Rapprochements détaillés entre ces nouvelles et le conte populaire

Dynamique générale (partie 1/3)

1.Die Reisenden / Les Voyageurs :

• situation de « manque » pour le héros principal (le jeune Wolfsberg) sur le plan social, amoureux et intellectuel : confondu avec un comte du nom de Birken, le héros est interné, contre sa volonté et en dépit de ses protestations, dans un établissement psychiatrique.
• « volonté d’y remédier » (tentatives de fuite inabouties).
• héros « récompensé » : Wolfsberg est délivré, son oncle (baron d’Eberhard) donne enfin son accord à son mariage avec Franziska. Ce mariage s’accompagne de celui du comte Birken avec la fille d’un prêtre, de celui de Raimund (ami de Wolfsberg à l’asile) et Blanka, et enfin de celui du fils naturel de l’oncle de Raimund et d’une baronne. Ici encore, nous trouvons donc une extrême redondance de la chute narrative classique du conte, qui conforte notre hypothèse d’un recours conscient et parodique à ce genre.

2.Die Verlobung / Les Fiançailles :

• situation de « manque » pour l’héroïne principale (la jeune Dorothea) sur le plan social (problèmes financiers de sa famille depuis la mort de son père), amoureux (un baron von Wallen veut la contraindre au mariage) et moral (généreuse, elle vit entourée d’une famille de faux dévots).
• « volonté d’y remédier » (fuite dans une maison hostile à sa famille, mais respectueuse de son défunt père).
• héroïne « récompensée » : épouse un ancien ami de son père, tandis que sa mère épouse l’abhorré baron von Wallen.

Une redondance de mariages (deux autres viennent encore s’y ajouter.) met un point d’orgue au bonheur de l’héroïne.⁶⁵⁹ Le titre de la nouvelle invite d’ailleurs lui-même au rapprochement avec le conte.

3.Musikalische Leiden und Freuden / Soufffrances et Joies musicales :

• situation de « manque » pour le héros principal (un jeune comte), sur le plan musical et amoureux (il est éperdument épris d’une jeune chanteuse inconnue).
• « volonté d’y remédier » (abandon de sa charge de diplomate, voyages entrepris afin de la retrouver).
• héros « récompensé » : la nouvelle s’achève sur leurs retrouvailles, leur mariage et la promesse d’un bonheur sans nuages.

4.Pietro von Abano. Eine Zaubergeschichte / Petro d’Abano ou Petrus Apone. Histoire d’ensorcellement :

• situation de « manque » amoureux pour le héros principal (un jeune florentin Antonio Cavaleanti) : allant à la rencontre de sa promise Crescentia, il découvre, désespéré, qu’elle gît dans un cercueil d’une procession mortuaire.
• « volonté d’y remédier » : Antonio devient l’élève du grand sorcier Pietro d’Abano qui maintient le spectre de la belle Crescentia enfermé dans sa demeure. Profitant de l’absence du maître, Antonio découvre Crescentia et l’aide à trouver la paix de son âme. Abano s’enfuit.
• héros « récompensé » : Antonio apprend des parents de Crescentia qu’elle avait une sœur jumelle, enlevée, encore enfant, par des brigands. Antonio la retrouve, captive de la sorcière Pankrazia, et l’épouse. Abano trouve la mort dans l’affrontement qui l’oppose à Antonio.

Ici, la « tension » symétrique du conte est d’autant plus sensible que les forces de l’Amour (Antonio-les deux Crescentia) s’opposent ostensiblement à des forces démoniques (Abano-Pankrazia), ce que nous soulignerons plus avant dans l’étude de la typologie des personnages de cette nouvelle. À l’évidence, on peut nuancer cette interprétation purement empathique, et parler de jeu avec l’architexte conte.

5.Der fünfzehnte November / Le Quinze novembre :

• situation de « manque » pour le héros principal, le jeune Fritzwilhelm, fils d’un riche hollandais van der Winden, sur le plan intellectuel (il a subitement perdu la raison le jour de son dixième anniversaire, un quinze novembre) et amoureux (il vit auprès de la pupille de son père, Elisabeth, qui refuse tout prétendant).
• « volonté d’y remédier » : douze ans plus tard, Fritzwilhelm construit fébrilement un bateau à la stupéfaction de son entourage. Le quinze novembre, une tempête fait monter les eaux : grâce à son bateau, Fritzwilhelm sauve sa famille et plusieurs malheureux de la noyade.
• héros « récompensé » : le héros recouvre subitement la raison, il épouse Elisabeth.

