Les poèmes de We are Human Too (1985) sont hantés par ce même drame de Sabra et Chatila. Tout est désormais contaminé par ce massacre, les forces de destruction sont en marche, l'aube ne sera plus que crépuscule (‘At decay-spotted dawn’ (RB WHT12)). Les poèmes rappellent les illusions d’avant, la naïveté des Palestiniens et des Arabes, lors des pourparlers de paix, paix qui fut chirurgicale (comme le fut quelques années plus tard la guerre du Golfe) (RB WHT27). Le risque, au cas où il ne serait pas reconnu comme humain, comme sujet à part entière, est que le Palestinien devienne un ange exterminateur qui répond à la négation par une tentative de restructurer le chaos. Malgré le bain de sang apparaît une lueur d'espoir.
Ce recueil, d’où est absente toute recherche stylistique et où prévaut l'idéologie, donne un bref aperçu de la condition palestinienne comme l'indique son sous-titre.
Ces poèmes ont peu à voir avec ceux des poètes en langue arabe qui, pour exprimer leur révolte, doivent gérer un lourd héritage et métamorphoser [la langue] dans les forges de la rage, du désespoir et de la foi, en faire une langue QUI PARLE. 1185 Les poètes de la cause palestinienne en anglais utilisent des formes modernes ou post-modernes qui préexistent à leur travail dans lesquelles ils coulent leur message à destination d'un public anglophone. Seule Etel Adnan travaille la langue et la forme : elle mène une réflexion sur la représentation, qui trouve une expression immédiate dans ses textes.
Dans un article sur la poésie palestinienne contemporaine 1186 , Hanan Mikha’il Ashrawi souligne l'inégalité de la production en langue arabe. Elle remarque qu'il existe une poésie engagée de qualité représentée, entre autres, par Mahmoud Darwich, parallèlement à une ligne d'imitateurs de ces grands poètes, qui reprennent des formules, des images éculées, et autres effets communs afin que cette poésie soit compréhensible par tous. Elle note aussi que le vers libre, s'il libère le bon poète, révèle les faiblesses de celui de moindre qualité. A vouloir privilégier le message, la forme poétique en pâtit. A l'exception d’ Etel Adnan qui, par sa plus grande ouverture aux autres peuples en souffrance, dépasse et universalise le drame palestinien, les autres écrivains d'expression anglaise restent proches, dans leur traitement du problème palestinien, de leurs collègues arabophones de moindre créativité.
Anthologie de la littérature arabe contemporaine.T.3. La poésie. p.22.
Mikhail Ashrawi, Hanan. ‘The Contemporary Palestinian Poetry of Occupation.’ Journal of Palestine Studies. 7n°3(Spring 1978): 77-101.