Le recueil de nouvelles Aisha (1983) traite de la femme dans sa relation à son environnement. Il s’agit souvent d’épisodes initiatiques qui révèlent l’espace clos dans lequel la femme est enfermée, le non-statut auquel elle est réduite par le désir de l’Autre – parents ou mari. Ahdaf Soueif dresse un constat pessimiste de la situation de la femme : qu’elle soit célibataire, mariée ou prostituée, elle n’est qu’objet, possédée, enfermée, occupée (le sexe masculin dans son corps, le bijou du mariage sur son corps) ; elle n’a d’autre choix que se soumettre, d’autant que cette situation perdure parce que les femmes elles-mêmes s’en font les garantes. Dans ‘The Wedding of Zeina’, la préparation du corps avant le mariage est le moment où est transmis un savoir sur la femme dans lequel est inscrite la soumission attendue de la femme 1188 . Mariage imposé à une jeune fille tout juste pubère, célibat, polygamie, viol, stérilité sont abordés tour à tour. Cependant, Aisha découvre les formes de transgression qui permettent à la femme d’accéder au statut de sujet ce dont témoignent un certain nombre des nouvelles qui se présentent sous la forme de récits à la première personne. L’échappée dans l’imaginaire si elle n’est qu’illusoire, offre malgré tout un espace propre à la femme que la société voudrait réduire à son corps. Le corps souffrant, symptôme d’un sujet en souffrance, est omniprésent : souffrance imposée par/pour l’Autre, jouissance homo- ou hétérosexuelle, corps objet instrument de l’homme, corps à vendre dont la femme découvre progressivement le pouvoir sur l’homme.
A cause de ses nombreuses provocations, le recueil Aisha pourrait paraître aussi scandaleux que Antiquity Street(mais Sonia Rami ne se contente pas du corps féminin, elle franchit une limite en décrivant aussi le corps masculin, comme nous l’avons souligné), mais il semble toujours laisser triompher le point de vue masculin et, en cela, est sans aucun doute plus pervers que Antiquity Street puisque, en même temps qu’il assure l’emprise masculine, il en dévoile les mécanismes et les failles.
Voir Khemir, Sabiha. Waiting in the Future for the Past to Come. London: Quartet Books, 1993.