6.Das Fest zu Kenelworth. Prolog zum Dichterleben / La Fête de Kenelworth. Prologue à La Fête de Kenelworth :

• situation de « manque » pour le très jeune Wilhelm Shakespeare sur le plan existentiel et poétique : son père, homme pessimiste et désabusé, refuse qu’il assiste à la Fête de Kenelworth donnée par Lord Leicester en l’honneur de la reine Elisabeth.
• « volonté d’y remédier » : sans que son père le sache, un cousin emmène l’enfant à Kenelworth pour qu’il assiste aux festivités. Une fois arrivé, William s’empresse de lui fausser compagnie pour vagabonder là où sa curiosité insatiable le porte.
• héros « récompensé » : Wilhelm / William rencontre par hasard, en chair et en os, l’un des poètes qu’il admire, Gascoign, et interprète avec lui un poème devant la reine. La reine le décore et consent à ce qu’il assiste aux représentations théâtrales suivantes en compagnie de celle qu’il désigne de manière (encore) abusive comme son « épouse », sa cousine. A son retour, son père le félicite et lui promet un brillant avenir.

7.Der Alte vom Berge / Le Vieillard de la montagne :

• situation de « manque » amoureux et social pour le héros principal, le jeune Eduard, inspecteur des comptes du vieux et richissime Balthasar. En effet, Balthasar, bien qu’attaché à Eduard, préfèrerait marier sa fille Rose à Eliesar, l’inspecteur en chef de ses ateliers de tissage, rival de notre héros.
• « volonté d’y remédier » : Eduard prend des mesures pour mettre fin aux vols qui ont lieu régulièrement dans l’usine de Balthasar, et menace de démissionner, si Balthasar maintient l’union de Rose et Eliesar.
• héros « récompensé » : tous découvrent qu’Eliesar était l’auteur des vols, Balthasar meurt, Eduard reprend la direction de ses affaires et épouse Rose.

8.Das Zauberschloss / Le Château hanté :

• situation de « manque » amoureux pour les deux jeunes héros, Luise, fille d’un conseiller royal, et Karl von Wildenstein, fils de général, puisque le père de Luise, nourrissant une vieille rancune à l’égard du père de Karl, refuse d’accorder sa bénédiction à son amour et nourrit même d’autres projets de mariage pour sa fille.
• « volonté d’y remédier » : le palefrenier de Karl effraie les chevaux de la calèche censée ramener la jeune fiancée dans la demeure parentale, une tempête ayant retardé l’arrivée du fiancé officiel. Les chevaux, dont l’ancien maître n’est autre que Karl, s’emballent et reviennent naturellement chez le héros, réunissant ainsi Luise et Karl.
• héros « récompensé » : Karl et Luise s’unissent devant le père de Karl et un prêtre inopinément présent le soir de l’aventure. Tout heureux de revoir sa fille vivante, le père de Luise accorde enfin sa bénédiction.

9.Die Wundersüchtigen / Sujets au Surnaturel  :

• situation de « manque » amoureux pour la jeune héroïne Clara qui voit son futur fiancé Schmeling s’éloigner d’elle, comme happé par une société secrète dirigée par Sangerheim.
• « volonté d’y remédier » : Clara est l’une des seules personnalités de la ville à ne pas sombrer dans le délire des sociétés secrètes, elle attend patiemment que son fiancé retrouve ses esprits.
• héroïne « récompensée » : Sangerheim est discrédité par le maître d’une autre société secrète, et celui-là même se discrédite auprès de Schmeling dans un moment d’ivresse. Schmeling revient donc auprès de sa promise. Leur mariage se double de celui qui intervient douze ans plus tard, d’Anderson, ancien ami de Clara, sorte de fils prodigue qui dit plus tard certes, mais définitivement aussi adieu aux folies des sociétés secrètes.

