III-4. Conclusion

Au terme de ces réflexions sur le contexte esthétique et éditorial dans lequel les nouvelles de Tieck ont vu le jour, et à l’issue de cette analyse détaillée de L’Épouvantail, le phénomène de jeu avec les genres prend tout son sens.

On observe, en effet, que plusieurs conditions favorables à une telle pratique de la littérature se sont réunies lors de la création des nouvelles de Tieck. La tradition romantique avait, tôt déjà, soutenu Tieck dans son approche très libre et personnelle des genres littéraires. Et pour le nouvelliste, la virtuosité formelle qui accompagne la fin de la « Kunstperiode », a constitué ensuite comme une nouvelle incitation à enrichir ses textes d’autres dimensions génériques. De fait, ses réflexions théoriques sur la nouvelle mettent bien en avant son caractère fondamentalement pluriel, qui mêle notamment genres narratifs et dramatiques. Assurément, cette pratique ludique de l’objet littéraire répondait, ainsi que nous l’avons sans cesse souligné, à une nécessité intérieure, à un désir profond de Tieck. La passion livresque de cet auteur, ses diverses manifestations dans la vie sociale et littéraire de l’Allemagne de l’époque, montrent bien la constance de l’intérêt de Tieck pour la littérature, ainsi que son impressionnante ouverture d’esprit, puisqu’il s’est consacré à des sujets aussi divers et variés que le théâtre élisabéthain et les nouvelles d’E.T.A. Hoffmann, entre autres.

Dans cette approche, L’Épouvantail apparaît comme la consécration de ce jeu avec les genres tel que Tieck l’a déployé dans ses nouvelles de la maturité. Œuvre résolument hybride, qui s’inpire de modèles eux-mêmes difficiles à classer dans la typologie classique des genres littéraires, elle est comme la somme esthétique de sa tentative sans cesse réitérée de jouer avec des formes littéraires. Dans cette nouvelle, les mythes, si importants soient-ils, sont rigoureusement remodelés dans des optiques génériques très diverses : la tradition mythologique revêt les atours du conte et de la comédie, des formes littéraires qui s’entremêlent alors à loisir dans la nouvelle de Tieck. L’Épouvantail peut véritablement être lu comme la forme aboutie du jeu avec les genres dans ses nouvelles de la maturité.