II - AUTOBIOGRAPHIE

‘ Le manuscrit que je tente de reconstituer est défiguré, à jamais mutilé par la perte d'un seul fragment : écrire est une chasse éperdue, une quête d'Isis , pour tenter de retrouver le fragment qui manque, une tentative désespérée pour rattraper ce qui fut perdu, pour retrouver ce qui m'échappe et s'échappe. ⁹⁶⁵ ’

Osiris, dieu bienfaisant, fut enfermé dans un coffre par son frère Seth, dieu violent, avide de pouvoir. Ce coffre fut jeté dans le Nil par Seth et ses alliés. Isis, leur sœur, sauva Osiris une première fois mais Seth s'empara à nouveau du coffre et dépeça le corps d'Osiris dont il dispersa les morceaux à travers l'Egypte. Isis repartit en quête des morceaux et reconstitua le corps de son frère-époux (à l'exception du phallus qui demeura introuvable) et le fit immortel par la momification. La tête du dieu aurait été conservée à Abydos, dans une corbeille ou une cruche en terre cuite; les traditions divergent : soit contenant et contenu seraient identifiés, soit la tête serait un simulacre en papyrus. ⁹⁶⁶

La légende d'Osiris n'est pas tout à fait étrangère à notre propos. Osiris, qui donne aux hommes l'agriculture et les pratiques de la religion pourrait être l'Oriental, alors que Seth le guerrier serait l'Occidental conquérant. Seth enfermerait donc Osiris dans une image dont il ne parviendrait à se défaire, comme l'Oriental est enfermé dans la représentation que lui construit l'Occidental, image mortifère qui l'assujettit, image morcelée puisque l'Oriental est écartelé entre deux cultures, deux langues, deux pays. Comment peut-il sortir de ce coffre-image et se reconstituer en tant que sujet de son histoire? En cherchant peut être la trace de ses fragments et en les reliant (relisant) pour en faire un corps/corpus, composé des strates de son histoire, telles des bandelettes de momie; avec le risque que corps et corpus ne soient confondus ou encore qu'il n'y ait qu'un corpus sans corps.