Ainsi que de nombreuses remarques ont été faites précédemment dans notre travail, l’intégration du conte populaire présentait un aspect fondamentalement étranger à cet architexte : l’absence de merveilleux. Il en va de même dans la reprise par Tieck du conte de Grimm : Helena ne reçoit plus l’aide magique de tourterelles douées de parole, mais son destinbienvaillant naît du hasard, d’un heureux concours de circonstances. D’autres éléments, comme la transformation du prince en vieux célibataire, le recours à un intermédiaire en la personne du docteur, ou le mariage annexe de la servante et du valet ont déjà été soulignés : tous donnent au récit de Tieck une coloration à la fois plus prosaïque et plus comique. De la même façon, l’isolement d’Helena au sein de sa famille n’a pas la tonalité dramatique de celle du conte original : en effet, la jeune fille apprécie de rester à l’écart de la vie tumultueuse de ses sœurs, car elle privilégie les joies de la lecture et de l’imagination, ce qui la rapproche de l’érudit, son prince charmant. Et nous pouvons aussi ajouter que le fil narratif noué autour du personnage du jeune maître d’école du nom de Werner, problématique totalement étrangère au conte original de Cendrillon, met en exergue l’imbrication du conte de Grimm avec la réalité socio-professionnelle de l’univers de Tieck, et ce faisant, la distanciation qu’opère le narrateur à l’égard de l’hypotexte merveilleux.
Dans L’Érudit, Tieck se rémémore un conte célèbre des frères Grimm et joue avec cet hypotexte, à la fois avec précision et avec liberté. 318 Nous sommes bien en présence d’un rapport intertextuel de jeu avec les genres conçu comme tradition littéraire.
C’est d’ailleurs notamment l’édition de 1825 (Kleine Ausgabe)qui a assuré la gloire des contes de Grimm, id est deux ans avant la parution de notre nouvelle.