b - Entre-deux lien.

Le sujet parvient, après une période plus ou moins longue, à accommoder son regard et à recoller ses morceaux écartelés : le grand écart devient alors arc-en-ciel (‘an enchanting rainbow’(LS 282)), pont (A Bridge Through Time) entre les deux mondes, les deux cultures. Asaad Y. Kayat est interprète, pont (et passeur) entre les deux langues. Abraham Mitrie Rihbany avec le Kowkab America, comme l'oncle d'Edward Atiyah avec le Sudan Times (EA ATS 45), assure le lien entre deux pays, deux nations. Edward Atiyah, assurant la relève d'un autre oncle, est aussi intermédiaire, médiateur entre Soudanais et gouvernement colonial (EA ATS 156). Laila Said établit le lien entre les féministes occidentales et orientales (‘the first images flashed across the screen’(LS 204 ; 280)). On peut aussi parler du rôle diplomatique d'Abraham Mitrie Rihbany à la conférence de Paris (AMR WM) et de celui d'Edward Atiyah lors de la crise palestinienne. Médiateur, interprète : interposé au milieu, entre. Le sujet transforme sa situation intérieure en un atout professionnel. En fait, pour s'accommoder de sa situation intermédiaire, il lui faut la mettre en scène sur la scène de l'Autre. Enfermée dans son for (fort) intérieur, elle ne peut que saper ses fondements de sujet; projetée à l'extérieur, elle prend de l'ampleur et donne de l'ampleur au sujet, elle lui donne un espace où exprimer son originalité. A nouveau, on a affaire à un double mouvement : le sujet est issu d'un milieu d'origine bi-culturel, bi-lingue : sa famille (Edward Atiyah, Ihab Hassan...), son pays (le Liban), sa classe sociale (Laila Said...), etc., milieu où s’exercent les tensions qu'on a dites. Ces tensions sont inscrites dans le sujet - dans un mouvement centripète - qui les réinscrit en dehors en se faisant intermédiaire - dans un mouvement, cette fois, centrifuge. Il s'agit pour le sujet de bien coordonner ces deux mouvements contraires et se faire charnière bien huilée pour bien fonctionner. En fait, lorsque Salom Rizk se pose la question de savoir s'il est bien ajusté (‘will I [...] fit in?’(SR 118)), il devrait plutôt poser la question de savoir si les différents morceaux du puzzle qui le composent sont bien ajustés. Mal ajustés, ils laissent des voies d'eau qui font sombrer le navire à plus ou moins long terme. Tous les individus qui entreprennent la traversée ne parviennent pas nécessairement à flotter. Certains sombrent dans la folie (on se souvient de Moawiya, l'élève-ami d'Edward Atiyah).