Ahdaf Soueif offre deux gros tomes de sagas familiales qui nécessitent, au début, la présentation d’un arbre généalogique pour permettre au lecteur de comprendre les liens et les ruptures entre les différents personnages. Les autres romans du corpus n’ont pas cette épaisseur mais rares sont ceux qui ne s’inscrivent pas dans une continuité familiale clairement établie. Plusieurs générations se côtoient : Faris Deeb se bat contre son père et ses enfants (EA DM). La problématique de la rupture, si elle renvoie à l’entre-deux, pose aussi la continuité au centre de la quête d’identité. La rupture, signe d’interruption, affirme la nécessité d’un sursaut pour renouer des fils qu’un dérèglement de la société a rendu lâches. Renouer les fils d’une continuité permet de retrouver des racines perdues. De même qu’Isabel et Amel, les cousines de The Map of Love, se réapproprient une histoire familiale incluse dans l’Histoire, les écrivains arabes d’expression anglaise redécouvrent un passé que la période coloniale aurait nié et qui était devenu objet de honte, d’infériorité. Ils s’approprient cette histoire et ce faisant y trouvent une place. En tant que sujets, ils ne subissent plus une histoire qui leur échappe mais ils la font ou du moins l’écrivent. Mais quelle histoire ces écrivains bi-culturels écrivent-ils ? A la lumière des observations que nous avons pu faire sur les manipulations inconscientes des faits politiques contemporains, il est nécessaire d’être vigilant à propos de leur relecture de l’histoire du Proche-Orient, car l’enjeu n’est rien de moins que leur relation à l’Occident
‘ En se confrontant à [l’Occident], on devrait d’abord répondre aux questions suivantes : Qui sommes-nous ? De quelle histoire sommes-nous porteurs ? 1258 ’En effet l’histoire du monde arabe et celle du monde occidental sont étroitement liées et leurs intérêts contradictoires, ce qui a conduit, dans un cas comme dans l’autre, à une amputation de l’histoire. 1259
Zabbal, François. ‘L’Occident au miroir de l’Orient.’ Qantara. 42(Hiver 2001-2002) : 28.
Zabbal, François. ibid. p.27-29.