II-1.5. Conclusion partielle

À l’issue de cette étude traitant de la nouvelle comme jeu avec la tradition romantique, nous pouvons affirmer que ce phénomène intertextuel est bien présent. En effet, à travers l’étude exhaustive de quatre nouvelles, et les allusions à d’autres, nous voyons à quel point les nouvelles de Tieck jouent véritablement avec toute la tradition romantique, quand bien même celle-ci s’exprime dans des genres aussi divers que le conte, la nouvelle, le « Schicksalsdrama » et le poème.

Certes, ce constat n’étonne guère étant donné l’ascendance littéraire de Tieck. Néanmoins, il semble opportun de le mentionner afin de donner plus de poids encore aux critiques de Tieck qui s’élèvent contre la tentation récurrente de dissocier son œuvre de maturité de son œuvre de jeunesse. Nos études ont bien montré à quel point les nouvelles de Dresde s’inspirent d’une façon créatrice d’œuvres antérieures de la période romantique. 401

Concernant la nature même de ce jeu avec les genres romantiques, nous sommes à présent en mesure d’en relever deux aspects fondamentaux et contradictoires : il s’agit de l’empathie et de la distanciation. La première témoigne des connaissances littéraires approfondies de Tieck, et de son talent à réactualiser des motifs préexistants. La seconde marque sa personnalité même, souvent tentée par les contrastes. En fait, Tieck porte un regard espiègle sur le merveilleux de Grimm, sur le démonisme d’Hoffmann ou sur la croyance en la fatalité qu’incarne Z. Werner. Il esquisse également un sourire amusé face à la naïveté du conte, aux « grimaces » de la nouvelle romantique et aux supplications du « Schicksalsdrama ». Ce double mouvement d’auto-contemplation et d’auto-dérision mis en lumière dans l’étude de sa dernière nouvelle Solitude de la Forêt nous paraît tout à fait emblématique de son rapport ludique avec tous les genres de la tradition romantique. Dans ses nouvelles, Tieck les contemple avec un peu de nostalgie, mais sans jamais se départir d’une certaine ironie.

Le jeu avec la tradition romantique n’épuise cependant pas toutes les possibilités du jeu intertextuel avec les genres. En effet, la tradition contemporaine des années de Dresde joue également un rôle très important dans la création de ses nouvelles, ainsi que nous allons maintenant l’exposer.

Notes
401.

L’ouvrage de Rudolf Lieske (1933), qui interprète les nouvelles de la maturité comme une transition entre le romantisme et le réalisme, ne souligne pas assez, selon nous, cette dimension ludique.