1 - Spring to Summer .

Spring to Summer (1963) narre une saison dans la vie de Samar, étudiante issue de la bourgeoise beyrouthine, jeune fille effacée, toujours en retrait, qui se cherche en cherchant sa place face à l'Autre. Son frère, le playboy Farid, et sa cousine Salwa toujours prête à flirter sont à l'opposé de Samar. Elle est courtisée par un garçon qui lui ressemble, Amin, mais est attirée par le brillant et mystérieux Akram dont le cynisme masque mal le mal-être et la fragilité. Convoité par tous et toutes, il méprise tout le monde. C'est Samar qu'il épousera, parce qu'elle va au-delà des apparences et aura le courage de quitter le cocon conformiste de sa famille pour affronter la réalité d'Akram, Druze d'origine pauvre, rebelle dès l'enfance, qui doit tout construire à partir de rien. Il s'agit comme le titre l'indique, d'un roman d'apprentissage, du printemps (spring) de l'adolescence insouciante à l’été (summer) de la maturité, de l'incapacité de Samar à dessiner son autoportrait à sa libération des entraves qui l'en empêchent (sa famille parle et vit, en effet, à sa place).

C'est également un roman sur la jeunesse bourgeoise libanaise, cosmopolite, en apparence libre mais, en réalité, très conformiste. Marquée par les influences étrangères (le texte souligne comment l’on passe d’une langue à l’autre selon les contextes), elle souffre d'une absence de repères qui rend impossible tout engagement national ou politique. Le national est considéré comme folklorique et tourné en ridicule. Les jeunes individus sont tournés vers l'Occident. Cette jeunesse profite de l'argent du clientélisme, des compromissions de ses parents et mène une vie futile, à la recherche de plaisirs immédiats, incapable de se projeter dans l'avenir.

En contrepoint, l'autre jeunesse, rurale, pauvre (celle dont Akram Said est le représentant) doit se battre à armes inégales pour récolter les miettes. Malgré sa supériorité intellectuelle, Akram n'obtient pas les emplois qu'il souhaite, ce qui le pousse à la révolte et à l'exil (c'est dans un autre pays arabe qu'il trouve un emploi).

Ce récit relativement linéaire s'essaie au stream of consciousness, matérialisé par des italiques dans le texte. Il est assorti d'une fable et de quelques scènes dramatisées avec des didascalies. L'épilogue, le journal de Salwa, approche le récit d’une focalisation différente. La majorité du récit se fait du point de vue de Samar, qui est aussi peintre, ce qui donne la possibilité d'explorer diverses formes d'écriture avec une ébauche de métafiction : le texte s'interroge à plusieurs reprises sur la représentation de la réalité. Le traitement du paysage est à cet égard caractéristique, avec des descriptions construites selon des lignes clairement définies, des fenêtres qui structurent et délimitent un espace qui, autrement, serait chaotique.

On a dit qu'il s'agissait d'une œuvre de jeunesse que déparent un certain nombre des maladresses. Certains passages se lisent comme des exercices de vocabulaire : opposition de termes dont on souligne le sens (listening-hearing (RA SS 1) aloneness-loneliness (RA SS 48)), listes des bruits de la ville... L’ influence de Virginia Woolf (RA SS 180) avec une série d'allusions possibles à To the Lighthouse, est perceptible: Samar rappelle Lily Briscoe avec un phare (RA SS 133), une falaise (RA SS 205-207) et une série de soirées filtrées par un regard pareil à celui de Mrs Ramsay lors du dîner qui rassemble Paul, Minta et ses autres convives.