c - Continuité.

“I will still be a link in a chain of people who lived there before time began.”
“But the others claim an older attachment.” […]
“What they claim […] is only a short period of time and only in a part of Palestine
, while we have always inhabited the land before them and after them.”
“But who are “we”?” […]
“”We” the Gebusites, the Edomites, the Canaanite [sic] , the Philistines, the Hellenized, Romanized, Arabicized natives of this land – “we” are the continuous dwellers, and this link cannot be broken by an invasion.”
(YZ BDG42-43)’

Fortement marquée dans ce rapide historique de la succession des habitants de la Palestine, la continuité de leur présence prend ses racines dans la nuit des temps pour aller au-delà du présent : I will still be…  S’il y a rupture, elle ne peut être que d’apparence. Carl Gibeily dit aussi, en rappelant la continuité historique de Jbail, que la décadence contemporaine visible ne doit pas occulter l’élan qui existe toujours en profondeur (CG BP 222).

L’Egypte éternelle, celle des Pyramides et des fellahs (AS ML 96 ; WG BSC 104), poncifs des orientalistes, est aussi une Egypte qui sait réemployer ses vestiges au lieu de les muséifier  : ’The jail is built into the wall of the old Citadel of Cairo’  (AS IES 520). Les Pyramides, lieu destiné à perpétuer la mémoire des morts, deviennent lieu de la célébration de la vie lorsque les amoureux s’y donnent des rendez-vous ou que les familles y vont pique-niquer. Ceci fait dire à bien des personnages :

Egypt has been here so long. It has seen many things. In the next millenium – it will still be Egypt. (AS ML23)’

L’intérêt de montrer la continuité dans le déroulement de l’histoire réside dans la démonstration que les crises, si elles sont des ruptures (du grec , séparer), sont surtout des étapes décisives dans une évolution 1262 (AR BK 261). Lecture optimiste ou pessimiste de l’histoire : Ameen Rihani s’interroge sur la place à accorder à une certaine étoile :

That star is either the last in the eternal darkness, or the first in the rising dawn. It is either the first or the last star of night […]. Yes, we are to-day at a terrible and glorious turning point, and it depends upon in whether that one star in the vague and dusky sky of modern life, shall be the harbinger of Jannat or Junannam. (AR BK 142)’

La responsabilité du sujet dans son histoire ou à côté de son histoire est clairement énoncée (it depends upon us).

Au début de The Lord , la journaliste se trouve dans les ruines d’un château des croisés :

We were not standing, in reality, in a village square at all; but in the centre of a Crusader castle.(SA L6)’

Elle commence par le situer dans le passé (‘its only importance as a link in the chain of beacons…’ (SA L 6). Puis elle se fie au guide (étranger) qu’elle a entre les mains :  The Guide did not mention that it was now inhabited by almost as many persons as in the eleventh century, only said ambiguously that it was “abandoned” .’(SA L 6) : elle y lit la trace vide, morte du passé : l’abandon le met au rang des momies et des fossiles oubliés dans les caves d’un musée, collection d’objets morts. Ensuite, la journaliste lit les traces visibles dans la réalité, et non plus dans le livre :  We spent several minutes in the village, asking hopelessly for a road to the castle – al qasr wehn?- before we realized we were standing within its perimeter…’ (SA L 6). Le château n’est pas un lieu mort mais un lieu où se perpétue la vie : le lieu réinterprété, adapté, abrite une nouvelle population à la fois enracinée dans son passé (la référence à la terreur dans le passé et le présent) et dans l’avenir (la journaliste est accueillie par des enfants). Cet épisode, outre qu’il montre la continuité dans l’occupation du terrain avec une reprise en main de son histoire (la terreur infligée par les croisés est désormais infligée par les victimes à leurs descendants), permet de mettre en lumière le choix d’une approche pessimiste, passéiste (des ruines abandonnées) ou optimiste, progressiste (village grouillant d’enfants) de l’histoire. Il nous appartient de savoir comment interpréter l’insistance des textes de ce corpus sur les monuments et civilisations de l’antiquité.

Notes
1262.

voir OED :  a vitally important or decisive stage in the progress of anything, a turning point.