e - « The barbarian in their souls » .

A la lumière de ce matérialisme utilitariste, comment peut-on réinterpréter la prétendue mission civilisatrice? Chaque fois qu'il entrait dans un port, Gregory M. Wortabet signalait que le phare était l’œuvre d'un pays occidental (GMW vol. 1 26-27). S'il considère que la Turquie (c'est-à-dire l'Empire ottoman) est seule responsable du déroutement des bateaux de commerce vers ces ports munis de phares, parce qu'elle n'en construit pas, il n’en conclut pas pour autant que si les Européens aménagent des ports au Levant, c'est qu'ils y trouvent quelque avantage économique. On a à nouveau un raisonnement tronqué qui, à partir d'une bonne observation des faits, ne tire pas toutes les conclusions. Le développement de l'Orient ne pouvait se faire que si l'économie occidentale ne devait pas en pâtir. Des nationalistes égyptiens, tel Salama Musa, ont montré comment le développement de l'industrie textile égyptienne avait été interrompu par les Britanniques sous prétexte qu’elle représentait un danger pour la santé de la population, alors qu'il s'agissait en fait de préserver l'industrie textile britannique.

La mission éducatrice, la plus prisée et la plus louée, n'est pas dénuée de sous-entendus idéologiques. Nous savons que les Anglais ont restreint l'accès à l'instruction et ont fait en sorte de ne former que les fonctionnaires dont ils avaient besoin pour les seconder dans l'administration des territoires qu'ils géraient. L'infrastructure scolaire britannique au Proche-Orient est très nettement insuffisante par rapport à la demande et par rapport à l’offre des autres nations occidentales. (EA ATS 189) Si les Etats-Unis sont plus présents, entre autres avec la prestigieuse Université américaine de Beyrouth, l’enseignement prodigué dans celle-ci est d'inégale valeur :

It had not been a channel for the communication of Western culture in its deeper meanings to the Arab world. The teaching of English in its preparatory section and feeder schools was totally inadequate, and the study of the humanities in its School of Art had till lately been too superficial to impart anything of real value. (EA ATS 189)’

F.M.Al Akl est encore plus dur dans son jugement lorsqu'il dénonce les enseignants américains ; il les met au même rang – c’est-à-dire très bas - que les enseignants répétiteurs des écoles coraniques de village :

To me they often seemed like people with sterile minds, with only their memories developed. They made me think of parrots, repeating from books, whose job it was to make their students do likewise.(FMA 244)’

Psittacisme qui explique peut-être comment un tel Occident (aussi éloigné d’une image idéale) puisse être idéalisé par des élèves émerveillés par des trucs, des gadgets importés d'un ailleurs où, comme chacun sait, l'herbe est plus verte que de ce côté-ci de la barrière. Non seulement l'Occident dévoie sa mission éducatrice en ne donnant pas des bases occidentales adéquates, mais il détruit le fondement de la culture locale et pille le patrimoine :

In the bougainvillaed villas of La Compagnie Universelle du Canal Maritime de Suez, in Port Fuad, foreigners who plundered ancient Egyptian treasures flouted the laws of the land.(IH OOE 17) ’

Ainsi l'Occident déstabilise-t-il les assises d'une société qui n'est qu'un terrain de jeu où ses composantes jouent à un jeu de ballon/balle mortel(le) :

...bombs dropping from the sky, [...] “Look out, boys, CIVILIZATION is coming!” (FMA 119)’