10.Der wiederkehrende griechische Kaiser / Le Retour de l’Empereur grec :

• situation de « manque » amoureux et social pour le jeune héros Ferdinand, épris de la jeune comtesse des Flandres Johanna : ses origines inconnues ne peuvent lui permettre de prétendre à sa main.
• « volonté d’y remédier » : Johanna devient la captive du comte Hugo qui prétend au trône, mais Ferdinand s’échappe et parvient à gagner la France pour demander l’arbitrage du roi.
• héros « récompensé » : le roi reconnaît en Ferdinand un enfant de sang royal, Ferdinand épouse Johanna, ils règnent tous deux sur les Flandres.

11.Der Jahrmarkt / La Foire :

• situation de « manque » social et amoureux pour la jeune héroïne Rosine, fille d’un pasteur, amoureuse et aimé de Fritz, fils d’un haut fonctionnaire.
• « volonté d’y remédier » : lors de la foire qui réunit leurs familles, Rosine et Fritz leur font faux bond dans l’espoir d’être uni par le superintendant de la ville, mais celui-ci se dérobe.
• héroïne « récompensée » : le père de Rosine gagne quinze mille talers à la loterie, le mariage des deux jeunes gens est décidé.

12.Der Mondsüchtige / L’Adorateur de la Lune :

• situation de « manque » sur le plan amoureux et littéraire pour le jeune Ludwig Licht : épris d’Emilie, rencontrée une nuit de pleine lune en forêt, elle aussi passionnée de poésie goethéenne, il se désespère d’avoir perdu sa trace dans ce monde si différent.
• « volonté d’y remédier » : il voyage à sa recherche.
• héros « récompensé » : il retrouve Emilie un soir de pleine lune, ils s’étreignent et s’apprêtent à célébrer leur mariage.

13.Eine Sommerreise / Un Voyage estival :

• situation de « manque » pour un couple d’amoureux, dont l’héroïne est promise à un tiers.
• « volonté d’y remédier » : : les tourtereaux prennent la fuite.
• couple « récompensé » : ils se marient et mettent la tierce personne devant le fait accompli.

14.Tod des Dichters / La Mort du Poète :

• situation de « manque » idéologique et social pour le jeune poète portugais Luis de Camoens, amoureux et aimé de la jeune comtesse Catharina, elle-même promise par son père au riche Rodrigo.
• « volonté d’y remédier » : Camoens provoque Rodrigo en duel (mais est chassé du pays, devient soldat, etc... tandis que Catharina est contrainte d’épouser Rodrigo).
• couple « récompensé » : revenu au crépuscule de sa vie au Portugal, il meurt dans les bras de Catharina, toujours éprise de lui et qui le rejoint dans la mort peu de temps après.

15.Das alte Buch und die Reise in's Blaue hinein. Eine Märchen-Novelle / Le vieux Livre et le Voyage dans le Bleu. Nouvelle-conte :

• situation de « manque » existentiel, poétique et amoureux pour le jeune Athelstan dans son village.
• « volonté d’y remédier » : Athelstan prend la fuite, gagne montagnes et forêts.
• héros « récompensé » : Il rencontre la Reine des fées Gloriana qui le prend pour époux, ensemble ils règnent tels Oberon et Titania. Ce récit est enchâssé dans un cadre narratif lui aussi associé au motif du mariage. Redondance minutieuse de la chute narrative de conte.

16.Der Wassermensch / L’Homme-poisson : se reporter à La Cloche d’Aragon avec laquelle il fait un tout.

17.Weihnacht-Abend / Veillée de Noël :

• le « manque » réside dans l’indigence extrême dans laquelle sont réduites à vivre une mère et sa petite fille.
• là aussi se manifeste « la volonté d’y remédier » : l’acharnement maternel au travail qui aboutit symboliquement au don d’un thaler à son enfant pour Noël.
• le « nouveau bonheur » voit le jour grâce à leurs retrouvailles avec un fils devenu riche marchand (dans le rôle de l’auxiliaire).

18.Der junge Tischlermeister. Novelle in sieben Abschnitten / Le jeune Menuisier. Nouvelle en sept épisodes :

• situation de « manque » amoureux et culturel pour le héros, le menuisier Leonhard, (certes) jeune marié, mais sans passion ni conviction.
• « volonté d’y remédier » : Leonhard s’empresse d’accepter l’invitation de son ami d’enfance, Elsheim, d’origine noble, à séjourner dans l’un de ses châteaux. Ils réalisent entre autres un rêve d’enfance, devenir acteur de théâtre.
• héros « récompensé » : Leonhard regagne heureux l’étreinte de sa jeune épouse, et leur union porte cette fois-ci concrètement et symboliquement ses fruits.

