a - « Western greed and predatory imperialist design » .

Au rêve de protection se substitue une réalité de prédation. Les bras ouverts ne sont pas d'accueillants bras maternels, mais des serres de prédateurs avides de se nourrir de leurs prétendus protégés :

Colonizers, in a feeding frenzy, closed in like sharks.(IH OOE 42)’

La bonne mère nourricière se transforme en une mauvaise mère qui se repaît de ceux qu'elle parvient à piéger. L'Occident dévoreur de terres cherche à étendre son empire le plus loin possible, pour des raisons stratégiques et économiques. Aussi bien Abraham Mitrie Rihbany qu'Edward Atiyah, tous deux observateurs attentifs de la politique internationale des puissances occidentales, voient le peu de poids des promesses faites aux Orientaux quand il s'agit, pour les Occidentaux, de maintenir l'équilibre de leurs forces. Ce n'est pas sans une certaine amertume qu'ils découvrent l'hypocrisie de ces pouvoirs mandataires dont la protection ne s'étend qu'à leur propres intérêts. L'échange entre Abraham Mitrie Rihbany et le Prince Faysal lors de la Conférence de Paix de Paris propose une clé pour comprendre les manigances occidentales :

« Is this what you call « Christian Civilization » ? Do those who are known as great men tell lies so easily? »
« No, [...] I beg your highness to realize that this kind of thing is not lying; it is diplomacy! » (AMR WM 221)

Le protecteur occidental révèle son double jeu et son absence de morale. Le héros chrétien, quasi divinisé se montre à nu (‘th e moral nakedness of Europe’. (AMR WM 211)) : sa philanthropie (AMR WM 212) n'était que stratégie pour mieux tromper les Orientaux qui ne sont que des pions interchangeables sur l'échiquier politique : maronites contre Druzes, juifs contre Palestiniens (‘They had been pawned in advance by diplomatic gamesters’ (AMR WM 212)). Pour les Occidentaux, surtout les politiciens, le jeu est si éloigné d'eux qu'ils ne voient pas que l'enjeu réel est la mort des uns ou des autres. En reprenant l'image de la carte qui situait le monde pour Edward Atiyah et Penelope Lively enfants, les diplomates occidentaux jouent à colorier la carte, chacun à son tour. Les guerres que cela entraîne sur le terrain ne sont qu'une partie de rugby, comme l'était la Première Guerre mondiale pour Edward Atiyah enfant à Khartoum :

It is the 4th of August, 1914. Substitute for Twickenham the Western Front and the High Seas; for Oxford heroes, England and the Allies; for the Cambridge XV German villains and barbarians... (EA ATS 37)

Tout n'est que jeu, les signifiants sont totalement déconnectés de leurs signifiés (si tant est qu'ils en aient un - nous verrons que les Orientaux sont niés dans leur existence même par les Occidentaux) et la jouissance suscitée par les images de mort (‘Orgy of orgies! [...] a heap of corpses in undignified positions’ (EA ATS 38)) est imaginaire. On constate une nette différence entre cette guerre fictive, tenue à distance, sans enjeux humains (l'abstraction Angleterre n'a pas de réalité corporelle) et celle que vivent Salom Rizk et les villageois de Ain Arab :

On the way I came upon a battlefield strewn with the corpses of fallen soldiers -mangled and twisted bodies, stripped and looted [...] and decaying like so many animals in the hot Syrian sun. [...] I was tired, hungry, and footsore, but the stench of rotting human flesh and the terrorizing sight of torn and blood-caked bodies changed my hunger into sickening repulsion, my fatigue into wide-eyed fear, and my bleeding feet into numb, unfeeling leather... (SR 28-29)

Cette rencontre directe avec la guerre n'a rien de commun avec le tableau organisé par un artiste qu'Edward Atiyah (à peu près au même âge) a en main. Il s'agit d'une représentation, médiatisée afin de produire un effet sur le spectateur (cette jouissance devant la mort de l'ennemi) et non pas d'une confrontation avec le réel. L'impérialiste serait, dans un premier temps, une mauvaise mère qui joue à donner la mort sans en rien vouloir voir.