VI.3 En guise de conclusion

J’espère avoir montré dans ce petit aperçu qu’il y a bien une sensibilisation à l’utilisation politiquement correcte des formes féminisées dans le groupe, surtout dans des contextes où le groupe est en train de travailler son auto-définition, l’image qu’il se fait de lui-même, son identité comme groupe « conscient 385  ». Ce sont les moments où l’on parle de l’habitat collectif, donc du mode de vie alternatif, ou de problèmes dans l’interaction conflictuelle (la crise entre Pénélope et Albert) que le groupe a définis comme liés à un comportement dominant, mais aussi des moments de prise de décision, c’est-à-dire de positionnement vis-à-vis d’un certain point, et plus généralement des moments où l’on veut mentionner tous les membres du groupe en utilisant les formes masculines et féminines des pronoms définis ou indéfinis. Il y a donc une tendence d’affichage de la sensibilisation concernant la féminisation dans ces contextes. Mais, et nous avons vu cela dans les exemples classés comme « autres », la féminisation est aussi utilisée dans des contextes qui ne sont pas marqués d’une façon ou d’une autre. Il semble y avoir aussi des tendances idiosyncratiques : certaines personnes féminisent plus souvent ou plus radicalement que d’autres.

Les marqueurs d’hésitation qui accompagnent quasiment toujours la féminisation montrent les difficultés à mettre ce principe théorique en pratique.

Nous avons vu que la féminisation n’est pas le seul élément lié à l’arrière-plan féministe qui s’affiche dans l’interaction verbale du groupe. Comme je l’ai déjà précisé, il serait intéressant de mieux travailler cet aspect, avec un corpus élargi. J’ai quand même pu présenter quelques exemples qui me semblent révélateurs de la gestion de l’interaction entre hommes et femmes à la Lutine. Celle-ci reflète le principe de base du groupe, celui de la coopération, et va quelquefois jusqu’à une hyper-sensibilisation en ce qui concerne le respect du droit à la parole (cf. l’exemple pardon) et la gestion des tâches dans l’interaction (cf. je préférerais quelqu’une).

Nous avons constaté qu’il y a quand même des moments où non seulement l’interacton entre hommes et femmes s’avère difficile, mais où des principes féministes et leur mise en pratique posent problème (cf. à ce moment-là faut vraiment te proposer) ou sont mis à l’épreuve (cf. une histoire euh de domination claire). Ici on peut donc tirer la même conclusion que pour la féminisation grammaticale : le travail théorique est fait, la prise de conscience et la sensibilisation concernant la question sont bien avancées, mais la mise en pratique pose quelquefois problème.

Notes
385.

J’utilise ici un terme courant dans le milieu.