1.1.3.2.2.Mise en place décentralisée de la tarification de Ramsey-Boiteux

La mise en place de ce type de tarification nécessite de connaître les coûts marginaux de production des différents biens, ainsi que les élasticités-prix directes et croisées, informations dont dispose généralement plus facilement la firme que la tutelle. Pour cette raison, il est difficile à la tutelle d'imposer à la firme réglementée d'appliquer la tarification de Ramsey-Boiteux. Cependant, la firme peut y être incitée par l'intermédiaire d'une contrainte appropriée sur le niveau des prix, de nature réglementaire ou sous la pression concurrentielle.

Vogelsang et Finsinger ²⁵ (cité par Croissant, 1994) ont en effet montré que, par l'intermédiaire d'un mécanisme itératif reposant sur l’observation du coût total de production et des quantités produites de chaque bien, on pouvait amener la firme réglementée à appliquer d'elle-même une tarification tendant vers celle qui maximise le bien-être social. Mais pour cela, certaines conditions sont requises, en particulier la décroissance du coût moyen radial de la firme réglementée, de manière à ce qu'elle puisse réaliser un profit à chaque période. Cela implique que ce mécanisme n'est applicable que pour certains monopoles naturels. Une deuxième limite présentée par ce mécanisme est qu'il repose sur l'idée que la firme n'adoptera pas de comportement stratégique. En effet, par ce mécanisme, la maximisation intertemporelle du profit n'implique pas la minimisation des coûts de production à chaque période : en augmentant ses coûts, la firme relâche la contrainte réglementaire et accroît son profit au cours des périodes suivantes. Cependant, l'intérêt d'un tel mécanisme est de montrer que la tutelle peut imposer au monopole une tarification optimale avec peu d'informations : elle a juste besoin d'observer à chaque période le coût total de production et les quantités produites de chaque bien.

Un deuxième mécanisme repose sur l'idée que la firme réglementée peut également être contrainte à la réduction du niveau des prix qu'elle pratique par la contrainte exercée par la concurrence potentielle à l'entrée du marché. Si l'entrée du marché n'est pas interdite, le monopole sera, face à la menace de concurrents potentiels, obligé d'appliquer une tarification soutenable. Baumol, Bailey et Willig ²⁶ (cités par Croissant, 1994) ont montré que sous certaines conditions (coût moyen radial décroissant et fonction de coûts transradialement convexe), la tarification de Ramsey - Boiteux pour un monopole est soutenable. Ainsi, les vertus allocatives du marché peuvent également être valables pour les marchés monopolistiques contestables : c'est le théorème de la main invisible faible. Il constitue un des principaux arguments de la déréglementation, dans la mesure où il revient à dire que la pression concurrentielle aboutit à des résultats allocatifs aussi bons que ceux correspondant à une réglementation parfaite. Cependant, ce résultat présente des limites importantes : d'une part, si un monopole ne remplit pas les deux conditions précitées, alors la réglementation demeure justifiée, et d'autre part, la théorie des marchés contestables repose sur une présentation des marchés naturellement monopolistiques qui n'est pas forcément réaliste (entrée et sortie du marché libres, réaction du monopole à l'entrée de la concurrence plus lente que celle des consommateurs, et comportement de type Nash-Bertrand des concurrents potentiels, c'est-à-dire qu'ils considèrent le système de prix du monopole comme donné et proposent de servir, à des prix inférieurs, une partie de la clientèle ²⁷ ).