c - L'Occident raciste.

Nous avons dit que l'Orient était divisé, entre autres, selon des lignes religieuses. L'Occident, lui, est divisé selon des lignes raciales. ‘Americans did not intermarry. Instead, they kept the races separate. Their cities are divided into two medinas, one for the blacks and one for the whites, like we had in Fez for the Muslims and the Jews.’(FM 195). Que la communauté syrienne en Amérique soit une entité assez fermée ne tient pas uniquement au fait qu'elle y reproduise ses structures d'origine. Elle y est aussi poussée par un certain racisme qui apparaît de façon très discrète dans les textes de nos auteurs. Salom Rizk, lors de sa brève expérience de marchand de tapis, découvre le contraste entre cette Amérique où il croit encore faire l’expérience d’ un espace immense de liberté et une Amérique qui se ferme à l'Autre et l'enferme. Les ménagères qu'il sollicite ne lui accordent qu'un espace infime :‘Suspicious women peeked through narrow cracks of doors’(SR 155) : une fente étroite qui ouvre grand la porte de la prison (SR 157-158). A l'Autre, à l'étranger, l'espace ouvert est celui de la cellule. La cellule où on l'enferme tient en trois syllabes : ‘furriners’ (SR 157 ; 131-132),trois syllabes qui lui donnent accès à l'intérieur de l'Amérique:‘Here was the inside of the America I had seen from outside when I sped westward on that train’(SR 135). Cette note discordante (‘grated(SR 158)), cette fêlure, lui font voir non plus un espace lisse, mais un espace divisé avec ses clôtures étanches. Les abattoirs sont de toute évidence un de ces enclos étrangers (‘I was foreigner, and everybody else was a foreigner’(SR 135)), et comme tel, ils sont un lieu de mort : ‘Cast off into space, standing above this wild, mad din, in the center of this dungeon of death...’(SR 139).

Ihab Hassan arrive aux Etats-Unis par le Mississipi et éprouve un sentiment de resserrement de l'espace :

Sliding through the bayou in that strange dawn, the air thick, the horizon still clotted with darkness, I sensed hidden luxuriance and menace. Everywhere, a nameless vegetation threatened to clog the channels and ensnare the ship [...]. The air was humid [...], the sky low. [...] Blacks began to appear in curious shiffs around Old Abe. [...] I had entered America, it seemed, from its secret, gloomy underside. (IH OOE 103).

La grève qui a détourné le bateau de son port d'attache, New York, où la Statue de la Liberté donne aux arrivants l'illusion de leur ouvrir le chemin, permet à Ihab Hassan de prendre immédiatement conscience d'une Amérique qui étouffe les étrangers - ici les noirs. La menace sans nom (nameless) c'est l'altérité, cette altérité qui conduit Salom Rizk en prison et Laila Said chez elle sous bonne escorte policière : dans l'altérité, il y a des degrés et les ghettos sont plus ou moins hermétiques (LS 21) :

I was slowly becoming cognizant of the racial tensions that were tearing at America. (LS 21)

Une nouvelle carte de l'Occident se dessine avec ses différentes couleurs pour y ranger et classer ses étrangers.