a – Phéniciens et Pharaons.

Phéniciens et Puniques, Egyptiens des époques pharaoniques, Chaldéens, Assyriens apparaissent régulièrement dans les textes des écrivains arabes d’expression anglaise. Leur présence et celle de leur culture sont fondamentales pour l’intrigue de Blueprint for a Prophet par exemple.

L’œuvre majeure qui caractérise la civilisation phénicienne est sans conteste Baalbek avec ses temples (AR BK ; CG BP ). La première affirmation qui la concerne la place dans une perspective historique prospective : ’It is a city with a past […]. It is a city with a future.’(AR BK 14). La raison en réside dans son esprit pionnier. Les Phéniciens sont connus pour leur esprit d’entreprise sur les mers : ’the brave sea-daring Phoenicians’  (AR BK 7). Ils ont conquis des territoires au-delà des mers :

They dicovered and first navigated the Atlantic Ocean, my Phoenicians […]. In Africa, we know, they founded the colonies of Utica and Carthage. But we are told they went farther than this. And according to some historians, they rounded the Cape, they circumnavigated Africa. And according to recent discoveries made by an American archeologist, they must have discovered America too!… (AR BK 139-140)’

Leur cité phare, Baalbek, est une cité debout, verticale (‘six standing columns; dominating; they tower above […] the surrounding poplars…’(AR BK 14-15)) qui a résisté au temps, aux éléments et aux divers occupants.

Cette représentation positive des Phéniciens sert à réévaluer celle de leurs descendants contemporains. La cité moderne a perdu la majesté de l’antique cité : ’congested windings – scrub monuments – this miserable botch of a monument; little flights or frights in marble… in their little squares, in front of their little halls’  (AR BK 17). Mais l’esprit de conquête demeure. Les nouveaux Phéniciens continuent de partir à la conquête du monde. :

These are sturdy and adventurous foreigners whom the grumpy officers jostle and hustle about. […] Only the brave and daring spirits hearken to the voice of discontent within them. (AR BK 36)’

L’esprit pionnier perdure avec les émigrants – dont certains auteurs font partie. La colonisation de nouveaux territoires trouve une suite (conforme à un certain esprit du temps) dans les vastes étendues de culture de haschish (‘The great ruins of Ba’albek surrounded by fields of marijuana all the way north into Turkey(AS IES 140)).

Cette continuité est rassurante pour les sujets morcelés de ce corpus, mais plus encore peut-être l’affirmation que, malgré l’exil, l’identité est sauve : ’Baalbek was Phoenician and Punics were once Phoenicians. They left Tyre in 800 BC, but they still considered themselves Phoenicians’ (CG BP 166). Les racines sont inamovibles comme les mégalithes de Hadjar el Houbla  dont la fertilité (‘the pregnant woman’s rock’(CG BP 161)) est un signe supplémentaire d’une histoire en marche vers un avenir positif. De Baalbek, on a dit qu’elle a résisté :

How many blustering vandals have they conquered, how many savage attacks have they resisted, what wonders and what orgies have they beheld! […] [They] still hold their own against Time and the Elements. (AR BK 15)’
Fig. 28. Baalbek. (Sophie Ristelhueber.
Fig. 28. Baalbek. (Sophie Ristelhueber. Beyrouth. p. 63)

Signe de stabilité, de durée, elle trouve un équivalent au bord du Nil avec l’Egypte éternelle, Egypte ancrée dans la durée. Alors que l’Occident s’apprête à entrer dans le troisième millénaire, Isabel décide d’aller voir ce qu’en pensent les Egyptiens précisément parce que l’histoire de l’Egypte ne se compte pas en ridicules petits siècles :

We’re so young – as a country. […]
Egypt
? Why Egypt? Why not Rome? That’s an old country.
Egypt
in older. It’s like going back to the beginning. Six thousand years of recorded history. (AS ML 19)’

Les références nombreuses à l’éternité de l’Egypte, à son apparent immobilisme, soulignent sa stabilité. Alors que les Phéniciens représentent une force en mouvement, l’Egypte antique dans sa représentation hiératique signifie une stabilité rassurante. La statue désensablée est à lire dans ce sens : ’The composure, the serenity of her smile’  (AS IES 785)). Cette Egypte-là est une Egypte de l’ordre à opposer au désordre contemporain (‘things here are pretty disrupted at the moment’(AS IES 532)). L’immobilisme de surface contribue pourtant à donner au pays une certaine richesse, fruit d’un travail long et imperceptible (‘the black silt which had taken thousand of years to get to its present state of richness and fertility’(AS IES 26)).

Il existe donc plusieurs façons de construire son histoire, toutes également porteuses d’avenir. Que ces images de fertilité surgissent à des moments de trouble (la prière de la femme enceinte au plus fort d’une guerre civile plus effroyable que les précédentes, la statue de femme dans une période d’incertitude) n’est pas indifférent : elles font signe pour des sujets troublés par les aléas de l’histoire.