Université Lumière Lyon 2
Thèse en cotutelle avec l’Université De Mannheim
Faculté des Lettres, Sciences du Langage et Arts
Philosophische Fakultät
La Lutine - Portrait sociostylistique d'un groupe de squatteurs à Lyon
Thèse de doctorat de Sciences du langage
Sous la direction de Christian PLANTIN et Christine BIERBACH
Présentée et soutenue publiquement le 18 mars 2003
Devant un jury composé de :
Christine BIERBACH, Professeur à l’Université de Mannheim
Jacques BRES, Professeur à l’Université Montpellier 3
Werner KALLMEYER, Professeur à l’Institut Für Deutsche Sprache de Mannheim
Frank Ernst MULLER, Professeur à l’Université de Mannheim et de Francfort
Christian PLANTIN, Directeur de recherches à l’Université Lyon 2
Véronique TRAVERSO, Chargée de recherches à l’Université Lumière Lyon 2

Pour Ivan – sans toi, ça n’aurait jamais marché !

Remerciements

Merci à mes copines et copains de la Lutine et les autres militantes et militants de Lyon qui ont bien voulu (avec plus ou moins de réticences) être mes « objets d’étude », pour leur patience en ce qui concerne les enregistrements, pour leurs réponses dans les interviews, pour leur indulgence quand je ne savais pas leur expliquer de quoi j’allais parler dans mon travail, et enfin pour leur amitié.

Ma reconnaissance s’adresse également à Madame Christine Bierbach, directrice de thèse en Allemagne, et à Monsieur Christian Plantin, directeur de thèse en France, qui ont bien voulu accepter de diriger mes recherches. Merci de m'avoir accordé leur confiance tout au long de ce travail.

Je remercie également les membres du G.R.I.C. à l’Université Lumière Lyon 2 pour leur chaleureuse hospitalité et tout le monde au Lehrstuhl Romanistik II à l’Université de Mannheim pour les longues années de collaboration dans un climat formidable. Je tiens à exprimer mes remerciements à Monsieur Erwin Diekmann pour son soutien scientifique et pour ses encouragements paternels qui m’accompagnent depuis des années.

Un grand merci à Myriam Batarel, Céline Belledent, Yves Bonnardel, Claude Caillat, Ivan Caillat, Françoise Caillat, Clem Guyard, Reina Horton, Wolfgang Kesselheim, Bettina Kluge, Ulrike Mattes, Andreas Müller, Markus Müller, Oliver Preukschat, Caro Roussel, Britta Thörle et Véronique Traverso pour leurs relectures et leur aide.

Nicht zuletzt möchte ich meinen Eltern danken, die immer an mich geglaubt und die mich immer unterstützt haben.

‘La Lutine, c’est le nom que nous avons donné à cet immeuble, que nous squattons depuis avril 1998. L’immeuble appartient à la Courly, ainsi que des centaines d’autres appatements (sic !) ou immeubles laissés volontairement vides, pour de sombres histoires de marché de l’immobilier. Pendant que des gens dorment dehors.
Nous ne sommes pas a priori des clients rêvés pour les agences immobilières : chômeurs, RMIstes, ou même trop jeunes pour l’être, étrangère, nous avons peu de chances d’obtenir un logement si nous passons par le circuit « normal ». C’est l’une des raisons pour lesquelles nous squattons. Mais ce n’est pas la seule. (Tract « La bourse aux vêtements gratuits »)’

L'objet de cette thèse est l'analyse qualitative des interactions verbales d'un groupe de squatteurs et squatteuses 1 , qui habitent ensemble dans une maison appelée La Lutine 2 , située dans le septième arrondissement à Lyon. Je chercherai à montrer comment, dans ce milieu alternatif urbain, une identité sociale spécifique est construite au travers d'un style de communication, et dans quelle mesure les valeurs sociopolitiques qui y sont revendiquées influent sur les normes communicatives du groupe.

