d – Intifada.

 Intifada : A wet, wounded bird who shook his wings. (YZ BDG131)

Avec l’intifada, on sent un nouveau souffle dans la lutte pour la libération (YZ BDG152) et on découvre une nouvelle visibilité. Sorties des ruines des maisons détruites (JIJ HNS 9; SA L ), les pierres trouvent une nouvelle fonction. La terre abandonnée par les exilés redevient fertile, arrosée du sang des martyrs (‘blood shall run in the veins of the earth’ (RB WHT 1)). Les déracinésrecouvrent une identité. Chez Hanan Mikha’il, les combattants ont un nom (HM 141-143).

La vision plutôt pessimiste des premiers textes se transforme progressivement. Le pessimisme et la violence de plus en plus brutale et meurtrière demeurent mais à mesure que les textes s’écrivent à l’encre qui ne sèche pas (wet) avec les plumes de l’oiseau de l’intifada, on perçoit une évolution. Musa Canaan, celui qui reste sur le seuil est remplacé par Rayya, celle qui combat du cœur de Jérusalem.

‘A city of dreams, looming beyond a valley of death’ (JIJ HNS12): la vallée de la mort, illustrée par la défaite, l’exil, l’errance, le morcellement, n’est pas un lieu définitf :‘we shall resurrect!’ (EAd B39) proclame Etel Adnan du fond de l’horreur de Sabra et Chatila. L’histoire, longuement explorée par les textes, montre que les civilisations ne meurent pas (JIJ HNS), que l’exil même prolongé ne modifie pas l’identité (CG BP ) , que bien des périodes de sommeil ont été suivies de renaissance (YZ BDG ). En puisant au plus profond des mythologies orientales, les auteurs donnent une vision positive de l’avenir de la Palestine, avec Tammuz et sa résurrection cyclique (YZ BDG ) ou avec le combat fratricide de Seth et d’Osiris d’où Osiris, dépecé, sort pourtant vainqueur et peut donner naissance à Horus (YAH. I ; AS ML ). Des corps mutilés, malades (EA LP) retrouvent la santé : Anwar Barradi en retrouvant la parole accède à une parole propre (ce n’est plus la tradition qui parle par sa bouche). André, malgré sa paralysie, pourra donner la vie (EA LP).

De cette terre de Palestine meurtrie, sort la vie. On a dit comment les paysages étaient animés, cultivés. La terre mère (YZ BDG58), la terre femme (HM 141) conserve son potentiel de fertilité. Dans notre corpus, la femme joue un rôle déterminant, en se libérant du joug familial, conjugal; en allant à l’encontre de la tradition qui l’enferme, en devenant de plus en plus visible, la femme devient un facteur essentiel de la vitalité de la société. Force de changement et d’ouverture, elle refuse la fatalité et l’immobilisme auxquels elle semble vouée. Qu’une Fareeda Barradi ou une Rayya symbolisent la nouvelle Palestine ne surprend pas. L’image qu’utilise Yasmin Zahran pour définir l’intifada ressemble étrangement à celle de Nahdet Masr  (AS ML 297) en train d’ôter son voile. Le prénom de plusieurs de ces femmes, Amal (l’espoir), Isabel (Isis, la racommodeuse de vie), se situe dans cette dynamique d’espoir, de recherche d’une paix qui ne serait pas aussi chirurgicale que le sont, prétend-on, certaines guerres (RB WHT 27) : The Map of Love vient comme une réponse à toutes les cartes découpées qui ont causé tant de blessures. Amal et Isabel, les deux représentantes d’une famille séparée, l’Orientale et l’Occidentale, recousent ensemble la tapisserie comme Isis jadis reconstituait le corps d’Osiris, afin que triomphe la vie. Le combattant d’Hanan Mikha’il proclame, en parlant de sa terre meurtrie : She lives. (HM 141).

La Palestine serait-elle la métaphore la plus apte à dire la réalité des écrivains arabes d’expression anglaise? Entre leur Orient d’origine et les Occidents – l’Occident en Occident et l’Occident en Orient (ici, l’état d’Israel) - ils sont écartelés; ballottés par des rêves, des promesses, des illusions, des mensonges, perdus sans repères, ils cherchent une identité qui sans cesse les fuit. Dans l’entre-deux du cosmopolitisme, comme les Palestiniens dans les camps, ils trouvent un point d’ancrage mobile, un point d’où parler, d’où écrire. L’entre-deux cosmopolite qu’ils occupent, à la fois positif et négatif puisqu’il est mobile, donc instable, cristallise leur manque à être, la béance autour de laquelle ils cherchent à se construire. L’errance devient leur mode de vie et leur mode d’écrire – de texte en texte, de genre en genre, d’écriture en réécriture - ils cherchent à dire leur identité, à se faire connaître par les autres dans leur altérité fondamentale.