a - Départ.

Départ, du latin partiri, diviser en parties, partager. Partager : diviser un ensemble en éléments qu'on peut employer à tous usages différents; avoir part à quelque chose en même temps que d'autres; diviser un ensemble de manière à former plusieurs parties distinctes effectivement séparées ou non.

Partir serait donc faire qu'un espace unique devienne pluriel. De quel espace (ou ensemble) s'agit-il? Cela signifie-t-il un éclatement de l'espace d'enfermement tel que les auteurs vivent leur séjour oriental? Oui, dans une certaine mesure puisque l'entité d'origine (cellule familiale, clan...) est divisée par le départ d'un de ses membres et qu'elle n'apparaît plus comme un lieu unique fermé sur lui-même mais devient un lieu ouvert : la faille, la béance, causée par le départ de l'un des membres demeure. Même si elle est masquée, cette ouverture ne peut l'être que temporairement. Si belles soient-elles, les imitations d'oiseaux et les brocarts qui cachent les fenêtres ne peuvent remplacer la réalité pour toujours : tôt ou tard, un coup de vent plus fort qu'un autre, la négligence de quelque domestique... laisse voir l'ouverture. Kbashy raconte ses superbes mensonges jusqu'au moment où la vérité sur l'identité de son petit fils Salom ressort : la faille ouverte par le départ des parents de l'enfant était là mais l'illusion créée par le mensonge empêchait le sujet de la percevoir.

Partir est peut-être également introduire une coupure dans le sujet. La sagesse populaire dit que partir c'est mourir un peu; parce qu'on se sépare d'une partie de soi-même cela signifie-t-il que celle-ci meure? Ne continue-t-elle pas plutôt à vivre et à vivre d'autant plus douloureusement qu'on l'a écartée/écartelée? On reviendra plus tard sur cet aspect du problème.

Si l'on se réfère aux textes, les signifiants qui sont utilisés lors du départ sont ceux de la déchirure (‘tearing [...] away’ (EA ATS 51)), de la coupure (‘severance from everything familiar’ (IH OOE 102)), de la séparation d'avec un milieu naturel (uproot) : on remarque la dimension spatiale d'éloignement : away, from, up, qui ouvre un espace (ou un vide?) entre les deux parties auparavant unies. Cependant, dans un mouvement contraire, le départ est une promesse de lier deux parties encore disjointes. ‘I'm bound for New York’ (IH OOE 1) : Bind, le lien qui attache le sujet à son lieu de destination dès le moment de son départ : l'espace ouvert par ce départ ne serait donc pas un vide, même s'il n'est qu'un fil et que le sujet qui part n'est plus qu'un funambule. On reviendra plus tard sur cet exercice d'équilibr(ism)e.

Partir, c'est donc créer une tension entre deux espaces, celui d'origine et celui d'arrivée, tension qui trouve un écho dans le sujet (le sujet comme chambre d'échos des tensions extérieures qu'il crée?), après avoir ouvert une faille dans l'espace d'origine. On peut se demander s'il y aura une faille correspondante dans le lieu d'arrivée ou si seulement le sujet sera brisé (ou fêlé) à son contact avec l'autre espace.