Ce parcours de Leonhard trouve son équivalent dans celui de son ami Elsheim qui ne souhaite tout d’abord pas épouser celle que l’on lui réserve, mais qui, après ce long séjour au château, prend conscience de l’authenticité de cette union et devient le mari le plus heureux qui soit. Nouvelle récurrence typique de mariages...

19.Wunderlichkeiten / Des Choses étranges :

• situation de « manque » pour le jeune Eduard Winter, mi-peintre, mi-portier du palais, sur le plan social, idéologique et surtout amoureux : la mère de Friedrike, riche bourgeoise qui collectionne les peintures, lui refuse la main de sa fille.
• « volonté d’y remédier » : il ne désespère pas, et guérit, sans vraiment le vouloir, sa future belle-mère de sa soif de peintures puisqu’on découvre que ses prétendus originaux sont faux.
• héros « récompensé » : devenu maître d’école dans un village, il épouse Friederike. Son mariage se double de trois autres, concernant d’autres couples périphériques à l’action.

20.Die Klausenburg. Eine Gespenstergeschichte / Le Château du Klausenburg. Une histoire de fantômes :

• situation de « manque » pour le jeune comte Theodor peu fortuné et qui, à ce titre, ne peut épouser sa bien-aimée Hannchen, elle aussi d’humble condition.
• « volonté d’y remédier » : sur l’ordre d’une riche rivale Sidonie, il se rend courageusement sur les ruines du château de ses ancêtres, malgré les rumeurs selon lesquelles elles seraient hantées.
• héros « récompensé » : arpentant des salles qui lui semblent être non des ruines, mais de magnifiques lieux (rappelant alors la vision du « Runenberg » par Christian, dans le célèbre conte tieckien.), il y trouve des documents qui lui apportent richesse et bonheur, puisqu’il est désormais en mesure d’épouser Hannchen. Sidonie épouse le baron Anselm.

21.Des Lebens Überfluß / Les Choses superflues de la Vie :

• situation de « manque » pour deux jeunes tourtereaux (Clara, fille d’un riche et noble diplomate et Heinrich, secrétaire d’un corps diplomatique) plongés dans la misère après avoir échappé aux poursuites d’un père opposé à leur union.
• « volonté d’y remédier » : ils tentent de survivre, se nourrissant avec parcimonie du pain amené par l’ancienne nourrice de Clara et brûlant petit à petit l’escalier de bois de leur appartement pour se prévenir du froid glacial de l’hiver.
• héros « récompensés » : un ancien ami d’Heinrich (dans le rôle de l’auxiliaire) les retrouve, promesse de richesse et d’harmonie (la réconciliation avec le père de Clara est entrevue).⁶⁶⁰

22.Liebeswerben / Le Soupirant :

• situation de « manque » amoureux pour le jeune, corpulent et naïf nouveau riche Wallross subitemment épris d’une grande beauté.
• « volonté d’y remédier » : deux étudiants lui font croire qu’il s’agit d’une orpheline jalousement gardée par deux frères tyranniques dans leur château. Ils se proposent de lui transmettre de la part de Wallross les présents qu’il souhaite lui faire parvenir en gage de son amour.
• héros « récompensé » : La belle s’avère l’épouse du conseiller des Affaires intérieures. Wallross épouse... la fille du maire.

Nous trouvons ici la dynamique classique du conte : coup de foudre, épreuves, mariage. Mais assurément, la voici reprise ici sur un mode particulièrement parodique, puisqu’elle est instrumentalisée par deux drôles qui ne songent qu’à s’enrichir sur la naïveté désolante de Wallross (dont le seul physique d’anti-prince charmant doit suffire pour avertir le lecteur de la duperie.)... et que finalement, l’épousée n’est pas celle qui fut courtisée.

Le mariage final de Wallross par ailleurs se double, d’une façon devenue caractéristique pour nous, de celui de l’un des étudiants.

