Abraham Mitrie Rihbany vit l'abandon de sa langue maternelle comme un rétrécissement (AMR FJ 255), qui semble avoir pour conséquence son anglais cassé (‘broken English’(AMR FJ 248)). La nouvelle langue ne semble pas assez vaste pour contenir l'expérience du sujet vécue en deux langues et elle se fissure, laissant passer des traces de la première langue : la dernière couche laisse paraître des couches archéologiques plus anciennes qui font signe(s) ou est-ce la croûte qui craque pour faire apparaître les lèvres d'une blessure mal cicatrisée? On a beau tenter de l'assassiner (‘my battered native tongue’ (IH OOE 62)), même meurtrie et défigurée, la langue première fait surface. Elle fait même d'autant plus retour qu'elle est rejetée avec l'univers auquel elle appartient. Ainsi, c'est chez Ihab Hassan qu'on trouve paradoxalement, le plus grand nombre de mots arabes. Si l'on en croit Daniel Sibony, il ne s'agit pas de parler comme ses parents, mais d'avoir assez aimé leur PARLER pour ne pas en être captif et pour estimer que ce parler est digne d'être quitté, quitte à être plus tard RENCONTRE. 954 On sait précisément qu'Ihab Hassan n'aime pas la (les) langue(s) de ses parents. (IH OOE 3) C'est chez Edward Atiyah qu'on en rencontrera le moins puisqu'il dit avoir fait la synthèse entre ses langues et ses allégeances. The Syrian Christ contient une grande quantité de mots et expressions arabes, mais il se veut pédagogique - on pourra s'interroger sur la nécessité d'une telle pseudo-explication de texte culturelle. Dans le cas de George Haddad, le problème de l'arabe ne semble pas pertinent dans la mesure où sa fille, son porte-plume (porte-parole?), parle peu arabe. (GH 93).
Sibony, Daniel. Entre Deux. p. 38.