4 – Rupture.

La crise palestinienne se présente donc à plusieurs niveaux, comme une rupture due à l’Autre, mais aussi rupture volontaire lorsqu’elle est considérée par certains comme un nouveau départ même si le retour sur la terre perdue demeure la priorité absolue.

a – Rupture de confiance.

La crise palestinienne prend son origine dans un contrat de confiance tacite rompu par les Anglais. En ouvrant la valise de l’Arabe dans laquelle elle croit trouver des bombes, la jeune juive de The Barrel y découvre des morceaux de papier :

GIRL :  ( WITH A SMILE OF SURPRISE). What is that? Nothing! No clothes! No luggage! (PICKS UP A HANDFUL OF PAPER SCRAPS, AND STARTS THROWING THEM UP, LETTING THEM FALL BACK INTO THE CASE LIKE LARGE PIECES OF CONFETTI). Just scraps and scraps of paper. What are they?

ARAB :The bonds of my freedom. The promises given to me by your people… in Britain and America.

GIRL : (READING SOME OF THEM) : The MCMahon letters, President Wilson’s Declaration. The Mandate. Winston Churchill’s White Paper. What are they?

ARAB : All promises to protect my rights, the rights of the Palestinian Arabs…

BOY: […]Falastine lil Arab.

GIRL : Another White Paper from the British Government. So many white papers!
(KK B 17-18)’

Confetti ou feuilles vierges (on passe en effet de White Paper avec des majuscules à white papers avec des minuscules), voici à quoi sont réduites les promesses occidentales, promesses mensongères (‘I shall pay you in full/under this full moon a fortnight hence […] and shall pay with interest, right there! / when the sun shall rise from death in the west.’(RB WHT 15)) faites à des Palestiniens trop crédules. Ces promesses ne peuvent lier les deux parties, les Anglais pervertisseurs de Loi ni les Palestiniens non sujets. A l’origine même, avant même qu’elle ne fût énoncée, la promesse était biaisée, il ne s’agissait que d’un marché de dupes. La duperie est le produit d’une succession de telles promesses flouées :

You may have my house for free in Holy Jerusalem . It’s in Ass Lane. You can’t miss it. Just off the old open sewer and opposite the derelict church. The key is with the Army Headquarters. […] They won’t allow you to do anything. It’s the property of the church. […] There’s nobody to negotiate with. It’s a derelict church. Some Christian Sect which had some ten schisms and eight reunifications before they turned to the worship of Satan and disappeared with him a thousand years ago.(KK B 25-26)’

Les maîtres du jeu disparaissent les uns après les autres, par un glissement déjà souligné qui fait s’évaporer les responsables et se diluer la responsabilité.

Autour d’une table de Lebanon Paradise, une discussion animée porte sur la chute de Haïfa (EA LP 26-30) : les personnages tentent de démêler la vérité du mensonge, de la propagande et de la rumeur. Une question est posée à la journaliste anglaise Jennie Haydon : ’Do people in England know the truth about Palestine?’  (EA LP 27). Pour celui qui la pose, l’enjeu est une rupture définitive avec l’Angleterre :

Everybody here now hates the British. It is not good for England. […] I have always been a friend of the English. England needs the friendship of the Arabs. (EA LP 27)’

La question ne porte pas tant sur le sort des Palestiniens chassés par les mensonges des Anglais, que sur la crédibilité que l’on pourra, à l’avenir, accorder à ces derniers. Déchiré entre ses allégeances, l’écrivain bi-culturel ne peut accepter de voir les Anglais décrédibilisés puisqu’il se recommande d’eux : si leur garantie n’était plus reconnue, sa parole perdrait tout crédit. Rétablir la vérité pour rétablir les conditions d’une confiance retrouvée, tel est le but qu’il se propose.