1.4. Les concepts de Goffman

Les concepts de Goffman qui jouent un rôle pour l’analyse des interactions verbales sont principalement le « face work », le « footing » 27 , les rituels 28 , et la notion de cadre participatif 29 .

Le concept des faces est central pour la description de l’interaction communicative, parce que le traitement de l’autre, la gestion des relations avec autrui, la présentation de soi-même doivent se passer de façon à ce que les normes de la communauté en la matière soient respectées – le « face-work » met ces normes en évidence, et tout FTA (« face-threatening act », acte menaçant pour la face) et la réaction qu’il provoque les rend explicites.

‘Ordinarily, maintenance of face is a condition of interaction, not its objective [...]. To study face-saving is to study the traffic rules of social interaction ; one learns about the code the person adheres to in his movement across the paths and designs of others, but not where he is going, or why he wants to get there. (Goffman 1967 : 12)’

Les théories de Goffman à propos du « face work », développées par Brown et Levinson (1978, 1987) pour l'analyse des stratégies de politesse seront utilisées comme base pour l'étude de la gestion des faces à l'intérieur de la Lutine. Pour Goffman (1967 : 9-15), le « face work » contient tout ce que fait une personne pour éviter qu’elle-même ou son interlocuteur ne perde la face. Brown/Levinson (1987 : 66) postulent « that all competent adult members of a society have (and know each other to have) ‘face’, the public self-image that every member wants to claim for himself, consisting in two related aspects », et ils distinguent ensuite deux faces indissociables (face positive/négative) 30  :

‘(a) negative face : the basic claim to territories, personal preserves, rights to non-distraction – i.e. to freedom of action and freedom from imposition ;
(b) positive face : the positive consistent self-image or « personality » (crucially including the desire that this self-image be appreciated and approved of) claimed by interactants. (ibid.)’

Soulignons encore une fois que, si l’on retrouve sans doute dans chaque communauté humaine une forme de reconnaissance mutuelle qui correspond au concept de face, son contenu varie par contre d’une société à l’autre.

Notes
27.

Le « footing » désigne la position qu’un locuteur montre vis-à-vis de son énoncé (cf. Goffman 1981).

28.

« Goffman développe l’idée d’une attention rituelle que se portent mutuellement les individus en interaction, qui consiste pour chacun à s’attacher à ce que personne ne perde la face » (Traverso 1999 : 10).

29.

« Participation framework » : « Les participants d’une interaction peuvent ne pas être seulement deux et leur rôle au cours de l’échange peut varier. Goffman distingue donc les participants ratifiés, ceux quisont directement impliqués dans l’interaction, et les témoins (bystanders) qui entendent mais sont en dehors du jeu interlocutif » (Maingueneau 1996 : 13).

30.

Cf. aussi Kerbrat-Orecchioni (par exemple 1992, 1996).