V.2.3 Catégorisation par l’apparence

Dans l’exemple suivant, Rémi parle du fait que la présence de millions de squatteurs (4) pendant le procès pourrait nuire au résultat de celui-ci :

R1/751-758 :
R1/751-758 :

La catégorie « squatteur » est définie de manière négative ici, comme l’opposé de qui présentent bien […] genre cinquante ans costume (9) : Un squatteur ne fait pas bon effet dans le contexte d’un tribunal parce qu’il est jeune et parce qu’il n’est pas habillé comme il faut. Derrière cette définition négative se cache évidemment plus que l’âge et les vêtements ; le costume et les cinquante ans sont le signe d’une situation posée dans la société, considérée comme positive par un tribunal de la République Française ; un squatteur représente juste le contraire.

Un peu plus loin dans la même réunion, la discussion sur ce point recommence :

R1/776-786 :
R1/776-786 :

Suzanne reprend l’argumentation de Rémi et donne cette fois-ci, aidée par Maryse, la définition positive de la catégorie opposée aux « cinquante ans/costume » : ce sont les squatteurs stéréotypes (8) dread lockeux (9). Il est intéressant de noter dans ce passage que pendant que Suzanne parle du stéréotype, celui-ci est complété parallèlement par Maryse, en parfaite coénonciation. Les dread locks (cf. Glossaire) fonctionnent comme un pars pro toto dans la description (cf. aussi II.3.2 et II.6.1.2). Cette coiffure est désignée comme emblématique parce que plus remarquable que, par exemple, les cheveux tondus courts qui sont au moins aussi répandus chez les squatteurs (cf. aussi II.6.1.2). Son évocation est surtout représentative d’un prototype (dans le sens de représentant exemplaire) de squatteurs : l’un des moins présentables, car les dread locks font « sale », évoquent en plus des vêtements sales et troués, de nombreux piercings, etc. C’est exactement cette image là que Maryse veut évoquer ici, en l’opposant aux « cinquante ans/costume ».

Les squatteurs ont aussi conscience que cette apparence, en les distinguant de l'exogroupe, peut faire peur. Et leur attitude face à cette peur qu'ils inspirent est ambiguë, comme nous allons le voir dans l'interview de Rémi.