II-1. La nouvelle comme jeu avec la tradition romantique

Parler de l’influence de Tieck sur le romantisme relève d’un truisme : en effet, grand ami des écrivains romantiques les plus célèbres, ainsi de Wackenroder, de Novalis, ou des frères Schlegel, Ludwig Tieck a lui-même composé plusieurs œuvres emblématiques de ce mouvement. Parler de l’impact du romantisme sur les œuvres de maturité de Tieck relève également d’une évidence : la plupart des critiques qui se penchent sur ses nouvelles de maturité, les abordent comme des épigones du romantisme. Même si cette approche est réductrice – nous verrons, en effet, plus loin que d’autres traditions jouent un rôle influent auprès de Tieck -, quelques titres de travaux sont significatifs de cette interprétation, notamment l’article d’Ingrid Österle (1995) et l’ouvrage de Beate Mühl (1983) qui reprennent les notions de « romantisme tardif » et de « tradition romantique ». 311 Néanmoins, leur perspective est rarement intertextuelle : s’il est beaucoup question de reprise de thèmes typiquement romantiques dans les nouvelles de maturité, les critiques qui s’aventurent à évoquer un hypotexte romantique précis comme source d’inspiration d’une nouvelle de Tieck font exception. Seule l’ultime nouvelle intitulée Solitude de la forêt (1841), dont le titre invite tout germaniste à un rapprochement avec un conte de jeunesse de l’auteur, est parfois abordée dans cette perspective. 312 La rareté de ce phénomène étonne, d’autant que l’on connaît la passion et l’extraordinaire culture livresque de notre auteur. Or précisément, une approche intertextuelle est féconde, ainsi que les pages qui suivent vont tenter de le montrer. En effet, il nous semble que de nombreuses nouvelles évoquent des œuvres précises de la littérature romantique.

Nous mettrons ainsi d’abord en lumière le rôle des contes des frères Grimm dans la création des nouvelles de Tieck, puis celui d’une nouvelle d’ E.T.A. Hoffmann, et également celui d’un « Schicksalsdrama » de Zacharias Werner. Enfin, nous conclurons cette partie traitant du jeu avec la tradition romantique sur l’étude de la nouvelle Solitude de la forêt précédemment nommée, dans une perspective intratextuelle, id est qui souligne le dialogue entre deux textes du même auteur.

Notes
311.

Songeons aussi à la thèse de Jörg Hienger (1955) intitulée Romantik und Realismus im Spätwerk Ludwig Tiecks, et à un autre article d’Ingrid Österle (1983) paru dans un recueil se consacrant aux Romane und Erzählungen zwischen Romantik und Realismus.

312.

Ernst Ribbat, 1978, pp. 216-218.