VII.3.3.2 balayer

Contexte : Le groupe parle de l’entretien de l’immeuble. Raymond dit que cela le fait chier qu’un gamin de dix-sept ans fasse le ménage. Pour mettre fin à cette situation, on se dit que peut-être les habitants eux-mêmes pourraient balayer la cage d’escalier (soulignons que les Lutinistes ne sont pas gênés à cause de la saleté, mais du fait que c’est ce gamin qui s’en occupe).

balayer (R6/1208-1226)

La question rhétorique de Raymond, qui veut balayer (1), lui est renvoyée par Gisèle qui lui suggère en riant de le faire lui-même (2), et par un rire prolongé de Nicola (4). Romain propose, de façon prosodiquement non marquée, mais formulée au conditionnel, que le groupe paie un de ses membres pour faire ce travail (6-8). Ceci est évidemment scandaleux, car un des principes auxquels tient le groupe, souvent répété, est de fonctionner le plus possible « en dehors des rapports marchands » ; personne dans le groupe n’accepterait ni de faire ce travail en se faisant payer par les autres, ni de donner de l’argent à un membre du groupe pour, finalement, en faire son employé. Les réactions à cette proposition sont différentes ; d’un côté, on a le rire de Nicola et de Gisèle (qui traite Romain – gentiment – de con, 11), qui s’amusent de ce que Romain vient de dire. D’un autre côté, on a la fausse indignation de Raymond (13) qui se montre « révolté » par l’énoncé de Romain et répond de façon politiquement correcte en l’invitant à quitter la pièce et en le traitant d’exploitateur (il est très possible qu’il se trompe volontairement en utilisant ce dérivé qui n’existe pas et qui souligne sa fausse indignation). Romain, par contre, se stylise comme « méchant » en utilisant avec fierté la fausse assurance ben: chuis comme ça hhh (14), en riant (on se rappellera de l’antiphrase ironique dans légumes pourris  : on n’est pas comme ça nous).

Plus tard dans la discussion, le point est encore une fois soulevé, cette fois-ci de façon sérieuse 456 , parce que Mohamed 457 propose de s’occuper de la cage d’escalier. Après une courte discussion 458 , on décide que trois personnes vont la nettoyer un jour avant que le fils du gardien ne vienne le faire, pour lui couper l’herbe sous le pré 459 (Raymond R7/2510-2512), en se disant que si le travail est déjà fait et les escaliers propres, le fils du gardien ne va pas se mettre à les nettoyer. C’est Alphonse qui remarque mais il va le faire quand même hein parce qu'il estime qu'il: c'est euh: . propre ou pas je veux dire il vient pas en sachant si c'est sale hein il vient: . parce qu'il faut le faire (R7/2523-2526). Ici se heurtent deux conceptions de travail : le travail qu’il faut faire parce qu’on est payé pour, même si le travail n’a pas de sens, comme de nettoyer la cage d’escalier qui vient d’être nettoyée (= fils du gardien comme représentant du monde salarié), et le travail qu’il faut faire parce qu’il y a une nécessité de le faire, comme de nettoyer parce que quelque chose est sale (= gens de la Lutine).

Notes
456.

J’ai déjà mentionné ce genre de schéma dans on ira chez vous .

457.

Le père de la famille sans papiers.

458.

Entre Gary, Sylvie, Jacques, Pénélope et Raymond.

459.

Expression corrigée de couper l’herbe sous le pied par Alphonse, R7/2524.