1.1.3.2.1.Présentation

Boiteux a publié en 1956 une solution qui fait date. Les Anglo-saxons désignent ce principe sous l'expression d'Inverse Elasticity Rule. Les manuels présentent cet article fondateur comme une résolution générale du problème de la production et de la tarification pareto-optimale d'un monopole public soumis à l'obligation d'équilibrer son budget dans le contexte d'une économie concurrentielle avec compensation des effets revenus. Le concept décisif d'élasticité fait ici son apparition. Boiteux démontre que la tarification de second rang conduit à des écarts par rapport aux coûts marginaux non pas constants, mais inversement proportionnels aux élasticités-prix de la demande, ce que l'on formalise par :

La différenciation de la tarification est introduite en segmentant les marchés caractérisés par des élasticités différentes.

Ainsi, le respect de la règle budgétaire conduit à déterminer des tarifs de manière à ce que l'écart relatif du prix à la consommation et du coût marginal soit proportionnel à l'inverse de l'élasticité-prix du bien. En pratique, cela conduit à faire payer d'autant plus cher que la demande pour le service est peu élastique. Cette tarification cherche ainsi à ne pas distordre le signal tarifaire adressé aux usagers très réactifs, afin que ces derniers ne modifient pas leur consommation, et prélever les charges auprès des usagers peu réactifs qui ne diminueront leur consommation que faiblement par rapport à l'optimum social, même sous des tarifs plus élevés. L'analyse consiste donc à rompre avec une vision unique du marché. En effet, la règle dite de Boiteux revient à tirer parti des situations relatives différentes des marchés.

Cependant, la mise en œuvre pratique de cette règle soulève des difficultés : d'une part, la connaissance des élasticités aux tarifs est loin d'être évidente, d'autre part, on peut lui opposer que finalement elle revient à faire payer plus cher les usagers qui ont le plus besoin de ces services, qui représentent parfois des services de base, c'est-à-dire, par exemple, les captifs dans les transports en commun qui ne peuvent bénéficier d'aucune autre alternative pour se déplacer, ce qui, du point de vue de l'équité, laisse à désirer.

Cependant, si l'on raisonne en terme de consentement à payer, la distinction entre les consommateurs ne se fait plus selon une échelle de valeur «riche»/»pauvre», mais en fonction de la valeur que chaque individu accorde à chacun de ses déplacements. Ainsi présentée, la tarification de Ramsey-Boiteux, qui revient à faire payer plus cher l'individu qui consent à payer plus car la valeur qu'il accorde à son déplacement est élevée, n'apparaît pas inéquitable (ce type de raisonnement fonde l'approche en termes de surplus que nous étudierons plus loin).