23.Der Schutzgeist / L’Ange-gardien :

• situation de « manque » métaphysique pour une vieille comtesse qui souhaite revoir avant sa mort la cathédrale de Strasbourg pour se rapprocher de l’esprit du mystique Tauler.
• « volonté d’y remédier » : elle se rend à Strasbourg malgré les importantes difficultés physiques rencontrées.
• héroïne « récompensée » : sur sa route, elle rencontre par hasard son fils pris aux mains de brigands sans vergogne, et ses gens lui sauvent la vie. Elle-même meurt, l’âme en paix, ayant réalisé son rêve, dans la cathédrale de Strasbourg.

24.Die Glocke von Aragon / La Cloche d’Aragon

• situation de « manque » amoureux pour le jeune conseiller Essling : la jeune et jolie Lucilie von Wedel semble promise au jeune Florheim.
• « volonté d’y remédier » : par sa présence aimable, son esprit tolérant et ses qualités de conteur, Essling conquiert Lucilie, au contraire de Florheim qui, par son tempérament emporté et ses jugement excessifs, s’attire sa défaveur.
• héros « récompensé» : Lucilie laisse entrevoir à Essling un avenir commun (à la fin du Verseau), leur mariage est présenté comme effectivement consommé au début de La Cloche d’Aragon qui se présente comme la suite de la première nouvelle. A la fin de La Cloche d’Aragon, Florheim reconnaît ses erreurs, sorte de consentement tardif à l’union de Lucilie et Essling.

25.Waldeinsamkeit / Solitude de la Forêt :

• situation de « manque » amoureux pour le jeune Eduard épris de Sidonie, jeune fille très courtisée qui se moque de son penchant à la solitude... Eduard est enfermé, contre sa volonté, dans une maison isolée au beau milieu de la forêt, par un rival, Helmfried.
• « volonté d’y remédier » : Eduard tente de s’échapper, il y parvient enfin, guéri entre-temps de sa nostalgie pour la forêt.
• héros « récompensé » : dans son errance, il arrive par hasard au château qui s’apprête à fêter les fiançailles de Sidonie et Helmfried. Le fiancé prend la fuite, ainsi que les complices qui voulaient maintenir Eduard captif jusqu’au mariage de Sidonie. Eduard et Sidonie fêtent alors leurs propres fiançailles.

Enfin, évoquons brièvement les rapprochements possibles de deux nouvelles avec les « contes tragiques » et/ou « anti-contes »,⁶⁶¹ qui présentent une dynamique inverse à celle du conte classique, id est que la situation initiale est non pas marquée par un « manque », mais par l’abondance, tandis que l’issue n’apporte pas de « récompense » au héros, mais bien plutôt la souffrance, voire la mort.

26.Der Hexensabbath / Le Sabbat des Sorcières :

• situation d’abondance : l’héroïne Catharina vit paisiblement entourée de ses amis, parmi lesquels comptent notamment le jeune noble Friedrich et le vieux poète Labitte.
• mise à l’épreuve : le passé obscur de Catharina refait surface, manipulé par de sombres et avides personnages influents.
• souffrance et mort de l’héroïne (arrêtée par les autorités, torturée, puis brûlée vive) et de l’un de ses auxiliaires (mort de Labitte sur le bûcher). Le second auxiliaire (Friedrich) parvient tant bien que mal à sauver sa vie, mais au prix de beaucoup de souffrances...

27.Eigensinn und Laune / Caprices et Lubies :

• situation d’abondance : la très jolie Emmeline, fille d’un riche banquier, s’attire quantité de soupirants.
• mise à l’épreuve : elle s’acharne à repousser l’idée du mariage, s’amourache d’un cocher, tombe enceinte d’un autre, doit en épouser un troisième pour faire taire le scandale, etc...
• souffrance et mort de l’héroïne : des années plus tard, le lecteur la retrouve gérante de bordel. Elle meurt peu de temps après avoir revu l’un des plus fidèles soupirants de sa jeunesse1.

Ce rapprochement nous semble d’autant plus significatif que les deux plus célèbres contes du jeune Tieck, Eckbert Le Blond et La Montagne aux Runes, relèvent précisément de « contes tragiques », leurs héros sombrant au mieux dans la folie, au pire dans les affres de la mort.