qu'il était sous protection anglaise, alors que tous les arguments raisonnables avaient échoué à convaincre ses accusateurs (GMW 1 -20). Cette image de force invincible est confortée par la place prépondérante qu’occupe l'Angleterre dans le monde :

The only wars I was familiar with were wars between upright infallible England and villainous aggressive enemies, a contest between right and wrong, a glorious battle, in which the forces of God in the British uniform fought and conquered the forces of Evil in all sorts of other uniforms. (EA ATS39-40)’

L'Angleterre est singularisée (the British uniform opposé à all sorts of other uniforms), seule digne d'être identifiée parmi les autres nations. C'est précisément cette singularité, cette place au-dessus de la mêlée qui lui confère le (bon) droit de mettre de l'ordre dans les régions qu'elle régit, d'autant qu'elle est porteuse du Bien. Face au chaos de l'Orient, l'Angleterre est le garant de l'ordre dont découlent l'efficacité et le progrès :

... The efficiency and purity of British administration, the rectitude of British statesmen and the incorruptibility of British police [...] the purity of English political life [...], method, organization, justice and official honesty dazzled the Syrian mind hitherto accustomed to a corrupt and inefficient régime.(EA ATS 28)’

Ce mélange de qualités morales, toutes positives, fascine un certain nombre d'Orientaux qui voient leurs efforts rendus inutiles par le morcellement de leur pays et l'incurie de ses dirigeants.

L'autre aspect qui attire l'imaginaire oriental, c'est l'Angleterre en tant que lieu de culture et de civilisation. Si l'Angleterre est, avec Winston Churchill, le lieu de la Parole, c'est aussi le lieu de la Parole Ecrite (‘this great country of English literature’ (EA ATS 144)). Westminster Abbey devient l'endroit le plus sacré d'Angleterre puisqu'elle contient les cendres des grands écrivains et les sentiments d'Edward Atiyah y sont d'ordre religieux :‘awe and reverence’ (EA ATS 87)). Cette histoire culturelle, ancrée dans une tradition séculaire, est, avec sa puissance protectrice, son aspect le plus désirable. Sa tradition universitaire avec Oxford et Cambridge (EA ATS 64-80) place l'Angleterre au centre de l'Occident civilisateur (‘A symbol of culture and refinement’ (EA ATS 80)).

Oxford devient, par diverses associations, un lieu de la totalité. Pour l'enfant Edward, le signifiant apparaît pour la première fois dans l'expression «Oxford Cake » (EA ATS 80), liée à la mère, à l'imaginaire de l'enfance. Ensuite, Oxford est lié à une variété d'images phalliques récurrentes :‘towers and steeples’ (EA ATS 80; 82; 83; 87; 88; 118), métaphore de L'Etudiant type :‘the general impression was of height, robust, athletic height’ (EA ATS 92), lui-même métaphore de L'Anglais.

Cette hésitation entre image maternelle et paternelle - qui s'applique non seulement à Oxford mais à toute l'Angleterre (‘England's protective bosom’ (EA ATS 20) se conjugue avec les images de domination ) - est le reflet du fantasme de l'Oriental et de son hésitation entre soumission (à la protection puissante de l'Occident) et prise en main de son destin (avec son désir d'imiter et éventuellement remplacer l'Occidental). On observe ici, comme dans d'autres domaines, une crise de la représentation de l'un comme de l'autre.