Dans notre première grande partie consacrée au jeu architextuel avec les genres théoriques, nous avons souligné l’importance du conte populaire dans l’écriture des nouvelles de Tieck. Outre sa présence dans Les Peintures et dans six autres nouvelles évoquées alors brièvement en guise de complément, le conte se manifeste dans près de trente autres nouvelles, ainsi que nous l’avons sommairement exposé dans les annexes proposées à l’issue de notre travail. En somme, plus de trois nouvelles sur quatre rappellent la dynamique fondamentale du conte, certains de ses personnages et motifs. Il serait ainsi fort étonnant de ne pas retrouver des traces précises de contes bien déterminés dans quelques-unes des nouvelles de Tieck.
En fait, plusieurs nouvelles de Tieck évoquent des contes célèbres des frères Grimm (1812-1815). Pour citer quelques exemples, on pourrait relativement aisément rapprocher Les Peintures (1822)de Jean le fidèle, conte où le motif du portrait de l’être aimé a une importance capitale, 313 ou encore comparer Veillée de Noël (1835) à La pluie d’or, où les thalers mettent un terme au dénuement absolu de l’héroïne, et confronter Joies et Souffrances musicales (1824)à Cendrillon. 314 Nous invitons à se reporter aux annexes dans le cas des deux dernières nouvelles évoquées.
À titre d’exemple, nous souhaitons ici nous consacrer à L’Érudit (1828), une nouvelle déjà évoquée au terme de notre développement sur le conte populaire, et que nous pouvons lire, à l’instar de Joies et Souffrances musicales, comme une réécriture de Cendrillon. 315 Mettons en parallèle ces deux œuvres, en décrivant tout d’abord les emprunts effectués de l’une à l’autre, avant d’établir la dimension ludique de ces emprunts. Nous ne revenons évidemment pas sur l’argument de L’Érudit qui figure déjà dans notre travail.
La première scène de la nouvelle de Tieck évoque beaucoup le début du conte de Grimm : Eduard croit contempler un magnifique portrait, alors qu’il s’agit de Sophie dans l’encadrement d’une fenêtre, jeune fille dont il s’éprend, et d’une façon analogue, le prince chez Grimm tombe amoureux de la princesse en apercevant son portrait.
Comme le prince du conte de Grimm, le comte de la nouvelle de Tieck rencontre trois fois sa bien-aimée sans en connaître l’identité.
Rappelons les titres allemands : Der Gelehrte, Aschenputtel.