1.1.2.1.Analyse des effets externes

Comme nous l'avons précédemment souligné, le secteur des transports génère de nombreux effets externes qui suppriment la correspondance entre l'équilibre général de marché et l'optimum parétien. Il s'agit de les internaliser, ce qui a pour conséquence de complexifier le concept de coût marginal. L'idée est que chaque consommateur doit rémunérer les charges dont il est responsable, non seulement directement, mais aussi du fait des désutilités que son action fait supporter aux tiers.

Tableau 1 : Terminologie usuelle des coûts (Baumstark, 1997)
  Coûts privés Coûts monétaires
Coût social
du
transport
A la charge des usagers
Coûts externes
Coûts sociaux (Environnement, insécurité, congestion ...)
  A la charge de la collectivité Coûts monétaires

On introduit dans cette analyse la notion de coût social qui représente la somme des coûts privés et des coûts externes. On dira qu'il y a effet externe lorsque apparaît une différence entre le coût privé et le coût social. Le coût externe représente donc un élément non pris en compte par le marché et supporté par toute ou une partie de la collectivité.

Dans une situation optimale, et après formalisation, on montre que le prix du bien k serait égal à la disposition marginale à payer de tout individu j pour la consommation de ce bien, valeur à laquelle il faut ajouter la diminution de satisfaction que cette consommation entraîne chez les autres individus. Cependant, il paraît clair que les individus ne seront pas incités à adopter un tel comportement. Il faut donc internaliser les effets externes pour que le système puisse par la suite être décentralisé 7 (c’est-à-dire que les individus soient incités à adopter eux-mêmes un comportement qui permet d’arriver à la situation optimale). En matière d'internalisation, il existe deux grandes familles :

la fiscalisation optimale et le principe «pollueur-payeur» qui provient de l'analyse de Pigou. Pour lui, la présence d'effets externes constitue un échec du marché et justifie l'intervention de la puissance publique sous la forme d'une taxe de pollution appelée «taxe pigouvienne» qui permet de pénaliser le pollueur et de dédommager le pollué pour le préjudice subi. L'analyse de la taxe pigouvienne amène aux conclusions suivantes : tout d'abord, le traitement optimal des effets externes n'implique pas de les supprimer, mais de les ramener à un niveau optimal. Ensuite, la taxe est à la fois efficace et équitable : d'une part, elle incite le pollueur à limiter le niveau de nuisances au niveau optimal, ce qui permet d'atteindre l'optimum parétien. D'autre part, avec ce système, l'agent économique qui émet la nuisance en supporte le coût 8 . Toutefois, la réussite d'une telle entreprise suppose que l'Etat, omniscient, soit en mesure de déterminer le montant de la taxe, et donc soit capable de connaître les fonctions de production des pollueurs et les fonctions d'utilité des pollués.

La mercantilisation des droits d'externalités et le principe de «pollué-payeur» : A partir des années 60, l'analyse de Pigou a été vivement contestée par Coase (1960), qui la considère comme trop moraliste pour saisir les enjeux économiques. Il montre qu'il vaut mieux mettre sur le même plan les pollueurs et les pollués en les incitant à négocier en confrontant leurs préférences, si cette confrontation est possible et peu coûteuse, car pour lui l'effet externe a un caractère bilatéral : ce résultat est connu sous le nom du théorème de Coase. Deux mécanismes peuvent alors exister : dans le premier, le pollueur achète des droits à polluer, dans le second cas, le pollué achète au pollueur la réduction du niveau de nuisance qu'il souhaite obtenir. Ce que dit le théorème de Coase, c'est que les considérations économiques peuvent donc être séparées des considérations d'équité. Pour Coase, les premières sont du ressort de l'internalisation alors que les secondes relèvent plutôt de l'indemnisation.

Cependant, plusieurs questions demeurent : ces «droits de propriété» sont-ils définis ? Peuvent-ils l'être, et comment ? La structure du marché de ces droits autorise-t-elle une réelle décentralisation ? Ces remarques démontrent que le rôle de la puissance publique est un élément décisif dans une telle internalisation des effets externes.

Dans le cas des transports urbains, il existe trois principaux types de nuisances : le bruit, la congestion et la pollution atmosphérique. Leur estimation est très importante car, d'une part, il est nécessaire d'inclure ces coûts sociaux dans une analyse réaliste du coût comparé des différents modes de transport, et d'autre part, si on veut pouvoir estimer une tarification optimale, il faut intégrer le coût marginal social de chaque mode de transport urbain.

Notes
7.

Voir Baumstark (1997), pp. 193-194.

8.

Voir Croissant (1994), p. 13.