L’analyse se situe dans un cadre théorique et méthodologique qui peut être caractérisé comme une description de la sociostylistique d’un groupe spécifique, basée sur les principes de l’ethnométhodologie (Garfinkel), sur l’ethnographie de la communication (Gumperz, Hymes), sur les travaux de Goffman concernant l’analyse de l’interaction, et sur les principes de l’analyse conversationnelle (Sacks, Schegloff, Jefferson) – courants qui seront présentés dans le premier chapitre de cette thèse. La sociostylistique (ou l’analyse du style social), que j’y introduirai également, complète l’analyse conversationnelle, car elle n’étudie pas « seulement » les procédés communicatifs : elle ajoute la dimension du sens et de la constitution de l’action.

J’utilise donc une méthode herméneutique qui allie l’analyse empirique et la réflexion, qui développe des thèses au fur et à mesure des analyses des données, en combinant la description des mécanismes formels – selon les principes de l’analyse conversationnelle classique – avec des méthodes interprétatives qui se basent sur l’ethnographie de la communication.

A ma connaissance, il n'existe pas en français de portraits sociostylistiques, dans le sens de ceux que l'on trouve, par exemple, dans la définition suivante, c’est-à-dire

‘« […] des représentations détaillées du comportement verbal d’une quantité limitée de personnes qui ont développé une cohésion sociale relativement stable 3  » (Kallmeyer 1995a : 1).’

Par contre, il faut citer les travaux germanophones dans le cadre du projet Kommunikation in der Stadt 4 de l’Institut für deutsche Sprache à Mannheim. Les auteurs y étudient les caractéristiques verbales de groupes sociaux urbains, en tenant compte de leurs organisations sociales et de leurs structures communicatives. Les centres d’intérêt sont la description du processus de différentiation sociostylistique de mondes sociaux, et la description de styles communicatifs comme expression de l’identité sociale de différents groupes, ainsi que les processus sociaux liés à l’intégration, la distanciation et la différentiation.

Ma propre recherche portera sur l'analyse des règles et du style communicatifs à la Lutine. Ce portrait sociostylistique d'un groupe subculturel urbain qui se décrit comme communauté d'habitation et dont les membres revendiquent à divers titres une identité politique se veut une contribution à l'étude des comportements verbaux urbains francophones.

Mon portrait sociostylistique de la Lutine est conçu comme un tour d’horizon, comme idée d’ensemble des traits qui me paraissent caractéristiques de ce groupe. Certes, j’aurais pu en décrire un seul trait – la manière de plaisanter, par exemple – en plus de détail. Mon but était pourtant de donner une impression plus générale de l’interaction verbale dans ce milieu subculturel, d’en faire un tour d’horizon, et c’est pour cela que j’ai choisi plusieures voies d’investigation qui couvrent plusieurs genres de situations conversationnelles. Je me suis penché sur les aspects suivants : la façon de s’autodéfinir, de parler de son propre groupe (l’auto-catégorisation et l’auto-représentation) ; une manière spécifique de plaisanter que j’ai appellée « la mise en scène des actions imaginaires », et certaines règles communicatives concernant le politiquement correct et la gestion de conflits.

Notes
1.

De l'anglais « to squat » = s'accroupir. En ce qui concerne l'orthographe de squat(t), il existe la norme squat (par exemple dans le Nouveau Petit Robert, 1994) et la façon dont cela est écrit par les squatteurs et squatteuses mêmes : squatt. Dans mon étude à base ethnographique, j’adopte évidemment l’orthographe « indigène » et ses dérivés squatteur/squatteuse (le ministère parle d’ailleurs des « squatters », en n’adaptant pas le nom anglais à la morphologie française, et – ceci n’étonne guère – sans le féminiser).

2.

Il s’agit ici d’un pseudonyme. Tous les noms des personnes et des lieux (à l’exception des squatts déjà expulsées, donc « historiques ») ont été changés.

3.

« […] detaillierte Darstellungen des sprachlichen Verhaltens einer begrenzten Anzahl von Personen, die einen relativ stabilen sozialen Zusammenhalt entwickelt haben ».

4.

Cf. les volumes 1 à 4 de Kommunikation in der Stadt (1994-1995), édités par Kallmeyer (vol. 1 et 2), Keim (vol. 3) et Schwitalla (vol. 4).